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OGM: l’impossible combat contre les lobbies

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L’étude du professeur Gilles-Éric Séralini, publiée dans le magazine américain Food and Chemical Toxicology le 19 septembre dernier, avait fait l’effet d’une bombe. « Pour la première fois au monde, un OGM et un pesticide ont été évalués pour leur impact sur la santé plus longuement et plus complètement que par les gouvernements et les industriels. Or les résultats sont alarmants », affirmait alors le professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, qui voulait prouver l’absolue toxicité des OGM.

Pour démontrer la dangerosité des produits artificiels et des polluants alimentaires qui inondent nos marchés, des scientifiques avaient ainsi mis en place entre 2008 et 2011 une expérience visant à étudier pour la première fois sur le long terme les effets toxiques d’OGM alimentaire majeur et du pesticide le plus utilisé dans le monde. L’équipe avait ainsi fait des découvertes alarmantes, remettant en cause toute les politiques sanitaires et environnementales.

Extraits de Tous cobayes ! de Gilles-Éric Séralini (Éditions Flammarion)

Je n’aurais jamais imaginé être si violemment et subjectivement mis en cause par les pro-OGM, ni soutenu et encouragé par le grand public. J’ai consacré cinq années de ma vie à ce travail, et il a été publié dans Food and Chemical Toxicology, la meilleure revue internationale de toxicologie alimentaire. Il a en outre été évalué par des chercheurs du monde entier.

En d’autres temps, j’aurais sans doute été brûlé vif ; je l’ai senti à la violence des réactions. En d’autres lieux, j’aurais fini incarcéré, comme ces manifestants contre les OGM en Chine. Sans l’aide juridique et le soutien indéfectible de mon association, le CRIIGEN, j’aurais tout simplement été mis au rancart, comme certains autres lanceurs d’alertes. J’aurais été déstabilisé sans l’imperturbable sérénité, au laboratoire, de mon équipe, certaine des résultats que nous avions patiemment remâchés et vérifiés au fur et à mesure qu’ils arrivaient, et ce durant plus d’une année, tout en soulevant systématiquement toutes les questions possibles, y compris sur notre protocole. Beaucoup plus, d’ailleurs, que ne l’ont fait nos détracteurs.

[…]

Cette histoire hors norme a révélé le pire : tout comme on soulève des nuages de poussière sur un chemin difficile, certaines pratiques ont été à l’occasion de notre recherche dévoilée – ces pratiques qui justement, jusqu’alors, empêchaient d’accéder à ce que nous avons découvert. Il s’agit des méthodes « mafieuses » entre certains politiques, certains « experts » scientifiques, et les industries qui les influencent. Ils enfantent ensemble ce laxisme, d’abord non apparent, des agences sanitaires. C’est ainsi que l’on parvient à mettre si rapidement sur le marché cent cinquante mille substances chimiques, déversées dans l’environnement sans recyclage ! Puis, lorsqu’elles sont scientifiquement évaluées – pour un petit pourcentage d’entre elles seulement –, et toujours en secret, selon les mêmes critères que nous mettons en évidence dans cet ouvrage, elles provoquent des conséquences dramatiques et empoisonnent nos familles de manière chronique. J’ai mis en lumière ces pratiques aussi pour avoir biberonné dans ce bain d’experts, hélas condescendants face aux plus grandes industries du vivant, et pour m’en être extrait à temps.

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Gilles-Éric Séralini est professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, chercheur et codirecteur du pôle « Risques, qualité et environnement durable ». Il a été expert pendant neuf ans dans le gouvernement français en matière d’évaluation des OGM. Il est l’auteur de Tous cobayes ! , publié aux éditions Flammarion.

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