Site icon La Revue Internationale

En Indonésie, une ville criminelle retrouve le chemin de la paix

[image:1,l]

Connue pour sa violence envers des cibles religieuses, comme le montrent l’attentat-suicide de 2011 contre une église chrétienne et les violences commises à l’encontre des résidents chinois dans les années 1990, Solo, une ville indonésienne du centre de l’île de Java, fait à nouveau couler de l’encre.

Le troisième meilleur maire au monde est en Indonésie

Cette fois-ci, c’est grâce à Joko Widodo, son ancien maire bien aimé. Aujourd’hui gouverneur de Jakarta, Joko Widodo a été élu troisième meilleur maire au monde par le World Mayor Project, au début de cette année. Il est loué pour sa réussite à « changer une ville dirigée par le crime en un centre régional pour les arts et la culture. »
Il n’est pas le seul à avoir contribué à ce changement dans la réputation de Solo, qui est passé d’une ville du crime à une ville de la paix. Un autre résident remarquable est le Révérend Paulus Hartono, chef d’une église mennonite de la région. Sa vision : faire de Solo une ville où règne la paix, et mettre fin au surnom qui lui est donné de ville « explosive ». Paulus Hartono travaille actuellement en collaboration avec d’autres chefs religieux en vue de la création du Solo Peace Institute (L’Institut pour la paix de Solo).
Depuis plus d’une décennie, Paulus Hartono joint ses forces avec différents groupes chrétiens et musulmans dans le domaine humanitaire. Il fait tomber les barrières, ce qui permet une véritable communication interreligieuse, développant ainsi un modèle de construction de la paix capable de transformer des conflits en interactions positives.

Un pasteur s’engage pour la paix

En 2003, Paulus Hartono a entamé une relation proche avec d’autres chefs religieux et a fondé avec eux le Forum for Peace Accross Religions and Groups (FPLAG – le forum pour la paix à travers et les groupes et les religions). Ce forum a été important, parce que des années après la réforme indonésienne de 1998, les conflits entre ethnies et groupes religieux étaient monnaie courante. Un groupe paramilitaire musulman, appelé Hezbollah (sans lien aucun avec Hezbollah au Liban), avait même tenté de fermer des églises et chasser des expatriés.
Paulus Hartono a fait tout son possible afin de changer le point de vue des gens en soulignant les points communs entre différentes croyances, comme les valeurs fondamentales que sont la paix, la pitié et l’amour, et qui sont des valeurs communes à l’islam et à la chrétienté. Pour lui, cet effort a constitué un exercice de compassion, tel que l’instruit la religion chrétienne.
En 2005, lorsque Paulus Hartono était à la tête de la station de radio Immanuel, il a souvent été amené à rencontrer le commandant d’Hezbollah Yani Rusmanto, lui-même responsable de la chaîne Hiz Radio. Lors de leurs rencontres, il a fait part de son désir de visiter le quartier général d’Hezbollah, mais Yani Rusmanto n’a jamais répondu à sa requête.

Le travail de deux hommes pour la réconciliation des religions

Au lendemain du tsunami d’Aceh en 2004, Paulus Hartono a été récompensé pour ses efforts visant la création d’un réseau interreligieux et d’occasions favorables à la réconciliation. L’église mennonite, une dénomination chrétienne anabaptiste, met sur pied des projets religieux qui visent essentiellement une action humanitaire et non-violente à travers la construction de la paix, et grâce au soutien de l’église mennonite Gereja Kristen Muria Indonesia (GKMI).

A cette époque, Paulus Hartono s’occupait de la gestion de désastres et a invité Yani Rusmanto à se joindre à sa mission humanitaire à Aceh. Cette fois-ci, le commandant a répondu positivement.
Après deux semaines de communication intensive à Aceh, les deux dirigeants ont établi une relation harmonieuse.
Paulus Hartono a demandé à son collaborateur de donner un discours à Aceh. Au bout de quelques mots, le commandant en a perdu la parole et n’a pu retenir ses pleurs. Il était ému par l’engagement sincère des chrétiens, désireux d’aider les victimes du tsunami, majoritairement musulmanes. Les préjugés qu’il avait eus jusque-là ont été sérieusement mis à l’épreuve par ce dont il avait été témoin.

La fin de l’impasse

Le partenariat a été relancé lorsque le tremblement de terre dévastateur a frappé Yogykarta en 2006. Des véhicules transportant l’aide aux victimes depuis l’église, étaient protégés par des gardes d’Hezbollah, qui veillaient à une livraison en toute sécurité.
Paulus Hartono et Yani Rusmanto ont par la suite créé un partenariat entre leurs chaînes de radio, Immanuel et Hiz Radio, en 2009. Ils ont présenté un programme conjoint appelé « la voix de la paix » pendant cinq mois, auquel s’est joint en tant que interlocuteur Muhammad Dian Nafi’, membre de la principale organisation musulmane, Nahdlatul Ulama (UN). Cette émission radio avait pour but d’éclairer les auditeurs sur le pluralisme, la paix, la diversité et le radicalisme, et elle a été bien reçue par les habitants de Solo.
Paulus Hartono a réussi à mettre fin à l’impasse dans laquelle se trouvaient les musulmans radicaux et les chrétiens de Solo. Il a ainsi montré que grâce au partage de la compassion et de l’humanité, une relation pacifique et fondée sur la compréhension mutuelle est possible entre des groupes différents.
Nombreuses sont les personnes qui se rendent à Solo, aujourd’hui gouvernée par un maire catholique, afin d’en apprendre davantage sur les efforts interreligieux qui changent la manière dont la ville est perçue : non plus comme une ville où règne la violence, mais comme une ville pacifique.

Fajar Sodiq est un journaliste indépendant établi dans la province de Java Central.

> Lire l’article dans son contexte original

Quitter la version mobile