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«Les tribus indigènes, ce sont 350 millions de personnes dans le monde»

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Qu’ils soient Awà au Brésil, Bushmen au Botswana, Ayoreo au Paraguay, ils sont tous membres des derniers peuples autochtones du monde. Souvent discriminés et expropriés au profit des projets économiques qu’ils dérangent, ils sont nombreux à se battre pour leur terre et leur histoire.

Sophie Baillon, au sein de l’association Survival, créée pour la défense de ces peuples, travaille à faire respecter les droits à vivre et mourir dans la dignité de ces hommes et ces femmes, derniers résistants de la modernisation du monde.

Combien de peuples autochtones recensez-vous dans le monde ?
 

Au total et selon les estimations des Nations unies, les peuples autochtones du monde représenteraient 350 millions de personnes qui forment 8 à 10 000 peuples sur tous les continents.

Même sur le continent européen nous recensons de ces peuples, notamment dans le nord de la Russie, en Sibérie, mais encore en Finlande ou en Norvège. La France en compte également dans ses départements d’Outre-Mer, qu’il s’agisse de la Guyane ou de la Nouvelle Calédonie.

Tous ces peuples sont-ils connus du monde ou l’existence de certains est-elle encore totalement ignorée ?
 

Non, aujourd’hui nous pouvons dire que nous les connaissons tous mais puisque certains peuples sont très éloignés du monde, nous avons une connaissance limitée de certains groupes.

Il y aurait une centaine de tribus isolées dans le monde aujourd’hui. La plupart sont les survivants de divers massacres et il est difficile de les comptabiliser. On estime aujourd’hui que ces groupes seraient constitués de plusieurs milliers de personnes, voire quelques dizaines de milliers.

Quel est le point commun qui relie tous ces peuples indigènes ?
 

Ces groupes sont tous très différents mais ils ont tous une similitude : c’est leur relation avec leur environnement et la nature.

Tous vivent depuis des siècles voire des millénaires sur leurs terres, leurs ancêtres y sont enterrés, ils ont choisi l’autosuffisance dans cet environnement et ne prennent dans cette nature qui les entoure que ce dont ils ont besoin.

Pour ce qui est de leur fonctionnement interne, il est évidemment très différent. Certains peuples fonctionnent de manière patriarcale, d’autres non. Il y a les nomades et les sédentaires, les végétariens, les chasseurs etc. Aucun peuple ne se ressemble, si ce n’est cette relation toute particulière à la nature.

Comment ces peuples réussissent-ils aujourd’hui à rester unis ? N’y a-t-il pas certains éléments qui décident de quitter le groupe pour rejoindre le monde moderne ?
 

Bien entendu, certains le font, mais souvent, cela se passe mal, notamment en raison des politiques discriminatoires des gouvernements des pays qui abritent ces peuples et en raison du racisme très présents dans certaines sociétés. C’est le cas au Pérou, au Brésil ou encore au Botswana.

Mais l’attachement à la terre de ces peuples est très fort et il existe une véritable volonté de préserver leur mode de vie.

Parmi les dangers qui guettent ces peuples autochtones, quels sont les principaux ?
 

D’abord la convoitise des ressources naturelles, qu’elles soient pétrolières, minières ou gazières, et les divers projets de développement liés à ces ressources. Les peuples du Brésil sont particulièrement victimes de la politique de croissance très rapide de l’Etat.

C’est ensuite le racisme des gouvernements et des populations qui se traduit par de la discrimination au quotidien.

Les droits de ces peuples, qui sont pourtant inscrits dans de nombreuses conventions internationales, sont bafoués et les agressions sont quotidiennes.

Le Botswana en est un exemple frappant. Les présidents qui se succèdent à la tête de l’Etat n’ont jamais hésité à qualifier les Bushmen de groupes à la vie fantaisiste et archaïque, « condamnés à s’éteindre comme les dodos » s’ils ne se décident pas à s’intégrer à la société.

Il y a trois ans, une sud-africaine est restée en garde à vue pendant plusieurs heures, simplement pour avoir déclaré, alors qu’elle passait la douane qui sépare l’Afrique du Sud du Botswana, que le président du Botswana ressemblait à un Bushmen.

Derrière cette discrimination, il y a avant tout de grands projets économiques, car les Bushmen résident sur un gisement de diamants.

Estimez-vous, qu’à terme, ces peuples sont condamnés à être intégrés à la société ?
 

Aujourd’hui, ces peuples sont véritablement animés d’une nouvelle force. Survival a aujourd’hui 40 ans, l’association a été créée pour défendre le droit de ces peuples à vivre et mourir dans la dignité. Depuis, une véritable résurgence identitaire est née dans ces groupes.

Beaucoup d’organisations ont été créées, au niveau régional, national et international, afin que leurs droits soient entendus.

Il y a aujourd’hui une réelle prise de conscience internationale qui va de pair avec le combat contre le réchauffement climatique. On se rend compte maintenant que ces peuples vivent dans les seules zones où la biodiversité est respectée.

Nous menons certains combats perdus d’avance, nous finissons par en gagner certains. Il y a vraiment de l’espoir.

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