Site icon La Revue Internationale

Avant la coupe du Monde de 2014, le Brésil fait le ménage

[image:1,l]

JOL Press : Dans un an, le Brésil sera au centre du monde, comment se prépare le pays ?

Hervé Théry : L’atmosphère est fébrile un peu partout. Quand on circule dans les aéroports ou ailleurs, une phrase revient à chaque anicroche : « Qu’est-ce-que ce sera durant la Coupe ? » C’est une constante, car dans le génie national brésilien on favorise plus l’improvisation de dernière minute que le travail à long terme.

 
JOL Press : Un mouvement s’est même lancé, « Imagine pendant la Coupe du Monde ! » On y apercevoit les locaux redoutant l’amplification de leurs tracas quotidiens durant l’évènement.

Hervé Théry : Oui, « Imagina na Copa » en portugais. La population pense que le Brésil n’est pas encore prêt pour l’évènement. C’est d’ailleurs un peu ce que disent les chiffres officiels. Depuis 40 ans que je fréquente le Brésil, j’ai toujours vu les choses se faire au dernier instant. Mais ça marche ! Même si les gens impliqués dans la planification doivent un peu s’arracher les cheveux.

 
JOL Press : On réduit souvent le Brésil à la violence, en pointant notamment du doigt les favelas. Comment sera assurée la sécurité des milliers de voyageurs, qui viendront du monde entier ?

Hervé Théry : Il y a eu plusieurs campagnes de rétablissement de l’ordre dans les favelas ces trois dernières années – novembre 2010 et 2011 à Rio. Il y en aura probablement une nouvelle cette année. A ces occasions, il y avait eu une sorte de trêve avec les trafiquants de drogues. Cette fois-ci le gouvernement fédéral et le gouvernement de l’Etat de Rio ont vraiment mis le paquet pour contrôler physiquement les favelas, très proches des lieux de circulation des touristes. On parle là d’opérations militaires.

Lors du premier assaut, en 2010, il y a eu près de quarante morts tout de même. Les trafiquants n’y croyaient pas pourtant l’armée a frappé fort. C’était l’intervention la plus marquante, il fallait reconquérir ces territoires perchés. Je pense que dans toute la zone olympique de Rio et ses environs seront nettoyés. Mais la Coupe du Monde se jouera dans douze villes. C’est difficile même si les problèmes y sont moins prononcés.

 
JOL Press : Pourriez-vous expliquer le terme « nettoyé » ?

Hervé Théry : Cela veut dire que des « unités pacificatrices » ont été installées, à savoir la police et l’armée. Elles sont destinées à reconquérir les zones sensibles et offrir une sécurité aux habitants. Mais les trafics de drogues n’ont pas été interrompus. Les narcotrafiquants – qui faisaient figure d’autorité dans les favelas – ne s’occupent plus que du trafic de drogue. La police et l’administration reprennent le contrôle de ces quartiers qui représentent tout de même un quart de la ville de Rio.

Par exemple, avant, quand des choses ne plaisaient pas aux trafiquants, ils obligeaient tous les commerces à faire tirer les rideaux. Ils décrétaient un véritable blocus. Maintenant cela ne se passe plus ainsi. La police et l’armée sont là, les services sociaux sont revenus, un certain nombre d’entreprises se sont installées. C’est le retour à un état de droit.

 
JOL Press : Cela ne devrait donc pas altérer le déroulement des compétitions et la sécurité des visiteurs ?

Hervé Théry : Les précédents rassemblements se sont très bien passés, notamment en 2011 avec les Jeux panaméricains, ou encore le sommet de la Terre à Rio en 1992. Le gouvernement faisait des accords avec les trafiquants pour qu’il n’y ait pas de problèmes auprès des touristes. Pourtant, dans des villes qui comptent des millions d’habitants, il y a toujours des risques d’agression ou de délinquance.

 
JOL Press : Quid des inégalités du logement avec toutes ces constructions ?

Hervé Théry : Pour le moment, les chantiers sont vraiment tournés vers les stades et leurs environs. Il n’y a pas encore d’opérations immobilières d’accompagnement. Mais c’est ce qui s’est passé en France aussi, avec la Coupe du Monde 1998, on a construit le Stade de France et ce n’est que les années suivantes que le quartier tout autour à Saint-Denis s’est développé. Cela permet une restructuration urbaine.

Toutefois le Brésil n’est pas un pays où brillent les Droits de l’homme. Quand il y a un chantier à faire, on passe un coup de bulldozer et c’est tout.

 
JOL Press : Que retenir des effets de ces nominations ?

Hervé Théry : Une accélération de la réalisation des infrastructures : métros, égouts et stades bien sûr.  Cela donne un énorme coup d’accélérateur qui va bénéficier à tout le pays. La corruption va également s’accélérer car, sur les grands chantiers, il y a beaucoup de distribution d’argent.

La Coupe du Monde se déroule dans 12 villes, plutôt que 6, par conséquent, les effets seront vraiment répartis entre les villes. Et puis toute l’attention mondiale et médiatique sera tournée vers le Brésil.

Propos recueillis par Nicolas Conter pour JOL Press

Quitter la version mobile