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François Hollande, un grand coup de barre à gauche!

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Dans un sondage BFMTV-CSA publié quelques heures avant la conférence de presse de François Hollande, les Français estiment que la crise économique qui frappe la France est due avant tout au contexte international plutôt qu’à la politique nationale[1]. Six mois, jour pour jour, après sa première intervention dans cette même configuration, le président de la République française doit surtout convaincre sur les enjeux nationaux relatifs à la justice et à la sécurité, au plein-emploi et à la croissance, à l’éducation et à la réforme de l’Etat

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Justice et sécurité

A une époque où la délinquance urbaine ne cesse de diviser l’opinion française au point de remettre en cause la cohésion nationale, on ne peut pas faire abstraction des mesures susceptibles de concilier la justice et la sécurité. Bien entendu, il faut s’appuyer sur le vécu concret des acteurs de terrain et faire en sorte que les hypothétiques sanctions soient compensées par la prévention.

Les violences et les agressions auxquelles les citoyens français sont confrontés tirent, pour la plupart des cas, leur origine du rejet d’une certaine jeunesse[2] par une fraction de l’opinion. François Hollande doit donc inciter des mesures pour mettre un terme à une incompréhension réciproque, fruit d’une absence de dialogue. Ainsi doit-il imaginer à court terme, dans le cadre de la démocratie participative, des comités de quartier ou de cité qui seraient les interlocuteurs des autorités nationales et locales. Par ailleurs, l’impunité étant inadmissible, les mesures idoines doivent avoir trait à la mise sous contrôle, ou alors sous-tutelle, et le suivi rapproché des jeunes délinquants auteurs d’infractions considérées comme légères – l’objectif étant d’éviter qu’ils retombent dans la récidive.

Cela suppose la création d’un important réseau de centres aussi proches que possible des lieux de résidence des intéressés, ainsi que l’embauche durable de travailleurs sociaux et l’affectation des policiers spécialement formés[3]. Les autres mesures d’application immédiate doivent concernées la mise en œuvre progressive de la police de proximité, le renforcement des moyens de la police et de la justice, les dispositifs éducatifs pour les enfants et les parents, le statut du détenu…

François Hollande doit avoir à l’esprit, à long terme, la disparition des ghettos. De plus, ceux-ci s’apparentent souvent aux zones de non-droit qui constituent un frein redoutable à l’insertion des résidents, seule voie en mesure de ramener un semblant de paix sociale. Un grand chantier concernant l’habitat des cités doit être lancé, grâce à un programme ambitieux de construction d’un logement convenable et des espaces de loisir. Pendant le temps que durera ce programme de destruction, un effort signification d’amélioration des habitants existants devra être mis en place. Le programme de destruction et de réhabilitation devra ainsi bénéficier d’une dotation financière exceptionnelle et du renforcement du rôle de l’ANAH[4]. Pour résoudre les problèmes liés à la délinquance, des orientations complémentaires seront nécessaires. En effet, l’intervention de l’éducation nationale dans la prévention permettra, outre le fait de transmettre le savoir, de former les jeunes au respect de la loi. Ainsi faudra-t-il s’interroger sur le système de la carte  et du rythme scolaires, et sur les inconvénients du brassage qu’ils sont censé instituer.

On attend aussi du président de la République française de tracer des sillons pour mieux articuler justice et sécurité, ce lien nécessaire mais actuellement insuffisant. Ceux-ci doivent concerner des reformes concernant l’accès à la justice, la modernisation du langage de l’institution judiciaire, la création des maisons de justice et du droit, la simplification des procédures judiciaires, le budget qui doit s’apparent à 3 ou 4 % du PIB…

Le plein-emploi et la croissance

L’intensification de l’effort en faveur du travail pour tous et de la croissance constitue une aspiration sociale majeure pour tout responsable politique attentif au confort matériel et moral de ses concitoyens. Ainsi François Hollande doit-il affirmer sont intérêt pour la cohésion sociale en dégageant des voies et moyens en vue de l’amélioration de l’emploi en quantité et en qualité[5], du soutien à la consommation et du bon usage des finances publiques. De plus, lorsque la gestion de la chose publique se confond avec les intérêts personnels, c’est toute la classe politique qui se discrédite.

Un emploi pour tous reste une aspiration sociale majeure. Sa privation est la première des exclusions. Face à l’épineux défi d’un chômage de sous-qualification, il revient au président de la République française de proposer à ses compatriotes un nouvel élan social tout aussi volontariste, crédible et mobilisateur. Tel Jean Jaurès, qui n’avait jamais séparé la République des idées de justice sociale sans lesquelles elle n’est qu’un mot, François Hollande sera surtout jugé sur le thème de la relance économique, sociale et financière.

Pour sortir la France de l’impasse dans laquelle l’a cantonnée les précédents gouvernements de droite et lui éviter de facto l’enlisement à très court terme, il doit impérativement soutenir de manière audacieuse la consommation, permettre la rénovation du système de prélèvements patronaux et salariaux, impulser une politique dynamique de création d’emploi. En plus, il est grand temps de redonner, à l’issue de la suffocante expérience libérale par le tandem Nicolas Sarkozy et François Fillon, un grand coup de barre à gauche. Bref, François Hollande doit se draper davantage dans un costume de réformateur.

Des connaissances et des valeurs

Le pari de la connaissance par l’école ne peut que renforcer la formation en vue du plein-emploi et contribuer essentiellement aux politiques d’éducation. Dans cette optique, le droit à l’apprentissage en dehors du temps scolaire favorisera et approfondira la démarche des contrats éducatifs locaux. François Hollande doit s’atteler à la réforme de la France, entre autres, en pariant sur la connaissance par l’école.

Cela lui permettra de renforcer la formation en vue du plein-emploi et la contribution des politiques d’éducation dans le but de la formation initiale, composante primordiale de l’éducation. Quant à la préconisation du droit à un environnement enrichi en dehors du temps scolaire, elle encouragera la formation des enfants à la citoyenneté et à la vie adulte. A cet effet, le gouvernement en place aura intérêt à encourager la démarche des contrats éducatifs locaux non seulement pour enrichir les pratiques et l’insertion, mais aussi renforcer l’aspect culturel du temps hors scolaire.

L’efficacité du service public

En France, l’Etat occupe une place qui est le résultat d’une très longue tradition de centralisation et de concentration des pouvoirs. Cela ne correspond plus tout à fait aux données économiques et sociologiques actuelles, ni à la situation de la France en général. Un autre facteur est à prendre en considération. Traditionnellement, les agents de l’Etat ont pour mission la sauvegarde du bien public : d’où des méthodes de travail inspirées par un juridisme formel que par le souci de bonne gestion et d’efficacité. François Hollande doit donc poser efficacement, comme il l’a d’ailleurs fait à propos du cumul des mandats, la problématique de la réforme de l’Etat.

Celle-ci, si elle n’est pas réglée à temps, finira par mettre la France en porte-à-faux avec quelques directives européennes. Pour que les réformes nécessaires puissent prendre corps, elles doivent surtout concerner l’allégement des tâches assurées par l’Etat, le changement dans ses méthodes de travail et dans la gestion de ses personnels, l’application pleine et intelligente de la réforme budgétaire, ainsi que la relance de la décentralisation. François Hollande poussera-t-il l’audace jusqu’à mentionner le service étatique obligatoire ?

Documentation :

Un nouvel élan socialiste.


[1] 43 % des Français, contre 34 % rendent responsable la politique du gouvernement actuel. 18% d’entre eux expliquent même les problèmes économiques actuels par la politique menée par l’ancien président, Nicolas Sarkozy, et le précédent gouvernement de François Fillon. 51% des 18-24 ans estiment que les difficultés économiques de la France sont dues au contexte international, tandis que chez les personnes âgées de plus de 65 ans, 37 % sont du même avis, et 39 % mettent en avant la politique menée par François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

[2] Cela concerne, en premier lieu, les jeunes issus de l’immigration non européenne.

[3] D’où la nécessité de crédits supplémentaires tant de l’Etat que des collectivités locales.

[4] L’Agence nationale pour l’aménagement de l’habitat.

[5] Le préambule de la Constitution française de 1946 pause les principes fondamentaux qui doivent prévaloir : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. »

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