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Le remaniement, la dernière carte de François Hollande?

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Si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, 19% des Français déclarent qu’ils voteraient pour François Hollande, 34% pour Nicolas Sarkozy et 23% pour Marine Le Pen, selon un sondage CSA pour BFMTV. Jean-Luc Mélenchon obtiendrait 12%. Tous les autres candidats recueilleraient un score inférieur à 10%.

Et s’il était grand temps pour le Président de remanier son gouvernement ? Décryptage avec Philippe Braud, politologue français spécialiste de sociologie politique.

Invité dimanche du Grand Rendez-vous Europe 1/Le Parisien/iTélé, Michel Sapin a assuré que le gouvernement rentrait dans la deuxième phase du quinquennat. S’il exclut une recomposition du gouvernement, pensez-vous que le moment serait opportun pour un remaniement ? Quel serait le calendrier idéal pour un bon remaniement ?
 

Le calendrier idéal pour un large remaniement, voire un changement de gouvernement, est déterminé par deux paramètres. D’une part, un minimum d’effet de surprise parce qu’il faut dissiper toute impression que la décision a été imposée au Président de l’extérieur, et parce que, médiatiquement parlant, un événement trop attendu devient trop facilement un non-événement. D’autre part, une amélioration raisonnablement escomptable des indicateurs économiques afin de faire bénéficier la nouvelle équipe de « résultats ».

A quoi bon en effet changer de gouvernement s’il doit se retrouver dans le même tunnel ? Car s’il est un tournant qui n’est pas envisageable, c’est de changer radicalement de politique et de s’affranchir des disciplines budgétaires de l’Union européenne.

Si remaniement il devait y avoir, ne fallait-il pas le faire immédiatement après l’affaire Cahuzac ?
 

Non, cela aurait été une grosse erreur. Pour contenir les effets potentiellement dévastateurs de l’affaire, il fallait souligner, ce qui a été fait, qu’il s’agissait d’une défaillance purement individuelle. Cela ne justifiait donc pas un changement d’équipe qui aurait élargi la suspicion sur tous les ministres remerciés et contredit la thèse de la faute personnelle d’un ministre isolé.

Si la plupart ne croient pas que Jean-Marc Ayrault sera remplacé à Matignon, beaucoup parlent d’un gouvernement Ayrault 2 resserré, limité à quinze ministres forts. François Hollande est-il prêt à couper de moitié les effectifs du gouvernement ?
 

Difficile à ce stade de sonder les intentions profondes du Président. Ce qui est concevable, c’est un remaniement très limité qui tire les conséquences de la rupture, par certains, du principe de la solidarité ministérielle. En revanche, remercier la moitié des ministres, c’est prendre le risque de remplir les couloirs du parti d’une nouvelle vague de mécontents et d’aigris. Or, en ce moment, le Président n’a pas vraiment besoin d’alimenter l’atmosphère maussade qui règne au sein de sa famille politique.

Qui aujourd’hui pourrait prendre la place de Jean-Marc Ayrault ? On sait déjà que François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon ne seraient pas contre…
 

Jean-Marc Ayrault est un Premier ministre en sursis, mais ce sursis peut durer quelque temps encore. Michel Sapin et Manuel Valls réunissent bien des conditions aujourd’hui pour apparaître comme des recours naturels. Bien davantage notamment que les anciens rivaux de François Hollande au sein du parti. Ce qui est certain, c’est que se porter plus ou moins explicitement candidat à Matignon affaiblit les chances d’y accéder.

Aucun Président soucieux de son autorité n’aime se voir forcer la main. Une telle démarche est donc le fait soit de maladroits, soit de personnalités politiques qui savent n’avoir aucune chance mais saisissent cette opportunité de se rappeler au bon souvenir de l’opinion publique.

Quels sont les ministères les plus sensibles en période de crise ?
 

Cela dépend de la nature de la crise. Mais L’Intérieur est un poste très sensible si doivent se poser des problèmes aigus de maintien de l’ordre ; de même que les Finances à cause des choix drastiques que le ministre est en mesure d’opérer en période de pénurie ; enfin, le ministère des Affaires sociales devient également un lieu stratégique quand les conflits sociaux sont au cœur de la crise. 

Quelles personnalités de gauche ont aujourd’hui toute leur place au sein du gouvernement ?
 

La liste est différente si l’on raisonne en termes d’efficacité prouvée à la tête d’un ministère ou en termes d’équilibres politiques délicats à respecter au sein de la majorité. Michel Sapin et Manuel Valls ont le bonheur, assez rare, de se situer en tête des deux listes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Braud, ancien directeur du Département de sciences politiques de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et Visiting Professor à l’université de Princeton (WoodrowWilson School).

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