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Quand Stéphane Hessel exhortait François Hollande au courage

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De même que la corruption de quelques responsables politiques ne doit pas jeter l’opprobre sur la démocratie, l’existence des « intellectuels faussaires » ne doit pas masquer l’apport à la société des « intellectuels intègres ». Références incontestables dans leurs disciplines scientifiques, ils ont bâti une œuvre véritable sur le long terme tout en restant des modèles d’honnêteté intellectuelle. Leur qualité humaine indéniable est fondée sur le respect des autres.

À la fois penseurs, défricheurs et éclaireurs, les quinze personnalités d’exception, choisies par Pascal Boniface, ne transigent ni avec la vérité ni avec leurs convictions même et surtout s’il faut aller à contre-courant. Pour eux, la fin ne justifie pas les moyens, la cause qu’ils défendent est plus importante que leur personne. Ils sont prêts à prendre des risques pour ce qu’ils pensent être juste et refusent de suivre les modes.

Organisé en une série de portraits suivis de longs entretiens, Les Intellectuels intègres offre une réflexion sur la place et le rôle des intellectuels dans notre pays à travers le parcours et le témoignage de Stéphane Hessel, Jean Baubérot, Esther Benbassa, Rony Brauman, Régis Debray, Alfred Grosser, Olivier Mongin, Edgar Morin, Emmanuel Todd, Tzvetan Todorov, Jean-Christophe Victor, Michel Wieviorka, Catherine Wihtol de Wenden, Dominique Wolton et Jean Ziegler.

Extraits des Intellectuels intègres, de Pascal Boniface (JC Gawsewitch Éditeur)

Pascal Boniface : Vous avez, pendant la campagne électorale, pris parti pour François Hollande, que vous avez rencontré. Est-ce que vous avez évoqué ce sujet avec lui ?

Stéphane Hessel : Malheureusement pas assez et je me le reproche. J’ai demandé à plusieurs reprises, par l’intermédiaire de quelqu’un que j’aime beaucoup et qui travaille auprès de lui, Sylvie Hubac, de pouvoir reprendre le problème palestinien avec lui. Ce qu’il en dit est à mon avis encore trop peu ferme : « Bien sûr qu’il faut arriver à une solution, il faut les deux États. » Il dit cela comme tout le monde le dit mais il ne parle pas de pressions. Je pense que ni lui, ni malheureusement Fabius, qui a des qualités que je reconnais, ne sont encore assez fermes à l’égard d’Israël. Exemple : nous avons, nous Européens, des accords commerciaux dans lesquels figurent une clause selon laquelle les droits de l’homme doivent être respectés.

[image:2,s]Pourquoi n’avons-nous pas profité de cette clause pour au moins dire à Israël de se montrer plus flexible à l’égard de leurs partenaires, autrement nous pourrions faire jouer la clause des droits de l’homme ? Non, on ne le fait pas. Je me suis par ailleurs engagé fermement pour la victoire de François Hollande. J’avais plus de sympathie pour Martine Aubry, mais quand la primaire a eu lieu, j’ai considéré que c’était une bonne chose, je me suis donc dit : « maintenant on soutient François Hollande ». Joffrin m’a très gentiment demandé de venir à une première rencontre à Nantes avec François Hollande, là j’ai surtout insisté sur ce que nous avons en commun avec Pierre Larrouturou, c’est-à-dire Roosevelt 2012 et à lui dire « allez-y carrément, souvenez-vous que Roosevelt, en l’espace de quelques mois, a vraiment transformé l’économie américaine, il faut que vous soyez aussi courageux que lui. »

À part cela, non, je n’ai pas eu beaucoup de contacts. J’ai même été amené – et je n’en ai pas mauvaise conscience – à soutenir dans les élections régionales le nouveau groupe Europe écologie-Les Verts, car il y avait à la tête de la liste parisienne un homme pour lequel j’ai énormément d’amitié et d’affection qui est Robert Lion. J’ai d’abord considéré qu’il faisait un boulot formidable avec Agrisud, très belle organisation, et quand il m’a proposé de figurer sur sa liste en dernière position, c’est-à-dire non éligible, j’ai accepté avec plaisir. Je pense en effet que la composante verte de la gauche, et peut-être pour l’Europe en générale, pour l’Allemagne par exemple, la combinaison SPD-Grün et en France Socialiste-Europe écologie, pourrait devenir majoritaire en Europe.

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Pascal Boniface est directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut d’études européennes de l’université Paris VIII. Il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages sur les relations internationales. Il a publié aux mêmes éditions Les Intellectuels faussaires qui lui a valu un grand succès auprès du public et quelques solides inimitiés dans le milieu médiatique.

Depuis la parution, en octobre 2010, d’Indignez-vous ! (Indigène Editions), Stéphane Hessel a publié : Engagez-vous ! (avec Gilles Vanderpooten ; éditions de l’Aube) ; Résistances, Pour une Birmanie libre (avec Aung San Suu Kyi ; Don Quichotte éditions) ; Le Chemin de l’espérance (avec Edgar Morin ; Fayard) ; Tous comptes faits, ou presque (Libella, Maren Sell). Stéphane Hessel est mort le 27 février 2013.

Les intellectuels intègres, JC Gawsewitch Éditeur (7 mai 2013)

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