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La loi votée, il sera le premier marié homosexuel de France

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Après le vote du texte au Sénat, vendredi, et l’accélération du calendrier parlementaire annoncée dans la foulée, les militants opposés au Mariage pour tous ont multiplié leurs actions. Tout porte à croire que la seconde lecture du texte à l’Assemblée ce mercredi entraîne de nouveaux débordements. Débordements que dénonce Vincent Autin, président de l’association « Lesbian and Gay Pride » à Montpellier (Hérault). Entretien.

JOL Press : Sur le fond êtes-vous confiants sur l’adoption de ce texte ?
 

Vincent Autin : Oui, absolument. Il est certain que nous pensons que c’est trop long et que nous voulions que tout aille bien plus vite, mais le planning est ce qu’il est. Les opposants dénoncent une forme de précipitation quand nous, nous considérons que ça ne va pas assez vite. Ce projet reste une avancée majeure dans la société française. Tous les pays qui ont légiféré dans le même sens sont de grandes démocraties où toutes les familles peuvent s’accomplir, se réaliser, se concrétiser, se protéger.

JOL Press : Croyez-vous que le divorce soit consommé entre les pros et les anti-marriage gay ou peut-on imaginer que les débats s’apaisent dans les mois à venir ?

Vincent Autin : Il n’y a pas de divorce puisque nous n’avons jamais été mariés, ce qui est sûr c’est qu’ils ont fait le pari de cliver la société française. Une fois que le projet sera promulgué, très probablement les opposants retourneront à leurs activités ; en revanche, nous, associatifs et acteurs de terrain, devrons de nouveau expliquer ce qu’est la discrimination dans son ensemble et devrons accueillir des personnes qui se retrouvent tellement violentées dans leur identité qu’elles n’arrivent pas à vivre leur quotidien normalement ou qu’elles n’arrivent tout simplement pas à faire partager leurs différences à leurs amis ou leurs familles. Ce climat de tension laissera des traces, mais pour les LGBT, pas pour les opposants.

Je vous rappelle que les opposants sont les mêmes qui ont combattu le Pacs. On pensait que, lors des débats autour du Pacs, on avait assisté à tout ce qui pouvait exister de plus violent mais on s’aperçoit qu’aujourd’hui c’est encore plus violent. Ce qui ont combattu le Pacs hier nous disent que le Pacs suffit, cela démontre bien qu’avec le temps ils s’apercevront que ceux qui sont du bon côté de l’histoire ce sont bien les militants et les populations LGBT ainsi que toutes les personnes solidaires hétérosexuelles et non pas les combattants d’arrière-garde qui luttent au nom d’une idéologie politique extrémiste, raciste, xénophobe, homophobe ou au nom de préceptes religieux intégristes.

JOL Press : Que répondez-vous à l’argument de l’égalité pour tous, oui, mais l’égalité aussi pour l’enfant d’avoir un père et une mère ?
 

Vincent Autin : Nous revendiquons l’égalité pour tous, c’est une certitude, quant au droit à l’enfant d’avoir un père et une mère, il faut arrêter d’être hypocrite : il existe des milliers d’enfants orphelins, des milliers d’enfants qui vivent dans des familles monoparentales et qui ne connaissent pas nécessairement leur papa ou leur maman, des milliers d’enfants qui ont perdu l’un de leurs parents, des milliers d’enfants qui vivent dans des familles homoparentales, il n’y a pas de famille type. Chaque famille a sa particularité, chaque amour est différent, chaque enfant est différent. Ce qui est sûr c’est que les personnes homosexuelles ne sont pas parents moins à même d’éduquer leurs enfants.

Je suis issu d’une famille monoparentale, j’ai 40 ans, à mon époque les familles monoparentales étaient des familles de pestiférés, des familles discriminées, rejetées, on clouait au pilori la mère qui voulait se séparer de son mari et partir avec ses enfants. Qui montrait du doigt ces familles ? Les mêmes qui aujourd’hui partagent le combat de Frigide Barjot. Nous croyons profondément dans l’éducation populaire, plus on tendra à normaliser la situation des personnes homosexuelles en leur accordant les mêmes droits, plus on verra disparaître ces manifestations de rejet.

JOL Press : Vous serez, avec votre compagnon, les premiers mariés homosexuels de France. Où en êtes-vous des préparatifs ?
 

Vincent Autin : Nous porterons le symbole des premiers mariés de France mais ce jour-là, nul doute qu’il y aura plusieurs autres mariages en France et nous en sommes extrêmement contents. Nous sommes honorés de porter ce symbole, honorés en tant que personnes, en tant que militants et en tant que Montpelliérains – Montpelier est, en effet, sans doute, la ville la plus active sur les questions LGBT. Notre mariage est prêt, organisé, nous fignolons actuellement les détails, nous sommes très bien suivi par le maire et ses équipes. L’unique particularité de ce mariage c’est qu’il n’a, pour l’instant, aucune date.

JOL Press : Avez-vous l’intention d’adopter ?
 

Vincent Autin : Absolument. Avant même le mariage, nous avions eu envie de fonder une famille. C’est donc quelque chose que nous mettrons en route après notre mariage. On veut des enfants et fera ce qu’il est possible de faire pour en avoir.

JOL Press : Vous ne craignez pas un parcours du combattant pour adopter, les organismes d’adoption étant, à tort ou à raison, plutôt hostiles à l’adoption d’enfants par des couples de même sexe ?
 

Vincent Autin : Construire une famille est toujours un parcours du combattant pour les couples de même sexe, c’est bien là où les opposants se trompent : nous ne revendiquons pas de droit à l’enfant dans le sens strict du terme. Quand on veut un enfant, c’est murement réfléchi, ces enfants sont attendus, espérés et élevés dans l’amour, c’est le parcours d’une vie pour nous de fonder une famille. On est loin du caprice. Nous sommes tout à fait conscients qu’il nous faudra expliquer à l’enfant le cadre familial dans lequel il vit, on ne triche pas avec les enfants.

JOL Press : A titre personnel, êtes-vous favorables à la légalisation PMA (Procréation médicalement assistée) pour les couples de lesbiennes et à la GPA (Gestation pour autrui) ?
 

Vincent Autin : En tant que président de l’association Lesbian and Gay, nous sommes favorables à la PMA. Nous discutons aussi de la GPA, elle existe, il faut cesser d’être hypocrite, les couples homosexuels et hétérosexuels y ont recours, la question est de savoir s’il faut encadrer ou laisser en l’état. Je n’ai, pour ma part, pas de réponse.

JOL Press : Vous souhaitez donc que la PMA figure dans le grand projet de loi sur la famille promis par le gouvernement ?
 

Vincent Autin : Bien sûr, parce que la PMA ne concerne pas que les couples homosexuel, ça concerne toutes les femmes (actuellement la PMA est réservée aux couples homme/femme, vivants, en âge de procréer, mariés ou pouvant justifier de deux ans de vie commune, ndlr). Quand on mène des combats comme les nôtres, on mène des combats de société, dont l’ensemble de la société peut bénéficier. Nous sommes profondément citoyens et nous croyons à la justice sociale et sociétale. C’est pour cela qu’on se bat : nous voulons inscrire notre pays dans l’avenir afin que nos institutions et nos lois correspondent à l’image-même de notre pays, c’est-à-dire à sa modernité et à sa diversité.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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