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François Hollande an 2… ou le syndrome Jacques Delors

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Résultats économiques calamiteux, sondages en berne, gouvernement affaibli, majorité divisée, oppositions requinquées… C’est en piteux état que François Hollande aborde la deuxième année de son quinquennat. Pourtant, n’en déplaise à ses détracteurs de tous poils, François Hollande a une logique, une logique qu’il pourrait avoir des difficultés à mener à terme…

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Posture !

De sa déclaration de candidature à la primaire socialiste jusqu’au duel télévisé qui l’a opposé à Nicolas Sarkozy à la veille du second tour de la présidentielle, François Hollande a joué sa carte « à la Mitterrand ». Le coude sur le pupitre, le bras gauche qui mouline, jusqu’au clignement des yeux et la moue quelque peu dédaigneuse… Le mimétisme était troublant. De là où il est, François – le premier – et ses forces de l’esprit semblaient comme inspirer son ex-conseiller technique à l’Élysée. Message subliminal. Posture.

Le 6 mai 2012, une fois la victoire acquise, le président élu s’est précipité de Corrèze à la Bastille pour communier avec « le peuple de gauche ». Sur scène, face à l’opéra, François Hollande jouait. Posture.

Si l’atmosphère du 6 mai 2012 n’avait rien de comparable à celle du 10 mai 1981 – dixit des vétérans des deux « grands soirs » -, si François Mitterrand, lui, n’était pas allé se mouiller place de toutes les révolutions… n’empêche qu’il n’en a pas fallu davantage pour que beaucoup imaginent que la gauche était de retour au pouvoir. Posture.

Imposture ?

Le dimanche 5 mai, à l’appel de Jean-Luc Mélenchon et de son Front de Gauche, la gauche de la gauche, socialiste, communiste, écologiste, battait la pavé pour dénoncer la trahison des « solfériniens » – jargon mélenchonien pour les historiques « sociaux-traitres », la gauche qui se modère arrivée au pouvoir et s’allie avec le capital…

Sans doute étaient-ils de bonne foi tous ces braves gens qui défilaient, de Bastille à Nation, mais, comment ont-ils pu croire que, « lui Président », il déclarerait la guerre à la finance ou conduirait ses ennemis, « les riches », à la guillotine fiscale ? François Hollande, élevé à droite, a peut-être la foi d’un converti, celle-ci ne saurait être suffisante…

 D’ailleurs, François Hollande a-t-il seulement jamais été socialiste ? Qu’il soit de gauche, nul n’en doute, mais socialiste… Sur le fond, au-delà des circonstances économiques exceptionnelles que nous traversons, François Hollande mène une politique dans la droite ligne de ce à quoi il semble toujours avoir cru. Dans leur excellent documentaire consacré à la promotion Voltaire de l’ENA, Samir Tounsi et Jean-Pierre Zami rappellent bien que François Hollande et ses condisciples de la rue de l’Université qui l’accompagnent dans son expérience du pouvoir – Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet, Pierre-René Lemas – partageaient une approche rigoureuse – certains diraient réaliste – des questions économiques, déjà plus « social-démocrate » que « socialiste », inspirée, notamment, par les cours magistraux à Sciences-Po d’un certain « professeur Barre » – Raymond Barre… Passée l’euphorie de mai 1981, le jeune François Hollande a suivi les « visiteurs du soir » – Jacques Attali, en premier lieu – qui, très tôt, ont prôné le tournant de la rigueur et le choix de l’Europe plutôt que l’aventure socialiste, collectiviste ou autogestionnaire. C’est cette même approche qu’il a développée dans « L’heure des choix », un ouvrage co-écrit avec… Pierre Moscovici – avec lequel il assurait un cours d’économie à Sciences-Po au début des années 90. Et c’est toujours la même approche encore qu’il a privilégiée, peu après, premier des deloristes, à la tête des clubs Témoin, puis, plus tard, premier des socialistes, pendant ses onze ans à la tête du PS.

François Hollande n’est pas un révolutionnaire. Ceux qui l’imaginaient en Hugo Chavez ou Che Guevara – comme ceux qui ont vu en lui un dangereux bolchévique, couteau ensanglanté entre les dents -, en sont pour leur argent…  « François Hollande président » ne fait rien d’autre que de conduire une politique dans la droite ligne de ses engagements antérieurs – rigueur économique, au risque de l’austérité, et foi dans l’Europe. Et sa « social-démocratie » relève sans doute désormais davantage du « social libéralisme ». Aggiornamento.

1981, 1995… 2013

Une date essentielle dans le parcours de François Hollande… Le 11 décembre 1994, Jacques Delors, toujours président de la Commission européenne renonce à se présenter à l’Élysée au motif que, si la victoire présidentielle lui semble promise, il ne pense pas être en mesure de disposer d’une majorité législative pour mener la politique qu’il souhaitait. A cette époque, François Hollande était le bras droit de Jacques Delors – et nul ne doute qu’il a cherché alors à tirer les conséquences politiques et tactiques de la reculade de celui-ci. Les années ont passé…

A la Mitterrand, François Hollande a donné du temps au temps, il a séduit, feinté… Au-delà de la forme, sur le fond, il a fait sien le rêve social-démocrate de Jacques Delors – et, avec la crise – et sous la férule de Bruxelles -, cette social-démocratie est devenue social-libéralisme…

Un des grands défis de l’an 2 du Hollandisme présidentiel résidera sans doute dans sa capacité à conserver une majorité à l’Assemblée, à ne pas succomber à la surenchère de la gauche de la gauche. Échapper au syndrome Delors…

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