Site icon La Revue Internationale

G-E Seralini: Face au scandale des OGM, réaction «absurde» de l’État

[image:1,l]

JOL Press : Avant de publier votre étude, pensiez-vous qu’elle ferait autant de bruit et susciterait des réactions si virulentes ?
 

Gilles-Éric Séralini : Non, d’autant qu’elle a permis de révéler une réelle malhonnêteté. Monsanto n’a bien sûr pas accepté ce qui a été établi par notre étude, et les agences sanitaires non plus. Reconnaître nos travaux aurait signifié pour elles reconnaître leur laxisme et leur malhonnêteté, et c’est pourquoi les critiques à notre égard sont devenues de plus en plus virulentes, voire même d’une violence incroyable, puisqu’on nous a traités de « fraudeurs », de « sectaires », utilisant des « données falsifiées ». Nous avons intenté plusieurs procès en diffamation, à Claude Allègre par exemple, responsable du dernier mensonge. Je m’en explique dans l’édition de poche mise à jour de « Tous cobayes ! ».

J’ai consacré plus de cinq ans de ma vie à ce travail, mais je ne m’attendais pas non plus à des résultats aussi forts, à voir un dérèglement des hormones sexuelles aussi profond sur nos rats. Aucun test aussi poussé n’avait jamais été fait sur le RoundUp, le désherbant le plus utilisé dans le monde. Nos conclusions révélaient donc un scandale caché par les lobbies.<!–jolstore–>

JOL Press : Quelles ont été les critiques les plus virulentes à votre égard ?
 

Gilles-Éric Séralini : C’est notamment que les données historiques sur les rats « normaux » n’étaient pas prises en compte par notre expérience, ce qui biaisait les statistiques de l’étude. On nous a aussi soutenu qu’il n’y avait pas assez de rats par groupe, alors que personne n’a jamais fait mieux. Cela a révélé de graves anomalies, que leurs « rats normaux » mangeaient en fait des pesticides et des résidus d’OGM, sans qu’ils l’admettent. Toutes leurs interprétations sont donc frauduleuses.

JOL Press : Pourquoi de telles études n’avaient-elles jamais été menées avant la vôtre ?
 

Gilles-Éric Séralini : Depuis 1950, pour l’ensemble des produits chimiques, OGM, pesticides, produits pharmaceutiques, il n’y a que huit compagnies très majoritaires. Elles seules font ces tests, mais elles gardent les données confidentielles, et ne donnent pas la composition des produits. Ces tests ne sont donc pas soumis à la critique de la communauté scientifique.

D’autre part, il y a une confidentialité extrême sur les analyses de sang opérées par ces entreprises. Les agences sanitaires sont quant à elles toutes noyautées par les industriels ou leur manière de penser et de faire.

Enfin, aucun laboratoire public n’a les moyens de tester les produits mis en vente. Notez qu’il faut 3 millions d’euros pour tester la toxicité d’un produit commercialisé.

JOL Press : Qu’est-ce qui vous a poussé à publier un droit de réponse ?
 

Gilles-Éric Séralini : Les gens appartenant à ces lobbies ont écrit sur nous, nous ont critiqués. Nous avions déjà publié une réponse dans la revue Food and Chemical Toxicology. Mais l’affaire a eu un tel retentissement mondial qu’on a trouvé normal de nous expliquer auprès du public sur les dessous de l’affaire.

JOL Press : Pensez-vous qu’il est possible de gagner contre les lobbies et les industriels ?
 

Gilles-Éric Séralini : Je ne suis pas dans un combat de gagner ou perdre, je lève seulement un voile d’opacité sur des pratiques de non-transparence. Ensuite c’est au public et aux politiques de juger et d’agir. Je constate cependant avec déception qu’aucune agence n’a mis sur la place publique ces tests qui autorisent la commercialisation des produits. Et le lobby des consommateurs est bien plus faible…

JOL Press : Peut-on être sûr de l’absence d’OGM dans certains produits ?
 

Gilles-Éric Séralini : Les produits alimentaires européens destinés aux humains sont assez bien contrôlés, même s’ils contiennent du soja OGM, c’est généralement à degré de 0,9 % au maximum par ingrédient. C’est surtout pour l’alimentation animale qu’il y a des problèmes. Mais pour se débarrasser du soja OGM, il faudrait sortir de la Politique agricole commune et de l’Organisation mondiale du commerce, donc c’est impossible pour le moment sans forte volonté politique de changer ces règles internationales.

Ce qui est ahurissant, c’est « l’innocence » du gouvernement qui, lorsqu’il voit arriver une étude dénonçant un scandale sanitaire, s’empresse d’aller demander aux agences qui ont validé les avis des industriels – justement mis en cause – ce qu’ils pensent de cette étude. C’est absurde…

Quitter la version mobile