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Pakistan: une église chrétienne où les musulmans vont prier

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Lorsque l’Eglise de tous les Saints de Peshawar, au Pakistan, a célébré la résurrection du Christ le 31 mars dernier et qu’un message de paix et d’espoir a résonné dans les rues de la vieille ville, il n’y a rien eu d’extraordinaire à cela. En effet, les processions de Pâques sont une tradition dans ce pays majoritairement musulman.

Une église pour les chrétiens et les musulmans

A l’heure où l’Eglise de tous les Saints va fêter son cent-trentième anniversaire, la mosquée Al-Rashid d’Edmonton au Canada va célébrer ses soixante-quinze ans. Toutefois, les deux institutions ont plus qu’un important anniversaire en commun cette année. Les célébrations porteront essentiellement sur le rôle que ces institutions ont joué en satisfaisant les besoins religieux et spirituels de leurs communautés respectives. Quelque peu occulté dans l’actuel climat de méfiance religieuse, le désir des fondateurs de ces institutions de tendre la main vers d’autres communautés est pourtant plus pertinent.

Plutôt que de se présenter comme lieux de culte chrétien et musulman, l’Eglise de tous les Saints et Al-Rashid se fondent dans le paysage local et montrent qu’elles respectent le pluralisme religieux et souhaitent établir des relations avec d’autres groupes confessionnels.

Eglises et mosquées cohabitent au Pakistan

Au beau milieu de magnifiques lieux de culte comme l’Eglise Saint Antoine de Lahore et la Cathédrale Saint-Patrick de Karachi, l’Eglise de tous les Saints de Peshawar se révèle différente – si différente, en effet, qu’il n’est pas inhabituel que les musulmans s’y rendent pour y prier. Les églises construites au Pakistan durant l’Empire britannique sont typiques de l’héritage européen de leurs bâtisseurs coloniaux. Toutefois, l’Eglise de tous les Saints est à part compte tenu de ses bons rapports de voisinage. Nichée à l’intérieur de la ville fortifiée, cette sereine structure blanche est nantie de dômes et de minarets telle une mosquée et pourvue d’un minbar ou chaire en bois, meuble fréquent dans les mosquées sur lequel prend place l’imam durant le sermon. Avec ces motifs d’architecture locaux, l’Eglise de tous les Saints montre que le christianisme fait partie intégrante du Pakistan au-delà de son passé colonial.

A des milliers de kilomètres d’Edmonton, la mosquée Al-Rashid passe souvent pour une église orthodoxe orientale du fait de ses grands dômes d’oignons rectangulaires qu’elle tient de la culture ukrainienne dominante dans la région. Al-Rashid a créé une remarquable relation avec les croyants. Construite par des immigrés musulmans sunnites et chiites sur une terre octroyée par les citoyens d’Edmonton et grâce à la participation financière de Canadiens de toutes confessions, la mosquée Al-Rashid s’est révélée un lieu de rassemblement où des personnes de toutes confessions ont trouvé beaucoup de choses à partager – comme le récit de la naissance virginale de Jésus – et se sont mélangées avec aisance.

Christianisme chez les talibans

C’était il y a très longtemps, semble-t-il. Al-Rashi est maintenant conservée dans le musée d’histoire vivante d’Edmonton et les visiteurs ne peuvent que rendre hommage à ses bâtisseurs visionnaires.

En attendant, un garde armé à l’extérieur de l’Eglise de tous les Saints de Peshawar contraste avec les hymnes d’amour et de paix qui résonnent à l’intérieur de l’église. L’intolérance religieuse grandissante a été un motif d’inquiétude pour les personnes sensées depuis des années. Mais quand elle a pénétré dans la chaire, avec un imam au Pakistan excitant ses fidèles en accusant à tort une chrétienne de quatorze ans de blasphème et un prêtre aux Etats-Unis invitant sa congrégation à l’autodafé d’un coran, beaucoup se sont demandés si l’héritage qui nous a été légué n’était pas un vestige du temps passé.

Pâques, une fête multiconfessionnelle

Pourtant, les gens de bonne volonté n’étaient pas disposés à permettre au plus récent des groupes d’extrémistes de salir cet héritage. Les activités interconfessionnelles n’ont fait que croître au Canada. Alors que le dialogue interreligieux continue de connaître une popularité croissante, d’autres types d’activités commencent à s’affirmer. Il ne s’agit peut-être pas d’activités strictement tournées vers la religion ou impliquant des chefs religieux mais elles favorisent l’harmonie. L’Organisation des musulmanes d’Ottawa, par exemple, organise un dîner annuel pour lever des fonds en faveur d’une cause ou d’une œuvre de charité servant la communauté dans son ensemble. En octobre dernier, dans un esprit d’innovation, des étudiants chiites d’universités locales ont partagé l’Eïd-al-Adha (la fête célébrant l’offre de sacrifice du prophète Abraham) avec de parfaits inconnus. Offrant des roses aux passants, ils expliquaient le sens que revêt cet événement dans l’islam et qui est partagé par les trois grandes religions monothéistes.

Daood Hamdani est l’auteur de The Al-Rashid: Canada’s First Mosque.

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