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Les opposants au mariage gay, responsables d’un climat homophobe?

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Après le vote du texte au Sénat, vendredi, et l’accélération du calendrier parlementaire annoncée dans la foulée, les militants opposés au Mariage pour tous ont multiplié leurs actions. Tout porte à croire que la seconde lecture du texte à l’Assemblée ce mercredi entraîne de nouveaux débordements. Débordements que dénonce Vincent Autin, président de l’association « Lesbian and Gay Pride » à Montpellier (Hérault). Entretien.

JOL Press : Que pensez-vous du climat de tensions qui règne depuis que le projet de loi sur le Mariage pour tous a été adopté au Sénat ?
 

Vincent Autin : C’est un climat qui est absolument délétère, qui fait fi du processus parlementaire de notre pays. On a des institutions qui travaillent, qui avancent sur un certain nombre de sujets, aujourd’hui sur le Mariage pour tous et l’adoption, et qui ont pris leurs responsabilités en votant ce projet. Le mouvement des opposants tend à se radicaliser, un mouvement qui devient de plus en plus extrémiste, tant sur le plan politique que religieux. Qu’on puisse prendre en otage des parlementaires, des ministres, ou des personnalités du monde LGBT, est absolument scandaleux, pour ne pas dire crapuleux.

Ce sont des méthodes d’un autre temps qu’on n’a rarement vu sur d’autres sujets, voire jamais vu, c’est dire le climat d’homophobie… Les anti-mariages, et Frigide Barjot en premier lieu, ne pourront pas se défaire de leur part de responsabilité. Il est trop facile, de notre point de vue, d’appeler au calme et au respect, d’appeler à ne pas avoir de propos homophobes et de laisser faire ce qui est en train de se faire. Frigide Barjot a allumé une mèche et il faudra qu’elle en réponde en temps et en heure.

JOL Press : La parole homophobe se serait-elle libérée ?
 

Vincent Autin : Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui on constate un déferlement d’homophobie en France ; un déferlement orchestré, à la fois par Frigide Barjot, et par un ensemble de groupuscules extrémistes politiques ou religieux. On stigmatise une partie de la population française et de leurs enfants. C’est dangereux. Il est évident qu’à l’heure actuelle on libère des paroles de haine, dans la société française, alors que nous pensions que tout cela était loin derrière nous.

Les portes que les opposants ont enfoncées en faisant régner ce climat haineux sont des stigmates que nous devrons continuer à soigner pendant de très nombreuses années, bien après l’adoption du projet de loi. Ce qui en en train de se passer n’est pas sans conséquences pour les générations futures.

JOL Press : Ne fallait-il pas respecter le calendrier parlementaire pour éviter d’alimenter les tensions ?
 

Vincent Autin : Je crois que, quel que soit le calendrier parlementaire, les opposants au mariage homosexuel trouveraient matière à redire et à critiquer. Si le texte de loi est présenté en seconde lecture à l’Assemblée nationale la semaine prochaine c’est parce que les institutions le permettent. Quel que soit le moment où il sera adopté, les opposants continueront à le combattre. On assiste à une véritable hypocrisie. Je crains qu’un certain nombre de mouvements ou de groupuscules et de personnalités, se saisissent de ces temps parlementaires pour exister médiatiquement. Il n’y a qu’un malheur, c’est que tout cela se fait au détriment de la sécurité d’une partie de la population française, mais aussi de la sécurité de la France dans ce qu’elle a de plus profond, c’est-à-dire sa fraternité.

JOL Press : Quel est donc ce danger qui plane sur une partie de la population ?

Vincent Autin : Il y a eu une agression homophobe absolument odieuse qui s’est déroulée la semaine dernière à Paris…

JOL Press : On ne connaît pas les auteurs de cette agression, aussi épouvantable soit-elle…
 

Vincent Autin : Effectivement nous ne connaissons pas les auteurs mais aujourd’hui force est de constater que ce que provoque Frigide Barjot et ces différents mouvements et groupuscules libère un certain nombre de comportements et laisse penser qu’il y a toute légitimité à discriminer des gens. Ils ont une part de responsabilité.

Ils sont responsables du climat homophobe qui règne en France depuis plusieurs mois. Ils sont responsables des mots durs et des pancartes violentes qu’ils portent dans leurs différentes manifestations. Ils sont responsables de cette violence que nous recevons par les mots ou par les actes. Peu importe qui sont les auteurs de cette agression. Nous n’avons jamais vu dans la Ve République des personnes sortir dans la rue pour prier. Sous Nicolas Sarkozy, les prières ont été interdites, aujourd’hui on voit les membres de Civitas, dans les rues de Paris, non loin de nos institutions laïques, crier au scandale parce qu’ils sont dispersés.

Ils réveillent des élus la nuit, prennent des photos des enfants de Chantal Jouanno qu’ils font circuler sur Internet et ils nous donnent des leçons de civisme et d’éducation ! Je crois malheureusement qu’il faudrait qu’ils revoient leurs discours et leur capacité à respecter la diversité des populations, car n’oublions pas que le combat qu’on mène aujourd’hui, c’est aussi un combat d’avenir, un avenir qui se prépare par le droit. La loi permettra à bons nombres des enfants des opposants au mariage pour tous qui se révèleront homosexuels de pouvoir bénéficier des mêmes droits que l’ensemble des autres enfants de la République.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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