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Le commerce légal du cannabis fleurit dans le Colorado

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Pas seulement pour les hippies

Quand Chuck Blackton a ouvert son dispensaire de marijuana médicale en 2009, il n’y avait qu’un service d’encaissement de chèques et un magasin discount dans le quartier. Maintenant, un bar à sushis a ouvert, et une nouvelle épicerie fine, de l’autre côté de la rue, vend des escargots en conserve et des sandwichs au corned-beef. Un aimant sur la machine à espresso de l’Amsterdam café, indique : « Marijuana : pas seulement pour les hippies ».

Sur ce tronçon de la Denver Colfax Avenue, Chuck Blackton a vu le changement. Lui et les autres qui ont tâché de faire ressembler leurs dispensaires à autre chose qu’à des salons de tatouages, disent que la marijuana est pour les bobos – et pour tous les autres. Ils sont convaincus que leur industrie a un avenir, même si elle reste confrontée à la suspicion, à l’incertitude réglementaire et à une possible répression fédérale.

« Nous sommes une véritable entreprise »

Le dispensaire de Chuck Blackton, nommé Verde, est en parfaite harmonie avec ses nouveaux voisins. Ses murs sont peints dans les tons jaunes et orange. Une cheminée et une plante en pot rendent « cosy » la salle où la marijuana est mise à disposition des clients qui possèdent des cartes émises par l’État, prouvant qu’un médecin a recommandé qu’ils utilisent la marijuana pour traiter l’anxiété, la douleur ou une foule d’autres maux.

« Il faut secouer un peu les gens et leur montrer que nous sommes une véritable entreprise », dit Chuck Blackton. Il a dépensé environ 35 000 dollars pour le décor et les accessoires, et a bien réfléchi avant de trouver un nom et un logo élégant et sobre pour sa boutique – dont le V de Verde est accompagné d’une feuille de cannabis, et qui pourrait facilement être confondu avec la marque d’un restaurant végétarien.

« Nous n’essayons pas de vendre du crack ou de la cocaïne », insiste Chuck Blackton. « Ce qui est important, c’est de prendre de la marijuana et de la séparer des autres drogues ».

Fin 2012, la marijuana à usage récréatif est rendue légale

En 2000, les électeurs du Colorado ont été parmi les premiers dans plus d’une douzaine de pays à décréter que la marijuana pourrait être vendue légalement à des fins médicales. En novembre 2012, avec les électeurs de Washington, ceux du Colorado ont adopté une proposition rendant la marijuana légale pour un usage récréatif pour les adultes, une première dans le pays.

Cependant, cela ne signifie pas que des magasins comme Verde pourraient immédiatement commencer à vendre de la marijuana à tout le monde. Il a fallu des années pour élaborer les règlements pour la vente de marijuana médicale. La marijuana récréative doit être réglementée comme les boissons alcoolisées. Une règlementation sur des questions telles que les droits de licence, les taxes, et la conduite sous l’emprise de la marijuana est attendue au plus tard cette année.

De la consommation médicale à la consommation récréative

Les agents de l’État ont clairement fait savoir qu’ils voulaient s’appuyer sur l’expérience des dispensaires de marijuana médicale. Les entrepreneurs qui ont créé ces dispensaires attendent maintenant de voir si cela aura un sens de les transformer en entreprises de loisirs. « Avec un peu de chance, nous allons arriver à faire les deux », a déclaré Don Novak, qui dirige la boutique GroundSwell’Gallery & Cannabis, à Denver.

Don Novak veut que l’argent qu’il gagnera par la consommation récréative des fumeurs soit utilisé pour aider les patients démunis à acheter de la marijuana à des fins médicales, et pour aider à financer la recherche sur les meilleures façons d’accentuer les effets anxiolytiques de la marijuana.

Don Novak raconte que beaucoup de ses clients sont comme lui des gens occupés qui veulent profiter des avantages de la marijuana, mais n’ont pas le temps ni l’envie de se défoncer. Il vend des préparations qui sont ingérées dans des brownies ou des gouttes, et dit qu’elles ont soulagé ses maux de dos sans qu’il ne soit pour autant trop groggy au travail.

En entrepreneur axé sur la collectivité, Don Novakil organise, depuis des années, une fête d’Halloween pour les familles du quartier. Quand il a ouvert la galerie GroundSwell en 2010, il l’a vu comme un bon endroit pour organiser la fête. Depuis, chaque année, l’espace de la galerie est rempli d’enfants qui sculptent des citrouilles – la galerie est cependant séparée de la zone où la marijuana est vendue.

« Faire en sorte que notre activité ait des avantages pour la communauté »

Il est tombé dans le business de la marijuana après qu’un médecin lui demandé de l’aide pour ouvrir ce genre de dispensaire. Dans un premier temps, Don Novak prenait les commandes sur Internet et envoyait des infirmières effectuer les livraisons. Lorsque la nouvelle réglementation a rendu illégal ce genre de pratique, il a ouvert GroundSwell.

Il a transformé la première pièce, longue et étroite, en galerie, tenue par l’un de ses amis conservateur. Pour Don Novak, la galerie, « c’était quelque chose que nous pouvions faire pour le quartier. Nous avons une position unique dans notre communauté. Nous voulons simplement faire en sorte que ce que nous faisons ait des avantages pour notre communauté ».

Mason Cathey gère un autre dispensaire à Denver. Mais la concurrence est rude : il suffit de cliquer sur l’application mobile WeedMaps.com et de regarder les minuscules icônes représentant des feuilles de cannabis sur la carte de Denver. Le ministère du Revenu du Colorado, qui réglemente les dispensaires, en avait autorisé 329 dans tout l’État fin février, et 140 d’entre eux se trouvent à Denver.

Soigner l’image de marque

Cannabis station est un dispensaire installé dans une ancienne station-essence, rénovée en 2010. Les murs sont bleus et dans la salle d’attente trône un canapé en cuir blanc aux lignes épurées, style années 50. « On ne souhaite pas que les gens qui rentrent pensent se trouver dans un business de drogue », explique Mason Cathey.

Dusty Brown, qui a suivi l’activité commercial dans le Colorado en tant que blogueur pour theweedsnobs.com, a indiqué que les dispensaires qui avaient le sens du détail, comme le logo ou l’ambiance, sont quelques-uns des plus prisés. Mais pour la plupart des autres, la lutte pour simplement rester sur le marché ne laisse pas beaucoup de temps, d’énergie ou d’argent pour soigner l’image de marque.

Les lois étatiques règlementent la distribution

Les propriétaires et les employés doivent soumettre leurs empreintes digitales afin de vérifier leurs antécédents criminels pour s’assurer qu’ils n’ont pas d’intentions détournées. Les lois étatiques règlementent la distribution : les dispensaires ne peuvent pas avoir plus de 50 grammes de marijuana et pas plus de six plants par patient inscrit, et pas plus d’un total de 2 800 grammes et 3 000 plants.

Les commerces ne peuvent pas être à moins de 300 mètres d’une école ou d’un centre de désintoxication. Les propriétaires craignent qu’un dispensaire de marijuana n’attire trop l’attention, et les voisins protestent parfois. Enfin, la loi fédérale interdit aux banques de faire des affaires avec des entreprises de marijuana. Ainsi, les dispensaires ne prennent souvent que des espèces.

Le président Barack Obama a dit qu’il avait d’autres « chats à fouetter » que de sévir contre la consommation de marijuana récréative dans le Colorado et Washington, mais l’incertitude persiste au sujet de ce que les législateurs fédéraux et représentants de la loi pourraient faire.

« J’ai eu confiance en l’avenir »

« Beaucoup de gens ne veulent pas investir dans un endroit qu’ils craignent de perdre », explique Chuck Blackton. « Moi j’ai eu confiance en l’avenir. Mais quand même, quand j’ai commencé à monter le dispensaire et à me creuser la tête pour trouver un logo, j’étais nerveux ».

Cela ne se passe pas toujours de manière calme. Chuck Blackton dit qu’avant d’arriver à son logo actuel, il avait prévu un logo fleuri avec des couleurs vives. Au moins deux ou trois personnes s’arrêtaient chaque jour, pour lui demander si Verde était un restaurant mexicain.

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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