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Dialogue social: comment éviter les situations de blocage?

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Au programme de la deuxième conférence sociale du quinquennat de François Hollande : la lutte contre le chômage et le lancement de deux négociations phares sur la formation professionnelle et les retraites. Si le Chef de l’Etat avait invité dimanche sur M6 les partenaires sociaux à dire leurs « préférences » mais aussi « leurs tabous et leurs interdits », il sait aussi que les retraites devront être réformées et que le bras de fer avec les partenaires sociaux ne fait que commencer.

Le numéro un de la CGT Thierry Lepaon a d’ores et déjà refusé toutes les pistes du rapport Moreau et est parti à l’offensive appelant à mobilisation en septembre : « Nous n’accepterons pas une remise en cause des droits à la retraite », a-t-il lancé.

Comment, malgré ces réticences, établir un bon dialogue social ? Eléments de réponses avec Patrice Laroche, auteur de Gérer les relations avec les partenaires sociaux (Dunod). Entretien.

JOL Press : Qu’est-ce qu’une « concertation réussie » selon les mots de Jean-Marc Ayrault ?
 

Patrice Laroche : On peut penser qu’il s’agit pour Jean-Marc Ayrault de faire passer une nouvelle réforme des retraites en faisant en sorte que chacun ait pu exprimer ses opinions, donner son point de vue afin d’aboutir à une réforme dont l’acceptation sociale est partagée par le plus grand nombre.  

JOL Press : Quels sont les outils indispensables pour un bon dialogue social ?
 

Patrice Laroche : Afin de favoriser les conditions d’un dialogue social constructif, il est primordial de commencer par expliquer l’objet de la négociation et ses enjeux, de présenter des règles de procédures claires et de bien identifier les intérêts des acteurs concernés, car ceux-ci sont forcément divergents. Plutôt que d’outils, il convient surtout d’établir des relations fondées sur la reconnaissance et le respect mutuel, d’adopter une attitude d’ouverture… Autant de caractéristiques qui font souvent défaut aux partenaires sociaux en France.

JOL Press : Quelles ont été, dans l’histoire, les concertations sociales réussies ? Quelques exemples…
 

Patrice Laroche : Plusieurs concertations sociales après la Seconde guerre mondiale, sur la mise en place du système de protection sociale, de l’UNEDIC, du SMIG, peuvent être considérées comme réussies puisqu’elles ont fait l’objet d’un certain consensus entre les partenaires sociaux (les organisations patronales n’étaient toutefois pas aussi fortes qu’aujourd’hui). Finalement, il y a eu très peu de concertations sociales réussies en France notamment en raison du manque de dialogue entre les partenaires sociaux qui restent encore trop souvent sur des positions antagonistes et qui n’ont pas la culture du compromis à l’instar des pays scandinaves par exemple.

[image:2,s]JOL Press : Avez-vous constaté un renouveau du dialogue social depuis l’arrivée de la nouvelle majorité ?
 

Patrice Laroche : Je ne pense pas que l’on puisse parler de renouveau du dialogue social avec l’arrivée de la nouvelle majorité. Il faut se rappeler que le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été lui aussi marqué par une volonté d’associer les partenaires sociaux aux grandes réformes sociales qu’envisageait le gouvernement. Or, très rapidement, faute d’accord avec les organisations syndicales, le gouvernement Fillon a préféré reprendre la main sur les dossiers sociaux et imposer des réformes sans l’accord des principaux syndicats représentatifs, notamment lors de la réforme des retraites de 2010.

Aujourd’hui, le gouvernement Ayrault se veut à l’écoute des partenaires sociaux et souhaite maintenir le dialogue social afin de ne pas réitérer l’erreur du gouvernement précédent. Le gouvernement bénéficie à cet égard d’une plus grande complaisance de la part des organisations syndicales tant que l’on n’aborde pas les sujets qui fâchent. Or, les discussions sur les retraites qui vont s’engager prochainement risquent d’être difficiles pour le gouvernement Ayrault, la CGT ayant déjà fait savoir qu’elle ne comptait pas revenir sur certains avantages acquis.

JOL Press : La clé d’une concertation réussie ne serait-elle pas avant tout un travail de communication ?
 

Patrice Laroche : Une concertation réussie nécessite un véritable travail de communication afin de clarifier les enjeux de la négociation et éviter les situations de blocages; mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi faire en sorte qu’aucune des parties en présence ne se sente lésé dans les changements qui vont être discutés. Dans le contexte français, il faut plus particulièrement rassurer les organisations syndicales de salariés sur leur capacité à négocier de manière équilibrée avec les organisations patronales. Il s’agit là aussi de faire de la communication pour éviter tout blocage dans les discussions.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Docteur en sciences de gestion, Patrice Laroche est professeur à l’Université Nancy 2 (co-responsable du Master Ressources humaines) et a enseigné dans de nombreuses institutions : Montpellier 1, Metz, Strasbourg, Paris I, ICN-Ecole de Management. Il est spécialiste des relations sociales dans l’entreprise et a exercé plusieurs missions de consultant au sein du cabinet d’expertise-comptable Secafi-Alpha (mandaté par les CE).

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