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Zlatan Ibrahimovic: mythe en construction ou effet de mode?

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Fort de ses bons mots, de ses prouesses sur le terrain et de sa personnalité hors-norme, Zlatan Ibrahimovic est devenu en quelques mois une véritable star du football français. Pour certains observateurs avisés ou pour un public de passionnés toujours désireux de trouver un champion, il n’est pas loin de devenir un mythe. Ou plutôt un phénomène de société comme le définit Jean-louis Gazignaire, ancien reporter au Figaro.

Dans ce livre, le journaliste a choisi de décrypter le parcours extraordinaire de cet enfant des Balkans (par son père et sa mère) élevé en… Suède.

Extraits de Zlatan, le phénomène Ibrahimovic de Jean-Louis Gazignaire (Éditions Jacob-Duvernet)

La presse sportive, dans un premier temps. Logique. Et puis tout s’est enchaîné. Il est vrai que ce diable de footballeur a fait fort. Des buts comme s’il en pleuvait, et pas n’importe lesquels : des reprises de volée improbables, des acrobaties démentielles, des ailes de pigeon de fiction, des retournés sataniques, des ballons qui se frayent un passage au milieu de forêts de jambes, une technique venue d’ailleurs, du jamais vu, du miracle à tous les étages ! Alors les clameurs du Parc des Princes sont arrivées jusqu’aux rédactions des journaux, des radios et des télévisions. Ibra est devenu la coqueluche des médias.

On a d’abord commenté et montré ses exploits, passés et repassés au 20 heures, qui ont fini par intriguer puis éblouir jusqu’aux téléspectateurs rétifs à la chose sportive. Dame ! On ne nous montrait pas un besogneux du coup franc ou du tir chanceux, mais bien des chefs-d’œuvre signés d’un artiste de très haut vol.

Ainsi Zlatan entra dans les ménages, dans les familles, et les sujets se mirent à fleurir dans les magazines sur papier glacé autant que sur les écrans. Notre homme était sacré, consacré, devenu star au même titre que Johnny Hallyday, Catherine Deneuve ou Stéphanie de Monaco. Fin du fin dans notre société qui se régale à mélanger les genres quand ce n’est pas à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, Zlatan était « peopolisé », c’est-à-dire qu’on s’occupait désormais autant de sa vie privée et de ses propos, que des buts magistraux qu’il continuait à distribuer sur les terrains de France et de Navarre.

Et quel client pour nos médias ! Quelle manne ! Quelle aubaine ! Un transfert de milliardaire au Paris- Saint-Germain, un salaire mirobolant, la République a toujours été fascinée par ces riches qu’elle brûle d’ailleurs à la première occasion, on est en France ! On ne s’offusque pas des revenus d’une vedette de la chanson, mais ceux d’un footballeur, pensez ! Et puis surtout, Zlatan, c’est un physique, un talent, un caractère, que demander de plus ? Ses réparties surréalistes à force de nombrilisme font florès au bistrot et dans les salons.

Au point que, sur Canal+, les Guignols ne tardent pas à s’emparer de ce Suédois extravagant autant qu’imprévisible. Ils en font une marionnette qui devient vite le chouchou du public, et poussent la caricature jusqu’à créer le verbe « zlataner » aujourd’hui passé dans le langage courant.

On multiplie les interviews de sa femme, une Hollandaise aussi belle qu’intelligente, ce qui ne gâte rien. Bref, la « zlatanmania » ou « ibrahimania » déferle sur le pays. Même Zidane, joueur aussi monstrueux de talent et français de surcroît, n’a pas déclenché pareille hystérie. Il est vrai que Zinédine est d’un naturel plus discret et d’un commerce moins tapageur.

Phénomène de société ? Effet de mode ? Qui peut savoir ? Cela durera tant qu’il jouera sous les couleurs de Paris. Officiellement, il est des nôtres jusqu’à la mi-2015. Après ? On gardera peut-être le souvenir nostalgique d’un drôle de magicien venu sans crier gare enchanter les tribunes et ravir le public, et parti un beau jour faire naître des étoiles sous d’autres cieux, émerveiller d’autres peuples… un météore.

En attendant, nous sommes en pleine zlatanerie, la France est sous le charme, et les enfants du dimanche rêvent de devenir Ibra. C’est vrai, pour eux, il est le personnage d’une bien belle histoire. Il était une fois…

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Jean-Louis Gazignaire est spécialiste du sport, ancien reporter au Figaro et ancien rédacteur en chef de l’agence Sygma. Il publie Zlatan, le phénomène Ibrahimovic  aux éditions Jacob-Duvernet.

 

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