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Erwann Binet: «Les premiers mariages gays auront lieu cet été»

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Dernière ligne droite pour le texte très controversé sur le Mariage pour tous, examiné en seconde lecture par les députés, pour un vote prévu le 23 avril. Une occasion pour JOL Press de donner la parole à Erwann Binet, rapporteur du projet de loi, qui demeure très confiant sur l’adoption du texte, malgré une opposition de plus en plus pressante. Entretien.

JOL Press : Dans quel état d’esprit êtes-vous avant d’aborder ces débats à l’Assemblée ?
 

Erwann Binet : Comme toujours, depuis le début, je suis extrêmement serein, déterminé et convaincu qu’il faut maintenant aller vite dans l’adoption du texte.

JOL Press : Quels sont les points du projet de loi qui devront être discutés à l’Assemblée ?
 

Erwann Binet : Il faut déjà dire qu’il n’y a pas eu de points retoqués par le Sénat. Le Sénat a clairement, sur l’ensemble des dispositions, mis ses pas dans ceux de l’Assemblée, à une exception près mais qui ne pose pas de problème pour les députés. Le Sénat a uniquement fait des amendements de précision ou des amendements rédactionnels qui ne sont pas gênants puisqu’ils partent du même consensus politique. Le Sénat a renforcé certaines dispositions que le Parlement avait intégrées, notamment pour l’objection des salariés à être expatriés dans les pays incriminant l’homosexualité et pour le statut du parent social.

JOL Press : De quelle exception parlez-vous ?
 

Erwann Binet : C’est un point très technique sur l’autorité parentale, mais c’est du détail, ça ne pose absolument aucun problème à l’Assemblée. Ce qui est le plus important à dire c’est que l’article 1 – qui est l’article le plus important du texte puisqu’il redéfinit le mariage et conséquemment ouvre l’adoption pour les couples de même sexe – a été adopté dans les mêmes termes à l’Assemblée comme au Sénat. Il ne fait plus l’objet de débat maintenant. C’est terminé. Il ne sera même pas mis en discussion.

JOL Press : L’adoption n’apparait pas dans l’article…
 

Erwann Binet : L’adoption est une conséquence de cet article puisque pour adopter, dans notre pays, il faut être marié. Comme vous ouvrez le mariage aux couples de même sexe, l’adoption automatiquement leur est ouverte.

JOL Press : Selon vous, quand le texte pourra-t-il être promulgué ?
 

Erwann Binet : Voilà le calendrier que nous imaginons aujourd’hui : mardi 23 avril, adoption définitive du texte en vote solennel à l’Assemblée nationale ; ensuite les opposants ont environ un mois pour saisir le Conseil constitutionnel, jusqu’au 24 mai ; une fois le texte validé par le Conseil constitutionnel, le président de la République a deux semaines grand maximum pour le promulguer, donc, si tout va bien, les premiers mariages pourront avoir lieu au début de l’été.

JOL Press : Pourquoi avoir avancé le calendrier parlementaire ?
 

Erwann Binet : Il faudrait demander au gouvernement mais je crois qu’il y avait deux raisons. Tout d’abord le gouvernement a fait le constat qu’entre le Sénat et l’Assemblée il y avait une grande convergence de vue et qu’il n’était pas nécessaire de refaire 110 heures de débat, de reprendre tout à zéro, ce en quoi il a tout à fait raison. Ensuite, je crois qu’il a vu aussi le climat s’alourdir ces dernières semaines et a estimé qu’il n’était pas nécessaire de l’alimenter d’avantage. Il était indispensable, comme nous le demandent tous les Français, de faire aboutir rapidement ce texte et de passer à autre chose.

JOL Press : Ne pensez-vous pas que cette accélération du calendrier va au contraire donner un nouvel élan à l’opposition ?
 

Erwann Binet : Non, je ne le pense pas. Ce n’est pas l’accélération du calendrier qui a augmenté cette radicalisation, elle date déjà depuis plusieurs semaines.

JOL Press : Pensez-vous que le texte puisse être retoqué au Conseil constitutionnel ?
 

Erwann Binet : Je n’en sais rien. Toutes les dispositions ont été prises pour respecter notre loi fondamentale et pour anticiper des questionnements que pourrait se poser le Conseil constitutionnel.

JOL Press : Si le texte est retoqué, il y aurait une nouvelle discussion à l’Assemblée ?
 

Erwann Binet : C’est impossible à dire aujourd’hui. Le Conseil constitutionnel peut prendre toute sorte de décisions : il peut s’attaquer à un article ou au texte entier. On ne peut absolument pas savoir, dans l’état actuel des choses.

JOL Press : Que pensez-vous du climat qui règne dans la rue depuis l’adoption du texte au Sénat ?
 

Erwann Binet : C’est un climat lourd mais qui ne date pas, en réalité, de l’adoption du texte au Sénat,  mais de la dernière manifestation à Paris, le 24 mars. C’est un climat difficile à vivre pour les homosexuels et pour les enfants qui vivent dans des familles homosexuelles. Je souhaite vraiment que le projet de loi soit adopté rapidement car je veux leur épargner des images des mots qui sont médiatisés, des gestes, des violences qui s’adressent essentiellement à eux.

JOL Press : Qu’est-ce qui vous choque le plus dans ces manifestations ?
 

Erwann Binet : La présence des enfants dans les cortèges. J’avoue que je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse venir avec des enfants dans des manifestations qui, de fait, stigmatisent l’homosexualité. Je ne comprends pas que les parents ne puissent pas imaginer un seul instant que leur enfant puisse révéler une homosexualité dans l’avenir. Sans compter qu’il y a de plus en plus de dingues d’extrême droite dans ces manifestations qui sont capables de faire dégénérer les choses très vite et qui pourraient mettre les enfants en danger. Je trouve cela déplorable.

JOL Press : Comment tout cela va se terminer, selon vous ?
 

Erwann Binet : Par le vote conforme de l’Assemblée nationale et par, je l’imagine, beaucoup de mariages.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Erwann Binet est député socialiste de l’Isère, rapporteur du projet de loi Mariage pour tous ouvrant le mariage aux couples de même sexe.

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