Site icon La Revue Internationale

Lutte contre le terrorisme: la voix du Maroc doit être entendue

[image:1,l]

JOL Press : En mai 2003, les attentats de Casablanca tuaient 33 personnes et 12 kamikazes. Dix ans après, le risque d’un nouvel attentat terroriste au Maroc est-il important ?
 

Jean-Charles Brisard : Le niveau de la menace demeure élevé au Maroc pour plusieurs raisons. D’abord parce que, historiquement, ce pays a été l’un des principaux pourvoyeurs de djihadistes pour le réseau Al-Qaïda – des djihadistes qui, après avoir combattu sur les fronts afghans, bosniaques, tchétchènes ou irakiens, sont revenus au Maroc et, pour certains, ont tenté de prolonger la « guerre sainte » par des actions terroristes dans leur propre pays.

Souvenons-nous que l’un des premiers attentats dans le monde attribués à la filière djihadiste a été perpétré à Marrakech en août 1994. Par la suite, des réseaux se sont structurés en filières de recrutement et d’acheminement vers des « terres de djihad » et, pour certains, en cellules opérationnelles. L’essentiel de ces cellules a été démantelé, mais le risque demeure.

Le second facteur de risque est lié depuis plusieurs années à la situation régionale, avec l’ascendant grandissant d’AQMI en Afrique du Nord et les collaborations logistiques et opérationnelles établies avec des cellules marocaines. Il existe donc un ferment contextuel qui doit inciter à la plus grande vigilance.

JOL Press : Quelles sont les principales cellules terroristes présentes au Maroc ? Sont-elles liées essentiellement à Al-Qaïda ou existe-t-il des groupes indépendants ?
 

Jean-Charles Brisard : Historiquement, je l’ai rappelé, la plupart de ces cellules étaient liées au phénomène Al-Qaïda ou en étaient la résultante ; ce fut, notamment, le cas du Groupe Islamique Combattant Marocain (GICM).

Depuis 10 ans, les choses ont sensiblement évolué et le Maroc, à l’instar du reste du monde, doit faire face à des menaces de moins en moins prévisibles et détectables. La menace est désormais protéiforme et provient surtout d’individus qui n’ont qu’un lien distant, souvent virtuel, avec Al-Qaïda, et qui ne font qu’en emprunter la bannière.

JOL Press : Quelles ont été les différentes actions du gouvernement marocain pour démanteler ces structures et lutter contre l’endoctrinement ?
 

Jean-Charles Brisard : L’engagement des autorités marocaines dans la lutte contre le terrorisme est considérable, constant et déterminé. Les résultats de cette fermeté à l’égard du terrorisme le démontrent amplement : une centaine de cellules démantelées et autant d’attentats déjoués depuis 2003. On ne peut que regretter l’absence de coopération institutionnelle avec les pays limitrophes, s’agissant de menaces et de réseaux transnationaux.

J’ai été de ceux qui ont regretté que la voix et l’expérience du Maroc dans la lutte contre le terrorisme n’aient pas été davantage entendues et prises en compte à l’occasion de l’offensive contre les groupes islamistes et terroristes au Mali. Face, notamment, aux atermoiements de la Tunisie, le Maroc doit devenir un élément régional structurant dans la lutte contre le terrorisme.

JOL Press : Les récentes instabilités politiques au Maroc, suite à la décision du Parti de l’Istiqlal de se retirer du gouvernement, risquent-elles d’envenimer la situation ?
 

Jean-Charles Brisard : Je ne pense pas que ces soubresauts politiques conjoncturels soient de nature à infléchir la position de fermeté des uns et des autres à l’égard du terrorisme.

JOL Press : Les différents conflits régionaux, au Sahara Occidental mais également au nord du Mali, favorisent-ils la montée du terrorisme islamiste au Maroc ?
 

Jean-Charles Brisard : Je l’ai dit, il existe un contexte régional qui doit inciter à la plus grande prudence. Pour autant, le Maroc a, jusqu’alors, été préservé de l’instabilité régionale.

Il convient de souligner que l’engagement de la France dans la lutte contre AQMI et ses affiliés régionaux a permis d’affaiblir la capacité opérationnelle de ces groupes et que, par ailleurs, les autorités marocaines n’ont pas relâché leurs efforts sur le plan intérieur.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

Quitter la version mobile