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Les 5 idées reçues qu’entretient le gouvernement Ayrault

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« Un an c’est court, quatre ans ce n’est pas long… ». La phrase serait de François Hollande pendant le séminaire à l’Élysée pour marquer la première année du quinquennat. Et si c’était le contraire ? « un an c’est long pour ceux qui attendaient la reprise, quatre ans ça risque d’être très long pour ceux qui préparent l’alternance».

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La difficulté éprouvée par le gouvernement pour définir une politique économique, l’ambiguïté et la confusion dans l’expression expliquent pour une grande part son échec et ses résultats désastreux. A force de conjuguer les idées reçues et les idées fausses, on s’enfonce dans l’incompréhension et la frustration. Les explications de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault apportées en début de semaine relèvent plus du charabia que de la pédagogie.

Quand le président de la République rappelle les grandes réformes entreprises: le sérieux  budgétaire, le pacte de compétitivité, la maîtrise de la finance et la réforme du marché du travail, il mélange attitudes professionnelles, comportement moral, vraies réformes juridiques et réformes fiscales. Mais plus grave. Quand il rappelle ce qui doit se passer dans l’année qui vient, il mélange objectifs, ambitions et moyens, causes et conséquences. Il précise pêle-mêle, « le chômage, le logement, l’école, le retour de la croissance, la maîtrise des dépenses publiques, le niveau des prélèvements ». Tout est bon, sauf qu’il ne suffit pas de décréter la baisse du chômage pour que la situation de l’emploi s’améliore, il ne suffit pas de décider le retour de la croissance pour qu’elle arrive aussitôt !

L’expression de la politique économique par les responsables politiques est tellement confuse qu’il ne faut pas s’étonner que l’opinion publique en vienne à douter de tout tant qu’il n’y a pas de résultats.

 

Mais pour avoir des résultats il faut que l’opinion ait confiance. La boucle est bouclée. Pour restaurer la confiance, il faudrait commencer par jeter les idées fausses, les clichés qui sont utilisés par la gauche comme par la droite quand ça les arrange.

1ère idée reçue : La dette n’est pas grave

C’est vrai que l’endettement d’un État n’est pas grave tant que ses ressources propres (fiscalité) lui permettent de rembourser la dette ou qu’il trouve des moyens de financer cette dette. En clair, la dette est supportable tant que ceux qui prêtent acceptent de prêter de l’argent à un taux raisonnable. Le taux raisonnable (idéal) est en général celui qui est inférieur au taux de croissance. La France a aujourd’hui une dette qui dépasse, et de loin, ses capacités de remboursement mais qui réussit à trouver des financements extérieurs à des prix attractifs. D’où l’impression d’avoir une dette indolore. Cette situation n’est évidemment pas durable.

2ème idée reçue : On ne peut pas rembourser la dette

C’est la grande idée de Jean-Luc Mélenchon et théoriquement c’est vrai… Sauf que dans la minute qui suivrait cette annonce, on ne trouverait plus personne dans le monde pour nous prêter de l’argent ! Or, actuellement la machine administrative française couvre plus du tiers de ses besoins de fonctionnement par des fonds empruntés. Donc la « machine France » s’arrêterait.

3ème idée reçue : La croissance reviendra

C’est sans doute vrai. Sauf qu’elle ne reviendra pas toute seule. Elle reviendra si, et seulement si, on réactive les producteurs de richesse : les chefs d’entreprises. Les entreprises ne peuvent créer de la richesse que si elles ont des produits ou des services vendables sur un marché. Autrefois, il suffisait de solvabiliser une demande : on distribuait des revenus aux consommateurs pour que les magasins se remplissent et passent commandes aux entreprises de production qui se mettaient à investir et à embaucher. En d’autres termes, le modèle Keynes. Aujourd’hui, cette logique de la demande ne marche pas. Les marchés occidentaux sont saturés et, surtout, ils sont le théâtre d’une concurrence internationale impitoyable. Soutenir la demande, distribuer de l’argent et des revenus ne font qu’aggraver le déficit budgétaire ou social, les dettes extérieures et ne peuvent que provoquer une augmentation des importations étrangères et par conséquent une aggravation du déficit. Il faut donc agir sur l’offre.

Permettre à l’entreprise de concevoir et de fabriquer des produits originaux et compétitifs. Le monde entier achète des Mercedes et des Audi. Non pas parce que les voitures allemandes sont les moins chères mais parce qu’elles sont considérées par les clients comme étant les meilleures. Pour que l’entreprise puisse être compétitive, il lui faut des conditions sociales et fiscales favorables : Moins de charges et plus de flexibilité. Pour que le chef d’entreprise ait envie d’innover, investir et embaucher, il faut qu’il sache qu’en contrepartie des risques qu’il prend il sera récompensé et pas sanctionné fiscalement.

4ème idée reçue : La hausse des impôts des plus riches va réduire les déficits

C’est vrai à très court terme. Mais très vite, la hausse d’impôts devient confiscatoire, freine ou fait fuir les créateurs de richesse. « Les hauts taux tuent les totaux » disait Laffer, l’inspirateur des politiques libérales de Reggan et Thatcher fondées sur la baisse d’impôt. C’est sans doute ce qui s’est passé en France au 2e semestre de l’année 2012. La hausse des prélèvements a asphyxié la machine économique française.

5ème idée reçue : On ne peut pas réduire les dépenses publiques sans abîmer les services publics

C’est vrai dans le discours politique sauf, que dans la réalité, on doit pouvoir s’interroger en permanence sur l’utilité de tel ou tel service public par rapport à ce qui se passerait si le service était apporté par un privé. C’est vrai si on ne s’interroge pas sur le périmètre de l’État. L’exemple allemand est édifiant. L’Allemagne a à peu près la même dimension que la France et la même demande de services publics. Or l’Allemagne, dépense 160 milliards d’euros en moins chaque année, son éducation nationale est beaucoup plus performante que la nôtre, le taux de chômage est deux fois moindre et ses services hospitaliers sont d’aussi bonne qualité.

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