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Suicide de Dominique Venner: attention aux amalgames…

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Curieuses réactions que celles de la presse et des personnalités politiques au lendemain du suicide de l’essayiste et historien Dominique Venner, devant l’autel de Notre-Dame de Paris. Entre hommage et mépris, comment interpréter un geste d’une violence inouïe et dont la portée politique et symbolique risque d’être mal comprise. Qui était cet homme et comment en est-il arrivé là ?

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Mardi 21 mai, vers 17 heures, on apprenait le suicide d’un homme devant l’autel de Notre-Dame de Paris. Acte de folie, acte désespéré ? Quelques minutes plus tard, les informations devenaient plus précises : il s’agissait de l’essayiste et historien Dominique Venner, fondateur, en 2002, de La Nouvelle Revue d’histoire et auteur de nombreux livres dont Baltikum, sur les corps francs allemands des années 1920, ou Les Blancs et les Rouges, histoire de la guerre civile russe de 1917-1921.

Un suicide à cause du mariage homosexuel ?

Avant de se donner la mort à Notre-Dame de Paris, Dominique Venner a fait parvenir une lettre à Robert Ménard, fondateur du site d’information Boulevard Voltaire qui n’a pas hésité à la publier. « Je suis sain de corps et d’esprit », écrit-il. « Au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable ».

« Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire », explique-t-il plus loin. La légalisation du mariage gay serait-elle donc à l’origine de son geste ? Pour lui le problème était beaucoup plus vaste.

« Les manifestants du 26 mai ne peuvent ignorer cette réalité », avait-il publié sur son site, le jour-même. « Leur combat ne peut se limiter au refus du mariage gay. Le « grand remplacement » de population de la France et de l’Europe, dénoncé par l’écrivain Renaud Camus, est un péril autrement catastrophique pour l’avenir. » On y voyait là une dénonciation beaucoup plus globale.

Un acte profondément anti-chrétien

« S’il espérait que cela produise les mêmes effets que le Tunisien qui s’était immolé par le feu en 2011, j’ai peur pour lui que, cette fois, l’on en reste à l’état de sidération », a lancé Alexis Corbière, conseiller de Paris proche de Jean-Luc Mélenchon. Alors que certains ont vu dans ce suicide le fait d’un catholique intégriste qui cherchait le martyre pour servir la cause du mariage traditionnel, il est important de rappeler certains éléments. La première chose étant que Dominique Venner n’était pas chrétien mais un païen qui combattait justement le christianisme.

« J’ai eu l’occasion, voilà déjà une quinzaine d’années, de rencontrer Dominique Venner, de discuter avec lui, d’essayer de comprendre l’antichristianisme militant de cet historien qui était à la fois si froid et si passionné », explique l’Abbé Guillaume de Tanoüarn, ancien prêtre de la Fraternité ST Pie X – fondée en 1970 par l’évêque intégriste Mgr Marcel Lefebvre – et connu pour ses amitiés dans les milieux d’extrême droite. « Dominique Venner n’a pas voulu s’en remettre à Dieu à sa dernière seconde, il ne pouvait pas faire ce sacrifice : il a souhaité la choisir. » 

L’Eglise catholique condamne fermement le suicide, comme le judaïsme et l’islam. Et Dominique Venner le savait très bien. Dans sa dernière lettre, il écrit : « Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales », une citation qui fait référence à des croyances bien antérieures au christianisme.

Un geste avant tout politique

« Je ne crois pas que l’on puisse lier son suicide à cette affaire de mariage, cela va bien au-delà », a par ailleurs déclaré à l’AFP son éditeur Pierre-Guillaume de Roux. C’était un « spécialiste des armes à feu », sur lesquelles il avait écrit une encyclopédie en onze volumes. Pierre-Guillaume de Roux a expliqué avoir eu l’auteur au téléphone la veille de sa mort, pour parler de son prochain ouvrage à paraître en juin, Un samouraï d’Occident, le bréviaire des Insoumis. Pour lui, le suicide de Dominique Venner revêt donc « une puissance symbolique extrêmement forte qui le rapproche de Mishima », un écrivain japonais qui s’était suicidé en 1970, pour des raisons politiques.

Un avis partagé par la présidente du Front national qui a réagi sur Twitter. Elle exprime son « respect » envers Dominique Venner, voyant dans son geste « éminemment politique » une tentative de « réveiller le peuple de France ». Et d’ajouter : « Il n’en demeure pas moins que c’est dans la vie et l’espérance que la France se redressera et se sauvera ».

Entre respect et mépris, il faut avant tout raison garder et avoir la pudeur de commenter les drames humains avec modération. Il voulait faire de sa mort un acte politique, on espère qu’il ne réveillera pas, par son geste, la conscience de jeunes déboussolés qui iraient faire de lui un exemple, un modèle à imiter.

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