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Les trois grands défis de François Hollande

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Selon un sondage BVA[1] pour iTélé publié le 29 mars dernier, deux tiers des Français qui ont suivi l’interview de François Hollande à la télévision, ou qui ont suivi les commentaires afférents, ont estimé qu’il n’était pas du tout convaincant. Que doit donc faire le président de la République française pour redresser sa côte de popularité ? Telle est la question que ne cessent de se poser les stratèges en communication et autres flatteurs ne vivant qu’aux dépens de ceux qui les écoutent. Il paraît évident que les trois grands défis à relever concernent – s’agissant de la politique à mettre en place – la lutte contre le chômage, la réduction du déficit et la transition énergétique.

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La lutte contre le chômage

Au mois de février, la France a enregistré au moins 18 400 chômeurs en plus par rapport au mois dernier[2]. Avec 3 187 700 chômeurs, alors que François Hollande avait promis d’inverser la courbe en fin 2013, le taux de chômage a atteint le pic historique de 1997. Comment devra-t-il s’y prendre pour inverser la tendance ?

Pour mieux faire face à la nouvelle crise ayant occasionnée le dysfonctionnement du techno-capitalisme, caractérisé par l’hyper-profit, l’intelligence humaine devra être le facteur déterminant. En effet, afin de maîtriser une telle évolution, il faudra avoir le courage de rendre aux Hommes leur rôle dans la production. Ce sera aux tenants du progrès, entre autres les socialistes du XXIe siècle, d’y parvenir.

Face à l’activité économique[3], François Hollande doit prendre des décisions favorables à la fois à la confiance populaire et aux phénomènes économiques qui secouent l’environnement extérieur. La pratique gouvernementale et la politique mise en œuvre n’ayant pas de rationalité en soi, elles doivent poursuivre un objectif déterminé à court ou moyen terme – c’est-à-dire la croissance – dont la logique ne suit pas des lois immuables et prédéterminées. Les socialistes doivent savoir gouverner dans toute la logique de l’évolution cyclique de la conjoncture, de la récession et de la crise suivie de périodes de croissance, dont ils doivent accompagner avec souplesse pour mieux contrôler les fluctuations économiques. Gouverner, n’est-ce pas prévoir pour mieux anticiper ?

La réduction du déficit

Le gouvernement français avait déjà prévenu qu’il ne pourrait ramener le déficit public à 3 % du Produit intérieur brut (PIB), en 2013 comme il s’y était engagé auprès de Bruxelles[4]. Pour le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, cette mauvaise performance est due à la recapitalisation par les États de la banque franco-belge Dexia en décembre (0,1 % du déficit selon l’Insee), à la réévaluation du déficit de 2011 (5,3 % au lieu de 5,2 %) et à la croissance nulle en 2012 (contre 0,3 % escompté par l’exécutif) [5].

François Hollande ne doit surtout pas sombrer dans l’erreur ayant poussé ses prédécesseurs à concevoir l’économie comme une science exacte qui aurait ses lois au même titre que n’importe quelle autre science rationnelle. Ainsi doit-il avoir à l’esprit l’illusion scientiste tant dénoncée par Karl Marx. La connaissance des phénomènes cycliques doit permettre aux socialistes de gouverner à bon escient et de trouver les solutions au chômage ainsi qu’à la chute de l’activité économique en période de crise.

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« Il s’agit d’opérer réellement la réconciliation de la gauche et de l’économie […] Il a fallu infléchir la politique économique pour éviter le dérapage. Nous ne sommes pas venus au pouvoir pour réaliser une flambée de justice sociale pour un an et demi ou deux ans, mais avec l’idée de réconcilier la gauche avec la durée, avec l’économie. » Si ce constat de Lionel Jospin – à l’époque Premier Secrétaire du Parti Socialiste – est juste, sa mise en œuvre nécessite un dialogue permanent entre le Parti Socialiste et les masses populaires. Cela exige donc une véritable politique d’information en direction de la population salariée.

François Hollande ne doit pas non plus ignorer que l’entreprise reste le terrain privilégié de la bataille économique. De plus, il n’y a pas d’économie prospère sans entreprises prospères. Jacques Delors ne s’était pas trompé lorsque, en décembre 1982, il avait fait cette déclaration : « Le contrat nation/entreprise, c’est un mariage de raison nécessaire sans lequel ceux qui ont des cheveux blancs doivent savoir qu’ils légueront à leurs enfants une France qui ne comptera plus dans le monde. » Pour que François Hollande puisse réussir son pari, le parti Socialiste doit adapter son idéologie de référence aux nouvelles orientations économiques du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. En conséquence, Harlem Désir doit engager le Parti Socialiste dans la voie d’une analyse critique et dialectique de son programme idéologique, comme a su le faire en 1959 le Parti Socialiste Allemand (SPD) à Bad-Godesberg. L’idéologie doit effectivement être conciliée avec les impératifs du pouvoir.

La transition énergétique

Priorité pour l’État, la transition énergétique est devenue un véritable débat national[6]. En effet, avec 58 réacteurs en activité, la France est le pays le plus nucléarisé au monde par habitant. Aux yeux d’un bon nombre de gens, non seulement l’industrie nucléaire lègue pour des millions d’années aux générations futures des déchets radioactifs mortels[7] mais, pour ce qui est de la France, elle amplifie un pillage néocolonialiste en Afrique[8]. Enfin, la question nucléaire relie directement les questions des ventes d’armes, des multinationales capitalistes de l’énergie, des mensonges d’État… Quelques études démontrent que la sortie du nucléaire et le développement des renouvelables seraient créateurs d’emplois en France…[9] Cela nécessiterait donc que l’on abandonne l’atome en 2033, que l’on réduise drastiquement la dépendance au pétrole et fasse la part belle à l’éolien, au solaire, à la méthanisation et à l’hydraulique en faveur des emplois.

En ouverture de la conférence environnementale, François Hollande a affiché ses ambitions pour impulser la transition énergétique de la France : la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim « à la fin de l’année 2016 », l’objectif de ramener la part de cette énergie dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025 et le rejet des demandes de permis d’exploitation de gaz de schiste. Sur le plan européen, le président de la République française a soutenu l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique en 2030 et 60 % en 2040, et des mesures pour diminuer les gaz à effets de serre. Les grands axes de la politique énergétique du quinquennat hollandais, celle-ci étant un choix de développement et une conception du monde, dépendront surtout de la loi de programmation énergétique qui sera présentée au Parlement avant la fin 2013.

La probabilité d’une réélection

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De ces trois défis dépend indéniablement, en grande partie, la réélection de François Hollande. Pour paraphraser Karl Marx, le fait que la philosophe moderne s’est contentée de poursuivre une tâche déjà commencée par Héraclite et Aristote, on peut déduire que les philosophes ont interprété le monde de différentes manières alors qu’il s’agit de le transformer.  Après tout, disait l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, « les problèmes sont donnés aux humains pour qu’ils les transforment en quelque chose de bien ». Ainsi l’occasion est-elle donnée à François Hollande de s’élever aux dimensions à la fois jaurésienne et mitterrandienne, de se hisser à la hauteur de Léon Blum et Pierre Mendès-France tout en talonnant Lionel Jospin.

Documentation

Les deux tiers des Français n’ont pas trouvé Hollande convaincant selon un sondage ;

Chômage en France : comment inverser la courbe ? ;

Déficit : la France peine à sortir du rouge déficit ; moins bien que prévu ;

Combattre et résorber la crise économique en France ;

Les réformes audacieuses pour sortir la France de la crise ;

Les 32 heures, outil indispensable contre le chômage ;

La synergie franco-européenne face à la crise.



[1] À la question : « Globalement, comment avez-vous trouvé François Hollande ? », 66 % des personnes interrogées ont répondu « pas convaincant », 31 % « convaincant », et 3 % ne se sont pas prononcé. Cette question a été posée aux 84 % de personnes qui ont dit avoir vu ou avoir entendu parler de l’interview.

À titre de comparaison, a rappelé le journal Le Monde, elles avaient été 52 % à estimer que François Hollande n’avait pas été convaincant au cours de sa conférence de presse du 13 novembre, contre 45 % qui l’avaient jugé convaincant alors que 60 % avaient porté le même jugement sur Nicolas Sarkozy pendant son intervention télévisée du 29 janvier 2012 (38 % convaincant).

[2] En ce qui concerne la politique de François Hollande et du gouvernement, 21 % ont dit qu’elle aurait  « un impact positif » sur la situation du chômage en France, 32 % qu’elle aurait « un impact négatif » et 44 % « aucun impact ». 3 % ne se sont pas prononcé.

[3] C’est-à-dire au travail humain dont l’économie n’est finalement, à un certain moment, qu’une image ou un reflet.

[4] Pour  l’année 2012, ce déficit sera encore plus élevé que prévu dans la mesure où il s’établit à 4,8 % du PIB contre 4,5 % attendu par le gouvernement, selon l’estimation de l’Insee plus mauvaise que les prévisions de la Commission européenne (4,6 %) et du Fonds monétaire international (4,7 %). Cela représente une ardoise de 98,2 milliards d’euros, soit 7,2 milliards de moins qu’en 2011. Quant à la dette, elle bat un nouveau record, à 1 833,8 milliards d’euros, soit 90,2 % du PIB contre 89,9 % attendus (et 86 % en 2011).

[5] Conjuguée à un chômage qui frise son niveau record de 1997 et un pouvoir d’achat qui enregistre sa plus forte baisse depuis 30 ans (-1,1 %), cette baisse d’activité entraîne logiquement moins de recettes dans les caisses de l’État. Parallèlement, les dépenses ont légèrement augmenté, passant de 56,6 % du PIB contre 55,9 % en 2011.

[6] Selon un sondage, si 62 % des Français acceptent de réaliser des travaux, c’est avant tout dans un but financier puisque cela leur permettrait de réduire leur facture énergétique. 80% d’entre eux se chauffent aux énergies les plus chères : fioul (30 %), électricité (27 %) et gaz (23 %). En dépit d’un contexte de crise, la deuxième raison citée par les sondés est quand même l’intérêt écologique, à 17%, afin de favoriser la protection de l’environnement.

[7] Quelques grammes de plutonium pourraient anéantir l’humanité.

[8] Areva extrait de l’uranium au Niger au détriment des peuples locaux, empoisonnant l’eau, l’air, la terre.

[9] Pour Négawatt, les créations d’emplois nettes s’élèvent de 220 000 à 330.000 en 2020 et de 570 000 à 820 000 en 2030 par rapport au scénario tendanciel.

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