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Mariage homo: le malaise des autorités religieuses

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Ici, ils excluent les non-croyants de leur table. Là, ils interdisent aux femmes d’aller cheveux nus et aux hommes de leur adresser la parole. Ailleurs, ils rejettent la démocratie, l’école laïque, l’avortement, l’homosexualité, la liberté de penser… et d’autres pratiques qui font froid dans le dos.

Ces interdits que l’on croirait d’un autre âge sont, aujourd’hui en France, une réalité pour certains intégristes du judaïsme, du christianisme et de l’islam. Autant d’attitudes qui excluent de la République ceux qui les adoptent et mettent nos modes de vie comme notre société en péril.

Informée, troublante et sans parti-pris, fondée sur de nombreux témoignages et confidences, l’enquête fouillée de René Guitton démontre combien les intégristes de tous les dogmes nient nos valeurs fondatrices et refusent le vivre-ensemble. Un ouvrage riche en révélations, qui dénonce les menaces que ces groupes font peser sur la tolérance, la liberté d’expression, le multiculturalisme, le respect des différences, et l’égalité de tous devant la loi.

Extraits de La France des intégristes, le refus de la République, de René Guitton (Flammarion)

Face à l’engagement fermement déclaré du judaïsme français, on comprend dès lors que l’actuel Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, soit devenu le porte-drapeau et le porte-parole des dignitaires religieux opposés au mariage pour tous. Devant les cardinaux de la Curie, le 21 décembre 2012, le pape a longuement cité, et de manière très élogieuse, le texte consacré par Gilles Bernheim à la réfutation du mariage homosexuel, comme si l’imprimatur du grand rabbin constituait une référence pour tout le genre humain, cautionnant et légitimant la position du Vatican[1].

Cette prise de position très ferme de Gilles Bernheim a constitué une véritable divine surprise pour les représentants des autres religions, pour les intégristes et pour la droite, ainsi qu’une déception profonde pour ceux des juifs laïcs ou modérés qui avaient salué son élection à la tête du rabbinat français, estimant qu’il représentait une tendance plus moderne que celle incarnée jusque-là par son prédécesseur.

Pour eux, c’est un peu comme s’il y avait eu tromperie, un sentiment compréhensible mais erroné. Car Gilles Bernheim a toujours condamné les manifestations d’homophobie, et n’a jamais fait mystère de son orthodoxie. En prenant fermement position contre le mariage pour tous, Gilles Bernheim ne trahit pas ses soutiens ou ses partisans, il ne fait que réaffirmer l’hostilité qu’il avait manifestée jadis à l’égard du PACS considérant que, sur le plan symbolique, celui-ci représentait un bouleversement du même ordre que les manipulations génétiques :

« La légalisation d’une union homosexuelle fraude le sens de la vie, sa direction comme son enjeu[2] . »

En 1974, les représentants du judaïsme religieux, en France, avaient fortement pris leurs distances avec les opposants à la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, comme ils l’ont fait par la suite, en 1984, lors des manifestations organisées par les parents d’élèves des écoles catholiques, pour la défense de l’école libre contre le projet de loi Savary. Pas plus que le catholicisme, le judaïsme religieux n’autorise l’IVG, hormis quelques cas très rares.

En France, en 1974, les juifs orthodoxes n’avaient guère rendu public leur opposition. Ils avaient été ulcérés par les débordements antisémites de certains opposants à l’IVG qui s’en prenaient à Simone Veil, rescapée de la Shoah, en l’accusant de mettre en œuvre un nouveau « génocide. » En 2013, la situation semble avoir changé du tout au tout. Les traditionalistes, les intégristes et les réactionnaires, confondant délibérément la condamnation de l’homosexualité avec le rejet du mariage pour tous, se sont bien sûr réjouis de la position publique de Gilles Bernheim. Cela pourrait marquer un tournant significatif, et l’on pourrait voir les ultra-orthodoxes juifs ne pas répugner à l’idée d’une sorte « d’union sacrée »… avec les extrémistes, hormis bien entendu les extrémistes musulmans.

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Extraits de La France des intégristes, le refus de la République, Flammarion (13 mars 2013)

René Guitton, auteur engagé, a connu le succès avec Si nous nous taisons (Calmann-Lévy, Prix Montyon de l’Académie Française, prix Liberté et prix Lyautey de l’Académie des Sciences) ainsi qu’avec Ces Chrétiens qu’on assassine (Flammarion, Prix des Droits de l’homme).

[1] Benoît XVI a ainsi déclaré : « Le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, dans un traité soigneusement documenté et profondément touchant, a montré que l’atteinte à l’authentique forme de la famille, constituée d’un père, d’une mère et d’un enfant – une atteinte à laquelle nous nous trouvons exposés aujourd’hui – parvient à une dimension encore plus profonde. Si jusqu’ici nous avons vu comme cause de la crise de la famille un malentendu sur l’essence de la liberté humaine, il devient clair maintenant qu’ici est en jeu la vision de l’être même, ce que signifie en réalité le fait d’être une personne humaine. »

[2] Gilles Bernheim, Réponses juives aux défis d’aujourd’hui, Textuel, Paris, 2003, p. 116-117.

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