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Le Printemps arabe: théorie du complot ou élan populaire?

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Les révoltes n’ont pas frappé à la porte avant d’entrer, elles se sont glissées furtivement dans le monde arabe, renversant certains régimes tout en secouant le trône des autres.

Deux approches distinctes

Les analyses ont commencé à pleuvoir dans la tentative d’examiner cet état des choses : certains penchent, dans ce contexte, pour la théorie d’un nouveau complot étranger, visant à diviser ce qui restait de la région. D’autres suggèrent que ces révoltes sont une révolution longuement attendue, teintée de fierté et de dignité, déclenchée par des forces populaires internes.

En prélude à cette analyse, nous souhaitons dans cet article aborder le point de vue commun, non seulement répandu parmi les universitaires et les politiciens, mais aussi parmi les peuples arabes qui ont commencé à remettre en question, douter et perdre confiance dans la vague des révoltes arabes.

Un troisième point de vue

Afin de tenir les lecteurs au courant des derniers développements, cet article prône une approche nuancée en ouvrant un troisième point de vue, qui considère les événements comme simple matériel scientifique pouvant servir de plateforme pour examiner les théories existantes de la politique internationale, dans une région décrite depuis longtemps comme léthargique et peu encline à se transformer.

1. La théorie du complot

Beaucoup de ceux qui croient que le Printemps arabe fait partie d’une théorie du complot ont appuyé leurs points de vue sur de nombreuses remarques, articles et ouvrages d’intellectuels non arabes comme Bernard Lewis et Thierry Meyssan. Ces écrits ont donné l’impression que le Moyen-Orient arabe se trouvait dans un processus de transformation, semblable aux accords Sykes-Picot en 1916 [qui prévoyaient le partage du Moyen-Orient entre la France et la Grande-Bretagne]. De nombreux projets et expressions comme le « chaos constructif », le « Nouveau Moyen-Orient » et le « Grand Moyen-Orient », inventés et prononcés principalement par des responsables américains, ont conduit à une nouvelle inquiétude.

Le « Grand Moyen-Orient »

Par exemple, en mars 2004, l’administration Bush adoptait ce qui a été appelé le projet « Grand Moyen-Orient ». L’objectif avoué du projet était d’encourager des réformes politiques, économiques et sociales dans le Moyen-Orient arabe, en plus de la Turquie, d’Israël, de l’Iran, de l’Afghanistan et du Pakistan. On peut prétendre que la vision américaine de ce projet reposait sur deux piliers principaux : le premier consistait à remanier et réorganiser les cartes du Moyen-Orient après la prise de contrôle de l’ordre politique mondial, au lendemain de l’effondrement de l’ancienne Union soviétique, tandis que le second pilier repose en grande partie sur le concept de l’amélioration de l’image des États-Unis au Moyen-Orient, après avoir été fortement salie et déformée à la suite de l’invasion américaine en Afghanistan et de l’occupation de l’Irak.

« Chaos constructif » et « Nouveau Moyen-Orient »

Néanmoins, le projet n’a porté aucun fruit et était un fiasco complet. D’autres termes et projets ont suivi, comme le projet du « Nouveau Moyen-Orient », présenté par la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice en 2006. Ce nouveau projet a été accompagné d’une nouvelle expression, celle de « chaos constructif ».

Dans son article intitulé Les plans de refonte du Moyen-Orient : le projet d’un « Nouveau Moyen-Orient », paru le 18 novembre 2006 au Global Research (Centre de recherche sur la mondialisation), Mahdi Darius Nazemroaya définit ainsi le « chaos constructif » : « Il engendre un contexte de violence et de guerre dans toute la région – qui en retour peut être utilisé pour que les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël redessinent la carte du Moyen-Orient conformément à leurs besoins et objectifs géostratégiques ». Un exemple plus frappant de cette approche se reflète dans la nouvelle carte du Moyen-Orient, présenté dans le Journal des forces armées américaines en 2006, intitulée Frontières de sang : à quoi ressemblerait un Moyen-Orient meilleur.

Le modèle turc de « l’Islam modéré »…

Autrement dit, alors que les objectifs de ces projets sont tombés à l’eau, les décideurs américains ont commencé à penser à un nouveau plan qui permettrait de remplacer les précédents et pourrait atteindre les résultats escomptés. Cette nouvelle approche consiste essentiellement à chercher un nouveau « modèle » qui puisse être accepté par les Arabes et qui rejetterait les images et les stéréotypes liés aux anciens régimes traditionnels.

L’arrivée au pouvoir de l’AKP (Parti pour la Justice et le Développement) en Turquie en 2002 a inspiré ce point de vue et a orienté la boussole dans le sens de ce que l’on a appelé, jour après jour, « l’Islam modéré ». Jusqu’ici, la promotion du modèle turc en particulier, et l’encouragement de « l’Islam modéré » en général, ont largement fait écho au mécontentement du public et à l’aversion contre les régimes corrompus, et sont devenus une priorité.

… une alternative aux vieilles dictatures corrompues

Dans cette veine, des mouvements islamistes dits « modérés », qui avaient été privés de leurs droits, expulsés et parfois exécutés par leur propre régime, faisaient la queue pour présenter leurs « pièces justificatives » en tant que nouveau « modèle » accepté, et alternative aux vieilles dictatures corrompues ; qui apparaissait, aux yeux du peuple arabe, comme le larbin de l’Occident, trop attaché à lui et trop dépendant des États-Unis.

Selon ce point de vue, la montée des révoltes arabes était une démonstration de la déclaration solennelle de ce nouveau plan américain, en plaçant au pouvoir des nouveaux mouvements islamistes « modérés » élus démocratiquement. Les nouveaux régimes islamiques serviront les mêmes intérêts que les régimes précédents, mais ils seront plus acceptés par la population ; ainsi, les intérêts, les entreprises et les flux de pétrole seront garantis. Les relations chaleureuses entre ces mouvements islamiques et les États-Unis en particulier, accueillis par l’Occident quand ils fuyaient l’oppression des régimes précédents, ont renforcé cette manière de penser.

Je crois que le traitement de cet état des choses est excessif, et qu’il exige encore une enquête plus approfondie.

>> lire la deuxième partie de l’article

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