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Moraliser la vie politique: la France est-elle une exception?

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« Je prépare sous l’autorité du président de la République des mesures sévères pour garantir la transparence, le respect de la loi et la probité », a déclaré Jean-Marc Ayrault dans une interview à la Nouvelle République du Centre-Ouest. « La fin du cumul des mandats, la transparence totale sur les patrimoines, la traque des conflits d’intérêts, la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. Nous ferons tout ceci », a-t-il assuré.

Par ailleurs le Premier ministre recueillera jeudi 11 avril les propositions des principaux responsables du Parlement pour moraliser la vie politique, dans le but de présenter un projet de loi le 24 avril en Conseil des ministres, a annoncé lundi 8 avril Matignon. Dans le détail, examinons si la France est une exceptions au regard de ses voisins européens sur le sujet.

« Renforcer l’indépendance de la justice »

Réagissant aux aveux de Jérôme Cahuzac, le chef de l’État a annoncé trois mesures destinées à « moraliser » la vie politique. Le gouvernement devrait tout d’abord légiférer « dans les prochaines semaines » sur l’indépendance de la justice : « La réforme du Conseil supérieur de la magistrature (qui) sera votée au Parlement dès cet été (…) donnera aux magistrats les moyens d’agir en toute liberté, en toute indépendance contre tous les pouvoirs », a souligné François Hollande.

Le 27 mars dernier, en effet, quelques jours avant les aveux de Jérôme Cahuzac, la ministre de la Justice soumettait au Conseil des ministres un texte empêchant le ministère de transmettre des instructions à un membre particulier du parquet. « Ce projet de loi vise à empêcher toute ingérence de l’exécutif dans le déroulement des procédures pénales, afin de ne pas laisser la place au soupçon qui mine la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire », détaillait le compte-rendu du conseil des ministres.

Une réforme urgente pour tous les pays européens. La Cour Européenne des droits de l’Homme affirmait dans un arrêt en 2008 que le parquet français « n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 §3 de la Convention européenne des droits de l’Homme… Il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié ». Sur ce sujet, tous les pays européens doivent faire des efforts.

Lutte « impitoyable » contre les conflits entre intérêts publics et privés

« Il faut garantir l’indépendance par rapport aux lobbys privés », soulignait Laurent Wauquiez dans une interview au JDD. « Quand un parlementaire a d’autres engagements professionnels, il faut les rendre publics et communiquer les clients et les honoraires. Je pense notamment aux fonctions de conseil et d’avocat. » Un avis partagé par le chef de l’Etat qui a promis une lutte « impitoyable » contre les conflits entre intérêts publics et privés avec « la publication et le contrôle » du patrimoine des ministres et parlementaires.

Sur ce point, la France pourrait prendre exemple sur l’Allemagne qui a mis en place un contrôle patrimonial qui semble fonctionner : les membres du Bundestag doivent déclarer, par exemple, leurs intérêts financiers et leurs revenus secondaires s’ils excèdent 10 000 euros par an, ainsi que les dons d’argent et cadeaux s’ils dépassent 5000 euros par an. Les déclarations sont publiées sur le site du Bundestag. En Norvège, Les impositions supportées par les contribuables, sauf la famille royale, sont publiées sur Internet chaque année.

Lutte contre l’exil fiscal au niveau européen

Après la révélation de la RTS, qui affirme ce dimanche que Jérôme Cahuzac aurait tenté de placer 15 millions d’euros en Suisse en 2009, le ministre de l’Economie et des finances Pierre Moscovici a proposé la mise en place d’ « un Fatca européen » qui permettrait « un échange d’informations automatique ». Le Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) est une loi américaine qui impose aux banques étrangères de transmettre au fisc américain toutes les informations sur les comptes détenus par des contribuables américains ; cette loi facilite grandement le travail du fisc américain.

Une proposition qui paraît acceptable pour le Luxembourg. Face à la pression de ses partenaires européens, le gouvernement luxembourgeois s’est résolu, depuis 2011, à appliquer le droit européen et à lever le secret bancaire en cas de fraude présumée. L’Allemagne a fait savoir, quant à elle, qu’elle suivrait la France : « Nous nous sommes engagés en faveur d’une collaboration avec tous les autres… Nous devons renforcer la pression », a déclaré le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. Mais l’Autriche ne semble pas prête à abandonner son secret bancaire.

Le statut de la Suisse est aussi un peu particulier : selon un accord d’échange d’information a été signé entre la Suisse et la France en 2009, les Suisses ont l’obligation de transmettre seulement les documents qui leur paraissent « vraisemblablement pertinents ». Toute l’ambiguïté de l’accord est là.

La fin du cumul des mandats

En matière de non cumul des mandats, la France fait, en revanche, figure d’exception. La France n’est pas le seul pays qui pratique le cumul mais elle dépasse de très loin les autres pays en la matière. En Grande-Bretagne, le cumul des mandats ne concerne que 3% des élus nationaux, en Allemagne 24%, en Suède 35% mais en France le nombre d’élus cumulant, au moins, un mandat national et un mandat local est de 83%. Un record inégalé d’autant qu’en France, un élu peut cumuler jusqu’à quatre mandats.

Or, si François Hollande assure que la fin du cumul des mandats « se fera avant la fin » de son mandat, la réforme n’entrera pas en vigueur avant les élections dans les différentes assemblées prévues à partir de 2017. Il a en effet été décidé de n’appliquer le non-cumul qu’à compter de la fin des mandats parlementaires en cours, alors que la direction du Parti socialiste souhaitait une mise en application dès les élections municipales de mars 2014.

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