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Ingouvernable Italie: fatales «combinazione» entre caciques

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Tout ça pour ça… Quatre jours de psychodrame, cinq tours de scrutin puis des heures de conciliabule entre Pierluigi Bersani, Mario Monti et Silvio Berlusconi pour, finalement, « convenir », samedi 20 avril, de reconduire dans ses fonctions Giorgio Napolitano. Un second mandat de 7 ans – une première dans l’histoire de la République – pour un homme de 87 ans. L’Italie va mal, très mal, plus mal encore sans doute que ne pouvaient le laisser imaginer les résultats des élections générales des 24 et 25 février.

Avec un Parlement incapable de dégager une majorité gouvernementale stable, deux chambres « envahies » par les élus du Movimento5Stelle (M5S) du populiste Beppe Grillo, l’Italie s’est enfoncée, au cours des deux derniers mois, dans une crise politique et institutionnelle que les « combinazione » des partis traditionnels et de leurs dirigeants actuels ne sauraient suffire à résoudre.

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Un psychodrame « à l’italienne » ? Pas seulement, et les dirigeants européens, français en premier lieu, seraient bien inspirés d’en observer attentivement le déroulement, et l’éventuel dénouement…

Massivement les 24 et 25 février derniers, les Italiens ont demandé le changement, changement de ligne politique – rejet d’une politique d’austérité jugée trop drastique -, changement de pratiques politiques – rejet d’une caste politique refermée sur elle-même et aux réflexes surannés.   

Malmenés par les citoyens italiens dans leur ensemble, contestés dans leurs propres rangs, Pierluigi Bersani, Mario Monti et Silvio Berlusconi ont pris devant l’histoire une très grande responsabilité. Leurs intérêts divergent, mais leurs échecs et entêtements respectifs pourraient conduire droit l’Italie vers l’aventure et, avec elle, dans le pire des scénarios, l’Europe.

Pierluigi Bersani, la confiance de l’apparatchik

Pierluigi Bersani n’avait sans doute pas imaginé qu’un tel sort lui serait réservé. S’il est sorti vainqueur, à l’automne dernier, des primaires de la gauche, une analyse lucide des résultats l’aurait sans doute mis en garde. 

Certes, les sondages donnaient un avantage à la gauche mais sa personnalité n’a pas suscité l’engouement. A comprendre le résultat inattendu du jeune maire de Florence, Matteo Renzi, son concurrent surprise au second tour des primaires, le secrétaire général du Parti démocrate aurait mieux anticipé le désir de changement politique – sur le fond comme sur la forme – qui anime la société italienne. 

Certain de sa victoire face au vieux Cavaliere, inspiré par l’exemple de François Hollande, il a mené une campagne terne et a remporté une victoire synonyme de défaite : l’absence de majorité au Sénat ne saurait compenser celle obtenue à l’Assemblée nationale, en vertu de la prime majorité prévue par le mode de scrutin, à 1% près.

L’échec des tractations qui ont suivi l’élection, son incapacité à constituer un gouvernement en mesure de gouverner auraient dû, depuis plusieurs semaines, le conduire à se retirer. Au contraire, il n’a pas hésité, la semaine dernière, alors que son ancien concurrent Matteo Renzi, revenu sur le devant de la scène, tentait d’imposer Romano Prodi à la présidence de la République à faire capoter l’opération – avec discrétion, mais efficacité.

Son échec est consommé – et s’il devait parvenir à s’imposer à la présidence du Conseil, on imagine sa position précaire -, sa responsabilité restera lourde quoi qu’il advienne.

Mario Monti, en politique malgré lui

Les remèdes du bon docteur Monti – de novembre 2011 à février 2013 – ont sans doute permis à l’Italie d’éviter la faillite. L’ancien commissaire européen a appliqué les méthodes inspirées de Bruxelles pour retrouver, un temps, la confiance des marchés. Le répit pourrait être de courte durée.

Mais, surtout, son approche technocratique – doublé d’un certain dogmatisme – et son manque de sens politique ont été profondément désavoués par des citoyens italiens épuisés par une cure d’austérité sans précédent. Certains, comme amnésiques, ont préféré succomber pour la énième fois aux promesses légères du vieux fauve Berlusconi…

Silvio Berlusconi, jusqu’au bout

Quoiqu’il advienne, Silvio Berlusconi aura pris sa revanche. S’il n’est pas parvenu à retrouver une forme de respectabilité sur la scène européenne, il a moins joué un bien mauvais tour à tous ceux qui, à gauche comme à droite – jusque dans ses propres rangs – pensaient s’être débarrassé de lui. 

Chassé, pour ainsi dire, sous les lazzis et quolibets de la foule romaine, à l’automne 2011, il se retrouve 18 mois plus tard « faiseur de roi » ou, plutôt, « empêcheur de faiseur de roi ». Pire – ou mieux – encore, dès les premières semaines qui ont suivi les élections des 24 et 25 février, Silvio Berlusconi était donné favori dans l’hypothèse d’élections anticipées…

Le scénario catastrophe… 

Jusqu’à l’élection – ou plutôt la réélection – de Giorgio Napolitano, la tenue d’élections générales anticipées était constitutionnellement impossible ; désormais, l’hypothèse redevient possible.

Possible mais, à coup sûr, source de chaos. Tout semble indiquer que le mouvement populiste de l’ex-comédien Beppe Grillo progresserait encore – et qui sait si, cette fois, las des « combinazione » de ces dernières semaines, les électeurs italiens ne seraient pas encore plus nombreux à apporter leurs suffrages aux candidats anti-système. Dans ce cas, la probabilité serait forte de ne voir aucune majorité de gouvernement se dégager à nouveau.

Le dilemme est quasi impossible pour les partis traditionnels, à gauche comme à droite, car plus ils attendent, plus est forte le risque de voir l’audience des Grillonistes croître. La solution d’un nouveau gouvernement technique apolitique ou celle d’un gouvernement d’union nationale semblent déjà condamnées à l’échec. Pain béni pour les anti-système.

Un remède : évolution plutôt que révolution

Seule hypothèse plausible, celle d’un profond renouvellement, à gauche comme à droite, un saut générationnel qui placerait en première lignes des leaders neufs, issus des rangs des partis traditionnels, ayant leur culture et leur savoir-faire, mis prêts à bousculer les lignes, à refonder la politique. Pour des évolutions profondes qui prémuniraient de la révolution.

Deux noms émergent dans ce scénario, Angelino Alfano, le dauphin de Berlusconi à droite, et Mattéo Renzi, la révélation des primaires de la gauche. Le premier a 43 ans, le second, 38. Ils pourraient être l’avenir de l’Italie, seuls antidotes contre l’aveuglement de leurs aînés et l’ensorcellement des populistes grillonistes.

Une leçon pour l’Italie, une leçon pour l’Europe aussi…  

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