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L’esclavage, crime contre l’humanité: de l’utilité des lois mémorielles

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Le 10 mai, jour de l’adoption en dernière lecture par le Sénat de la loi reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été choisi par la France comme journée de mémoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.

Cette loi a notamment instauré le Comité pour l’histoire et la mémoire de l’esclavage, un organisme composé de personnalités qualifiées parmi lesquelles des représentants d’associations défendant la mémoire des esclaves. Le comité est chargé de proposer, sur l’ensemble du territoire national, des lieux et des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations.

Qu’est ce qu’un loi mémorielle ?

À l’occasion du débat sur la loi sur d’éventuels « aspects positifs » de la colonisation, à l’automne 2005, le concept de lois mémorielles a été forgé en France pour désigner essentiellement la loi Gayssot, la loi Taubira, la loi sur la reconnaissance du génocide arménien et celle précisément sur l’existence alléguée de ce qui fut qualifié d’« aspects positifs » de la colonisation. On compte quatre lois mémorielles en France. Leur adoption a suscité de grands débats houleux mais aussi délicats.  

La loi Gayssot, tout d’abord, du 13 juillet 1990 « tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » créait le délit de négationnisme du génocide des juifs : « Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale » (Art. 24 bis).

Viennent ensuite les lois du 29 janvier 2001 « relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 » et du 21 mai 2001 « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité». Et enfin, la loi du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Son article 4 établissait que les programmes de recherche devaient accorder la place qu’elle mérite à l’histoire de la présence française outre-mer et que les programmes scolaires devaient en reconnaître le rôle positif.

Quelles sont leurs utilités ?

Les lois mémorielles ont pour objectif de lutter contre la négation de faits historiques avérés et de permettre de garder en mémoire certains faits historiques qui ont fait souffrir des Français. Cependant ces lois ne font pas l’unanimité, de nombreux historiens et juristes reprochant à l’Etat d’imposer un point de vue officiel sur des événements historiques. « L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant », dénonçaient dans une pétition, en décembre 2005, dix-neuf historiens. « Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. »

Ainsi, en novembre 2008, les députés ont pris la décision de ne plus voter de lois mémorielles et de ne plus se prononcer que par résolutions dans le domaine de la mémoire. Et le 28 février 2012, le Conseil constitutionnel a censuré le texte sanctionnant la négation du génocide arménien de 1915 : « Le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication. » Le texte prévoyait en effet de punir la négation de génocide d’un an de prison et d’une amende de 45 000 euros.

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