Site icon La Revue Internationale

Willis, le chat symbole de la liberté d’expression retrouvée à Tunis

dessin_willis_ok_2.jpgdessin_willis_ok_2.jpg

[image:1,f]

JOL Press : Deux ans après la chute de Ben Ali, où en est la liberté d’expression en Tunisie ?

Willis from Tunis Une des seules vraies victoires concrètes de la révolution est la liberté d’expression : la censure sur Internet est levée, les médias s’expriment, les Tunisiens parlent enfin librement (sur les réseaux sociaux, blogs et dans la rue). Malheureusement, les lois de Ben Ali sont toujours là et le gouvernement actuel s’en sert pour faire taire à nouveau. Une des lois utilisée à tort est « le trouble à l’ordre public ». Des plasticiens y ont eu droit lors d’une exposition l’année dernière. Un collectif de graffeurs « Zwewla » en a été accusé mais il y a eu non lieu. Des rappeurs dont Weld el 15 en pâtissent aussi. Des journalistes sont menacés, intimidés… La société civile, les avocats, les associations sont très présentes pour défendre cette liberté d’expression. La lutte est continue. Mais on se doit de la conserver. Des Tunisiens sont morts pour cette liberté et rien que pour cela, on ne doit pas céder aux pressions.

JOL Press : Comment est né le chat Willis From Tunis ?

Willis from Tunis J’ai commencé à dessiner après le dernier discours de Ben Ali, le 13 janvier 2011. Il nous promettait la liberté d’expression si on le maintenait au pouvoir mais nous savions tous que sa fin était inéluctable. Dessiner était un moyen pour moi d’expulser mes angoisses, de partager avec mes proches, de les faire sourire dans ces moments très angoissants, en pleine révolution. J’ai continué parce que mes dessins étaient partagés sur la toile et que les commentaires étaient souvent beaucoup plus marrants que mes dessins eux-mêmes. C’était un échange très fort, une très belle solidarité.

[image:2,f]

JOL Press : Quels sont les obstacles qu’une femme caricaturiste rencontre dans son travail quotidien en Tunisie aujourd’hui ?

Willis from Tunis Je ne me soucie pas d’être une femme lorsque je crée. Je dessine par besoin, comme une sorte de catharsis. Pendant très longtemps, on m’a pris pour un homme en voyant mon travail. Lorsque les gens on découvert que j’étais une femme, cela n’a rien changé. Je ne ressent pas d’obstacle, je me sens libre. Evidemment, certains dessins peuvent faire grincer des dents et je reçois des messages assez acerbes. Mais cela fait partie du « jeu ». Tout le monde s’exprime et on ne pense pas tous pareil. Après, lorsque ce sont des insultes ou des menaces, c’est plus compliqué. Mais, lorsque je dessine, je ne fais pas de calcul « est-ce que ça va plaire ? est-ce que ça va passer ? »… je dessine et alea jacta est.<!–jolstore–>

JOL Press : Peut-on espérer que vos dessins passent de l’espace virtuel des réseaux sociaux à la presse ?

Willis from Tunis Je dessine pour le journal Siné Mensuel. Siné est le premier à m’avoir donné ma chance, à m’avoir donné la possibilité de travailler. J’en suis très honorée car j’ai toujours admiré son travail.

JOL Press : En quoi le Printemps arabe a-t-il fait évoluer le métier de dessinateur de presse ?

Willis from Tunis Avant le printemps arabe, la presse et les médias étaient totalement muselés. Aujourd’hui, ils sont libres ou essayent de l’être. Tout état totalitaire ne supporte pas la satire ou la critique.

[image:3,f]

JOL Press : Quelles sont les limites que vous vous imposez ?

Willis from Tunis Je ne me pose pas vraiment de limites. Je me « moque » de tout et de tous, du pouvoir actuel mais aussi de l’opposition, des hommes, des femmes et de moi-même.

JOL Press : La reconnaissance internationale de Cartooning for Peace est-elle importante pour vous ?

Willis from Tunis : C’était une immense surprise pour moi, cette reconnaissance. Pour moi, je dessine des chats sur facebook, en fait. Je n’ai pas idée de la portée de ces dessins. Cartooning for peace m’offre la possibilité de rencontrer des dessinateurs du monde entier, de découvrir leurs difficultés et leur talent. C’est aussi un moyen d’abattre certaines frontières, de se réconcilier par l’humour.

JOL Press : Pensez-vous qu’il soit possible de voir naître des collaborations croisées entre les dessinateurs et des organes de presse de Tunisie, de Libye et d’Egypte d’Algérie?

Willis from Tunis Je pense que c’est tout à fait possible. D’ailleurs, avec le site satirique tunisien yakayaka.org que nous avons créé il y a plus d’un an, nous collaborons avec des dessinateurs algériens, marocains mais aussi espagnol, français, iranien etc. Le dessin satirique nous permet à tous de nous exprimer et d’échanger.

[image:4,f]

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

Quitter la version mobile