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Présidentielle au Venezuela: Chavez, l’atout maître de Nicolas Maduro

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Au Venezuela, la tension est à son comble. La campagne électorale vit ses dernières heures et dimanche 14 avril, les électeurs Vénézuéliens auront élu un successeur à Hugo Chavez.

En lice, deux candidats principaux. Nicolas Maduro, président par intérim depuis décembre dernier et dauphin officiel d’Hugo Chavez rencontre dans les urnes Henrique Capriles, opposant du temps d’Hugo Chavez et qui tente, cette fois encore, de proposer une alternative au chavisme.

Dans les sondages, les dés paraissent déjà jetés. Pour Mila Ivanovic, docteure en sciences politiques et membre du Groupe d’études interdisciplinaire sur le Venezuela (GEIVEN), Nicolas Maduro profite largement du contexte émotionnel provoqué par la mort de son prédécesseur. Le chavisme semble encore avoir de belles années devant lui.

JOL PRESS : A quelques jours du scrutin présidentiel, quelle est l’ambiance au Venezuela ?
 

Mila Ivanovic : Nous sommes véritablement dans une ambiance pré-électorale, autrement dit un contexte bien connu des Vénézuéliens qui assistent à leur troisième élection en sept mois. La mort d’Hugo Chavez a provoqué une effervescence émotionnelle sans précédent qui s’est très vite déplacée dans le champ pragmatique et rationnel étant donné le peu de temps qui s’est écoulé entre le décès de l’ancien président et l’appel à une élection présidentielle anticipée.

J’estime que l’exceptionnalité de la situation n’a pas métamorphosé les conditions du déroulement de cet évènement électoral. Les discours restent, de part et d’autre, très similaires à la dernière élection d’octobre, si ce n’est que le candidat chaviste est dans une phase d’entraînement.

Les similitudes avec les élections passées résident aussi dans le fait que nous sommes dans un climat de conflit incarné par l’annonce de différentes menaces, qu’il s’agisse des rumeurs d’attentat contre Henrique Capriles et Nicolas Maduro, les demandes de dépouillage manuel des votes ou encore les diverses tergiversations concernant l’intégrité du Conseil National Electoral.

JOL PRESS : Comment se déroule une campagne électorale au Venezuela ?
 

Mila Ivanovic : Une élection vénézuélienne est toujours un moment clé de l’activité politique du pays, que l’on pourrait qualifier « d’hyperélectoralisme ». L’agitation politique et les grands rendez-vous de campagnes électorales, meetings ou gigantesques rassemblements, sont autant d’instruments qui permettent de mesurer l’ambiance du pays.

Nous constatons que les rapports de force sont exacerbés et traversent véritablement le champ politique. Pourtant, malgré les appels parfois alarmistes de l’opposition et du chavisme quant aux menaces de déstabilisation et de fraudes, la normalisation est toujours de mise. 

JOL PRESS : La personnalité d’Hugo Chavez vous paraît-elle être au cœur de cette campagne et de ce scrutin ?
 

Mila Ivanovic : Hugo Chavez est bien entendu au centre de la rhétorique et de la propagande chaviste. On pourrait même dire qu’il fait l’objet d’un culte de la personnalité post-mortem, que l’on découvre aujourd’hui.

Le vide créé est une arme politique dont ne peut se passer le camp chaviste aujourd’hui. Certains pointent un excès mais qui ne peut s’expliquer que par la situation de transition qui va se poursuivre dans les prochains mois.

Sa sacralisation et sa canonisation laïque en tant que « commandant suprême » est une digue de contention pour freiner une éventuelle fragmentation des forces du mouvement chaviste. Pourtant, le chavisme est suffisamment implanté pour qu’émergent des éléments discursifs et pratiques qui poursuivront la période ouverte depuis 1999.

On assiste également à une modification des contours et des stratégies de communication politique. La tendance est à à la spectacularisation des meetings qui avait déjà commencé lors de la dernière élection présidentielle, mais qui s’est accentuée, notamment par la présence de professionnels de la communication politique brésiliens dans la campagne de Nicolas Maduro et de nombreux artistes conventionnels et commerciaux. Cela augure d’une certaine rupture avec les époques précédentes.

JOL PRESS : Nicolas Maduro semble toujours être en tête des sondages. Pensez-vous que le résultat de ce scrutin soit joué d’avance ? Sera-t-il élu simplement parce qu’il est l’héritier officiel d’Hugo Chavez ?
 

Mila Ivanovic : Je ne suis pas futurologue mais tout indique que Nicolas Maduro gagnera, ce qui n’est pas surprenant puisque le facteur émotionnel va jouer en sa faveur. Par ailleurs, la campagne électorale est trop courte pour que les Vénézuéliens aient la possibilité de réaliser la teneur des axes politiques qu’il a impulsés durant son exercice de président par intérim.

Pour l’instant, il est le digne et légitime héritier d’Hugo Chavez et c’est tout ce qui compte à l’heure de mettre son bulletin dans l’urne.

Concernant l’opposition, elle ne peut que surfer sur les mesures engagées par Nicolas Maduro depuis décembre dernier, et particulièrement sur la récente dévaluation qui a eu une répercussion importante sur le pouvoir d’achat des Vénézuéliens. L’insécurité est aussi une première arme car les politiques engagées par le gouvernement n’ont pas eu les effets positifs espérés. 

JOL PRESS : Qu’est-ce qui différencie un électeur de Nicolas Maduro d’un électeur d’Henrique Capriles ? Est-ce une simple question de milieu social ? D’idéologie ?
 

Mila Ivanovic : Ces différences sont moindres qu’il y a dix ans car il y a eu une avancée significative de l’opposition chez les classes populaires. Malgré tout, nous pouvons dire que l’opposition incarne le désir d’une classe moyenne à la recherche d’une normalisation des relations politiques et d’un terrain favorable à l’investissement privé.

Pourtant, nous voyons bien qu’il y a également des éléments qui grèvent fortement la poussée électorale du chavisme, notamment en raison des faiblesses de la gestion de certains services publiques, des difficultés à maintenir une économie toujours très dépendante des contingences de la production pétrolière et du sentiment d’impunité qui entoure la patrimonialisation de l’économie pétrolière notamment à travers des faits de corruption admis par tous, bien que très peu révélés à l’opinion publique.

Concernant les mouvements sociaux, malgré des formes de répression et de cooptation, les plus radicaux optent toujours pour une alliance stratégique et idéologique avec le chavisme plutôt que de se tourner vers l’opposition. Cela est dû à une certaine histoire qui lie le chavisme, né de l’histoire des mobilisations politiques des années 60-90, et les mouvements sociaux.

JOL PRESS : Qu’attendent les Vénézuéliens de leur prochain président ?
 

Mila Ivanovic : Tout dépend d’où l’on se place. Dans le camp chaviste, il s’agit de poursuivre sur la lancée participative en ouvrant plus d’espaces de décision collective et en consolidant un système de protection sociale, encore bien précaire. De l’autre, une routinisation de la scène politique passant par l’alternance, la recherche d’un consensus dans le discours politique, en se dépouillant de toute idéologie et pour parvenir à une meilleure « qualité de vie ».

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