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Ces personnalités qui pensent que la nationalité française peut être retirée

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À travers le parcours de quelques figures marquantes qui ont eu à subir l’infamie de la perte de nationalité (Marc Chagall, Serge Gainsbourg, René Cassin, Ève Curie, Jean Daniel, Jacques Derrida…), c’est l’histoire de toutes les victimes qui est racontée dans Indignes d’être Français – Dénaturalisés et déchus sous Vichy, d’Alix Landau-Brijatoff. Mais c’est aussi l’histoire de ces trois lois et de ceux qui les ont édictées et consciencieusement mises en application, sans être inquiétés à la Libération. Les 15 154 dénaturalisés nous renseignent donc sur l’État français d’hier, d’aujourd’hui et peut-être de demain. Car la nationalité française et son acquisition restent l’objet de polémiques permanentes, mais aussi d’une certitude : « elle ne se mérite pas ».

Comme l’énonce Denis Olivennes dans sa préface, « l’un des mérites du présent livre est de nous rappeler combien la conception ouverte de la patrie est au cœur de l’identité française. Il est bon que cela soit souligné en un temps de crise économique et de doute national si propice à l’oubli de nos valeurs fondatrices ».

Extraits de Indignes d’être Français, d’Alix Landau-Brijatoff (BUCHET CHASTEL)

J’ai choisi de citer les textes – connus et inconnus – dont la confrontation avec des textes récents ne demande aucun commentaire complémentaire. La formule consacrée est que « l’histoire ne repasse jamais les plats » – ironie, elle est de Céline dans une interview à Madeleine Chapsal (L’Express, no 312, juin 1957) ! La juxtaposition des citations de l’époque et de celles d’aujourd’hui montre que les mots et les idées ont une vie d’autant plus longue que le travail sur le fond n’a pas été accompli.

– Après l’attentat de la synagogue, rue Copernic à Paris, le 3 octobre 1980, Raymond Barre, Premier ministre, livre ce commentaire qui a fait date. Il évoque un « attentat odieux qui voulait frapper les juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ».

– Plus récemment, Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, évoque Dominique StraussKahn : « Ce n’est pas l’image de la France, l’image de la France rurale, l’image de la France des terroirs et des territoires, celle qu’on aime bien, celle à laquelle je suis attaché[1]. »

– Jacques Chirac décrit, le 10 juin 1991, la vie dans le quartier de la Goutte d’Or, à Paris : « Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur… »

– Georges Frêche, président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, évoque Laurent Fabius dans L’Express, le 28 janvier 2010 : « Votez pour ce mec en Haute-Normandie me poserait un problème : il a une tronche pas catholique. »

– Alain Marleix, député UMP, décrit Jean-Vincent Placé, candidat écologiste aux élections sénatoriales, comme « notre Coréen national[2] ».

– Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, parlant d’un jeune militant UMP issu de l’immigration[3] : « Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a plusieurs que ça pose problème. »

– Éric Zemmour, chez Thierry Ardisson dans Salut les Terriens[4] : « Mais pourquoi on est contrôlé dix-sept fois? Pourquoi? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait. […] Les employeurs ont le droit de refuser d’embaucher des Noirs et des Arabes ». Relaxe pour la première phrase, condamnation pour la seconde (2 000 euros, avec sursis).

– Robert Ménard écrit un opus, Vive Le Pen![5], prônant la liberté d’expression. Il participe à la quatrième réunion de réinformation de Polémia, think tank d’extrême droite de Jean-Yves Le Gallou. Son objectif : « Affirmer sans complexe la supériorité de la civilisation européenne » et donner aux « Euro-Français des armes de reconquête intellectuelle, politique et morale ».

La nationalité française peut être retirée : dénaturalisations et déchéances

– Nicolas Sarkozy. En déplacement à Grenoble, pour installer le nouveau préfet, le chef de l’État a prononcé un discours ultra-offensif, allant jusqu’à établir un lien entre immigration et délinquance : « La nationalité doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait porté atteinte à la vie […] d’une personne dépositaire de l’autorité publique. » Il réclame également la fin de l’acquisition automatique de la nationalité française pour les mineurs délinquants.

Les émigrés, ou l’invasion d’indésirables en temps de crise

– Claude Guéant. Ministre de Nicolas Sarkozy, il est en lui-même un florilège de multiples dérapages : concernant les Français « qui ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux, du fait d’une immigration incontrôlée[6] ». « En 1905, il y avait très peu de musulmans en France ; aujourd’hui, il y en a entre 5 et 6 millions. C’est vrai que l’accroissement du nombre des fidèles de cette religion et un certain nombre de comportements posent problème. […] 24 % des étrangers non européens qui se trouvent en France sont des demandeurs d’emploi. C’est presque trois fois plus que le taux de chômage national[7]. »

« Contrairement à ce qu’on dit, l’intégration ne va pas si bien que ça. Le quart des étrangers qui ne sont pas d’origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’émigrés. Contrairement à une légende, il est inexact que nous ayons besoin de talents, de compétences. Il y a de l’ordre de 2 000 personnes qui viennent à ce titre. Mais on n’a pas besoin de maçons, de serveurs de restaurants. Il y a en France de la ressource parmi les Français[8]. »

Et encore sur la délinquance à Paris : « Les délinquants roumains représentent un déféré sur dix dans la capitale[9]. » « Il y a à Marseille une immigration comorienne qui est la cause de beaucoup de violences. Je ne peux pas la quantifier[10]. »

Ces interventions ont souvent été suivies de protestations et d’un rétropédalage de l’intéressé. Ainsi que des remerciements de Marine Le Pen qui a même attribué à Claude Guéant une fausse carte du FN à son nom, assorti d’un « il pourrait être adhérent d’honneur du FN ».

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Alix Landau-Brijatoff est née le 20 avril 1942 à Perpignan. Elle est la troisième fille d’Adolphe-Abraham Landau et de Bluma Katz-Jankelovitch, deux communistes émigrés de leurs pays d’origine (Pologne et Lettonie) dans les années 1920, naturalisés dans les années 1930, dénaturalisés en 1943. Docteur en psychologie sociale, elle est également romancière.

[1] 13 février 2011, Radio J

[2] 3 septembre 2011, sur Public Sénat

[3] Université d’été de l’UMP, septembre 2009.

[4] 6 mars 2010.

[5] Robert Ménard et Emmanuelle Duverger, Vive Le Pen!, Paris, Mordicus, 2011.

[6] France 24.

[7] Le Nouvel Observateur, 4 avril 2011.

[8] Europe 1, 22 mai 2011.

[9] Europe 1, 12 septembre 2011.

[10] Marseille, 13 mars 2011.

 

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