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Des chefs religieux indonésiens lèguent des leçons de tolérance

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Lorsque la communauté chrétienne s’est rendue à l’office du Vendredi Saint le 29 mars dernier à l’Eglise de la Cathédrale, au centre de Jakarta, la mosquée Istiqlal s’est fait une joie d’offrir ses places de parking aux membres de la congrégation. Tenant compte de leur proximité, il est difficile de comprendre pourquoi les groupes religieux ont de la peine à s’entendre.

Sur la Colline de l’amour, les religions cohabitent

En Indonésie, il n’est pas rare qu’une mosquée avoisine une église. C’est le cas de la mosquée Al Hikmah, qui a été construite à côté de l’église chrétienne javanaise, à Solo, dans la province de Java central. Pendant plus de 50 années, les membres des deux congrégations ont cohabité dans le respect les uns des autres.

A Manado, dans le nord de la province de Sulawesi, il existe un monument représentant cinq religions – l’islam, le catholicisme, le protestantisme, l’hindouisme et le bouddhisme –, qui se tient sur la Colline de l’amour –Bukit Kasih. Sur cette même colline, se trouvent également cinq lieux de prière. Un tel exemple de coexistence est la mise en œuvre des concepts de démocratie et de liberté religieuse en Indonésie, tels que ceux légués par de célèbres savants musulmans – Abdurrahman Wahid et Nurcholish Madjid.

C’est pourquoi, lorsqu’une église protestante de Setu, dans la région de l’ouest de Java, a été démolie au mois de mars faute de permis, j’ai été consterné et inquiet, tout comme nombre d’autres Indonésiens. En effet, ce lieu de culte était connu pour sa générosité envers la communauté musulmane durant l’Aïd al-Ahda (fête musulmane qui honore la volonté du prophète Abraham de sacrifier à Dieu son premier enfant). Nous sommes persuadés que la démocratie, et la liberté de choisir et de pratiquer sa religion sont des principes inhérents à l’Islam.

Grandes figures de l’islam en Indonésie

Etre rappelé de la philosophie démocratique de figures musulmanes majeures peut être un premier pas dans la lutte contre la discrimination des minorités.

Abdurrahman Wahid – également appelé Gus Dur – était le président de Nahdlatul Ulama (l’organisation musulmane la plus importante en Indonésie) et le quatrième président du pays. Nurcholish Madjid – également appelé Cak Nur – était un intellectuel musulman influent et le fondateur de la Paramadina University et de la Fondation Paramadina – centre d’apprentissage qui promeut la tolérance et le pluralisme.

Au cours de son mandat à la présidence du pays, Gus Dur a changé un grand nombre de lois, qui ont transformé en démocratie le système autoritaire et discriminatoire mis en place pendant les 30 années du régime de Soeharto (1967-1998).

Les Indonésiens se réfèrent souvent à Gus Dur comme étant « le père de la nation ». Il a intégré toutes les minorités, et il s’est rendu dans les églises et les temples, entretenant ainsi des relations chaleureuses avec les chefs religieux des différentes minorités. Il a permis à la communauté chinoise d’Indonésie d’exercer leur droit de célébration des fêtes chinoises. Il a également fondé la Conférence indonésienne sur la religion et la paix, une organisation qui veille au dialogue inter-religieux, ainsi que le Wahid Institute, qui promeut la démocratie, la paix et le pluralisme dans l’islam.

De la démocratie en islam

Il estimait que tous les hommes étaient égaux aux yeux de l’Islam et souhaitait que tous les citoyens indonésiens bénéficient de droits égaux, quel qu’en soit le domaine. « La démocratie n’est pas haram (interdite), elle est même obligatoire dans l’islam. Mettre en vigueur la démocratie est un des principes de l’islam : la choura (consultation) », a-t-il affirmé.

De la même manière, Cak Nur était d’avis que chaque citoyen avait le droit de construire un lieu de prière, d’enseigner des doctrines religieuses en public et de participer aux élections et à la vie politique.

Cak Nur, décédé en 2005, est encore considéré affectueusement comme le « maître de la nation ». Ses idées de démocratie islamique sont largement acceptées par les hommes politiques musulmans et sont intégrées dans les partis laïcs de Golkar et de Demokrat – respectivement le parti qui a dominé la scène politique de l’Indonésie durant les 30 années du régime de Soeharto, et le parti qui a emporté les élections de 2009 et qui a reconduit le mandat de Susilo Bamnamg Yodhoyono à la présidence de l’Indonésie.

Vers une nation plus tolérante

Depuis les élections de 2004, les partis islamiques et laïcs collaborent dans un gouvernement de coalition, soutenant à la fois les candidats musulmans et laïcs. Tout citoyen indonésien a le droit de se présenter comme candidat au gouvernement et peut voter pour des représentants, qu’ils soient musulmans ou non. Bien que leurs pratiques aient parfois rencontré des obstacles, des dirigeants de minorités religieuses ont su gagner le soutien du peuple et des politiques, à l’instar de Basuki Tjahaja Purnama, le vice-gouverneur de Jakarta, chrétien d’origine chinoise.

La réflexion sur la véritable nature de l’islam et sur une transmission adéquate des valeurs démocratiques de l’islam – qui émanent des pensées et des écrits de Gus Dur, Cak Nur et d’autres dirigeants musulmans influents – est une nécessité si nous voulons réduire la violence et la discrimination fondées sur la religion.

Il revient aux élites intellectuelles et politiques, et aux organisations de la société civile de travailler ensemble, afin de transmettre leurs connaissances sur les valeurs démocratiques de l’islam à niveau national, et d’offrir aux minorités la liberté d’exercer leurs droits.

Une réflexion à niveau national, soutenue par l’enseignement de ces valeurs, donnera sans doute naissance à une nation plus tolérante.

Article écrit pour Service de presse de Common Ground (CGNews)

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