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Pourquoi il est urgent d’adopter un vrai traité social en Europe

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Qui peut croire que la crise est finie ? Alors que le chômage et la précarité atteignent des niveaux jamais égalés, François Hollande et l’ensemble du PS misent essentiellement sur le retour de la croissance pour les faire baisser. Or, 2013 va sans doute être marquée par une très nette aggravation de la crise… La gauche au pouvoir est-elle condamnée à décevoir ? Le but de La gauche n’a plus droit à l’erreur, de Michel Rocard et Pierre Larrouturou est de dire la vérité sur les dangers qui nous menacent mais aussi et surtout de proposer des solutions à la hauteur des enjeux. 

Extraits de La gauche n’a plus droit à l’erreur, de Michel Rocard et Pierre Larrouturou (Flammarion)

Si, depuis des années, nous sommes nombreux à militer pour l’adoption d’un vrai traité de l’Europe sociale, c’est pour trois raisons au moins :

1- Des raisons sociales, évidemment. Comment se résigner à de tels niveaux d’injustice ? Comment accepter qu’on laisse autant d’hommes, de femmes et d’enfants sur le bas-côté ? Pas besoin d’insister ; vous partagez sans doute la même volonté de lutter contre l’injustice.

2- Des raisons politiques. En ne se donnat pas les moyens de devenir une force politique, diplomatique et militaire, l’Europe participe à la déshumanisation du monde : en 1993, les signataires des accords d’Oslo entre Israël et la Palestine… Vingt ans plus tard, il n’y a toujours pas d’Europe politique, toujours pas de force européenne d’interposition, toujours pas de paix entre ces deux peuples.

il est temps de réagir et de faire naître une Europe politique, disposant d’une vraie diplomatie et d’une vraie armée. Oui, il y a urgence à faire naître une Europe puissante, capable de tirer richesse de sa diversité. Et il n’y aura pas d’Europe forte sans soutien des opinions publiques : pas d’Europe politique sans Europe sociale.

Dans de nombreux pays, les citoyens n’accepteront aucune évolution vers une Europe politique si la question sociale est toujours remise à plus tard. Il n’y aura pas de progrès institutionnel (une diplomatie européenne, une défense européenne) si l’Europe oblige ses États membres à mettre en place des plans de rigueur et n’est pas capable de mieux répondre aux antennes de la vie quotidienne des citoyens.

3- Des raisons économiques. Si nous voulons un traité de convergence sociale, c’est aussi parce que, comme le disait Ford au siècle dernier, « en période de crise, chacun voudrait baisser les salaires et baisser la protection sociale, mais cette hausse des salaires aggrave la crise ! Il faut donc nous donner des règles collectives pour éviter que le dumping de l’un n’oblige tous les autres à un dumping équivalent ». Surtout quand ce dumping est inutile car, globalement, la balance commerciale de l’Europe est équilibrée ! 

Entre 1981 et 1984, la construction européenne fut retardée par une dame, Margaret Thatcher, qui exprimait très fortement ses priorités : « I want my money back ». Je veux mon argent. Je veux mon argent ! disait-elle en tapant du poing sur la table jusqu’à obtenir gain de cause. Pourquoi les citoyens d’Europe ne diraient-ils pas avec autant de force quelles sont leurs priorités ? We want democraty ! We want social progress back ! Nous voulons la démocratie. Nous voulons le progrès social !

L’Europe est la première puissance économique du monde, mais c’est un nain politique, paralysée qu’elle est par un système de décision totalement inadapté.
Si nous ne sommes pas capables, dans l’année qui vient, de faire naître une Europe nouvelle, si nous ne sommes pas capables de montrer, en France et en Europe, que oui, il est possible de sortir de la crise sociale, qu’il est possible « pour de vrai » de reconstruire une société d’équilibre, de justice sociale et de convivialité, on peut craindre que le mouvement de désagrégation en cours ne s’accélère gravement. Les États-Unis et la Chine resteraont les deux seules hyper-puissances gouvernant la  marche du monde. Et cette perspective n’est guère réjouissante…

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La gauche n’a plus droit à l’erreur, Flammarion (16 janvier 2013)

Michel Rocard, plusieurs fois ministre, ancien Premier ministre, demeure une figure morale et indépendante de la gauche.

Pierre Larrouturou, ingénieur agronome et économiste, est le président de la Fondation Edgar Morin. Depuis novembre 2012, il est membre du Bureau national du Parti socialiste. En 2008, Marianne le présentait comme « l’un des cinq économistes qui avaient annoncé la crise financière ».

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