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Les «fraises ensanglantées» des immigrés esclaves du Péloponnèse

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« Blood Strawberries »

L’affaire remonte au 17 avril dernier. Dans une exploitation de fraises située à Nea Manolada au nord du Péloponnèse, 160 clandestins bangladais, en grève depuis deux jours, réclament leurs paies impayées depuis six mois. Mais lorsque trois contremaîtres grecs arrivent dans l’exploitation, accompagnés de nouveaux travailleurs immigrés, une dispute éclate : les contremaîtres ouvrent le feu sur la foule. Bilan : plus de 20 blessés.

Rapidement, la police grecque arrête le propriétaire de l’exploitation Nikos Vangelatos ainsi que les trois contremaîtres à l’origine de la fusillade : Theodoros Apostolopoulos et les frères Constantin et Giorgos Haloulos.

« Ils ne cessaient de nous dire que nous serions payés le mois suivant, mais c’est qu’ils nous répétaient depuis plus d’un an », a expliqué l’un des travailleurs sous couvert de l’anonymat au Huffington Post. « Nous ne parlons pas parce que nous avons peur d’être tué ou de nous faire expulser ».

Porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe

Nouvelle porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe, le Péloponnèse a vu le nombre de clandestins augmenter ces dernières années. Principal lieu de production de fraises en Grèce, la région de Nea Manolada a souvent été le théâtre d’incidents dramatiques comme l’affaire des « fraises ensanglantées ». En août dernier, un immigré égyptien qui réclamait son salaire avait été traîné à l’arrière d’une voiture sur plusieurs mètres « la tête coincée dans la portière », explique le quotidien Libération. En 2009, ce sont deux Bangladais accusés de vol qui ont été attachés à l’arrière à une moto.

L’impunité des crimes racistes en Grèce

La veille de la fusillade, le Conseil d’Europe avait appelé le gouvernement grec à prendre d’urgence des mesures face à «l’impunité» des crimes racistes en Grèce et à interdire « si nécessaire des partis comme l’Aube dorée ». « Les Grecs doivent comprendre qu’il ne s’agit pas d’un parti normal et qu’il faut prendre des mesures avant qu’il ne devienne plus dangereux », a déclaré le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, dans son rapport rendu public le 16 avril. Selon lui, il y a « besoin d’actions urgentes» face à ces crimes et cette haine raciale qui « visent en premier lieu les migrants et représentent une menace sérieuse pour l’Etat de droit et la démocratie ».

« Traite des esclaves des temps modernes »

Le parti d’opposition Syriza a qualifié l’incident de « criminel » et d’ « acte raciste », et le Parti communiste de Grèce (KKE) a quant lui déclaré que le commerce de fraises en Grèce était comparable à une « traite des esclaves des temps modernes ». Contrairement aux incident passés dans la région, où la justice n’avait pas été saisie, un ministre et plusieurs députés se sont rapidement rendus sur les lieux, rapporte Libération, et ont accordé un titre de séjour à 35 des 260 travailleurs bangladais.

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Appel au boycott 

Largement relayée par les médias grecs, cette affaire a suscité la colère de nombreux internautes qui ont qualifié de « néo-esclavagisme » le traitement réservé aux travailleurs immigrés.

Un site internet consacré à l’affaire a même été créé dans les heures qui ont suivi l’incident. Une campagne de communication « Blood strawberries » a été lancée sur Internet – à l’initiative d’un célèbre blogueur grec surnommé « barbe suspecte » –  afin d’appeler les consommateurs et les enseignes de la grande distribution à boycotter les fraises produites à Manolada. Une liste des pays où les fraises de la ferme Vangelatos étaient exportées a d’ailleurs été publiée sur la plate-forme de microblogging Tumblr.  

Mais certains Grecs de la région tiennent à rappeller qu’à côté de ces grandes fermes, qui exploitent des centaines d’immigrés, il existe aussi « de petits agriculteurs travaillant tous seuls et qui subissent la crise comme les autres Grecs », souligne ainsi, Natassa Panayiotara, président d’une agence pour l’emploi de la région, au micro de Skaï.

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