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En Pologne, la lutte contre le gaz de schiste continue

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L’histoire commence un matin d’hiver 2012, lorsque des machines du géant américain de l’énergie Chevron entrent sans permission dans un champ de la petite commune de Zurawlow, dans l’est polonais. Après d’intenses discussions entre les agriculteurs et les représentants de Chevron, les bulldozers repartent.

Pour renvoyer les bulldozers, les fermiers ont fait valoir la protection de la ponte des oiseaux qui a lieu à cette période de l’année. Mais Chevron promet de revenir au mois de juin, dès la fin de la trêve.

Au nom de la sécurité énergétique…

Deux ans auparavant, alors que la polémique sur les dangers liés au gaz de schiste commençait à enfler dans d’autres pays européens, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, déclare que la Pologne est déterminée à exploiter cette ressource énergétique.

« Nous sommes déterminés à ce que les recherches et l’exploitation du gaz de schiste deviennent un fait », avait-il indiqué lors d’une conférence à Varsovie. Cette perspective s’inscrivait, d’après lui, « dans la stratégie de la sécurité énergétique de l’ensemble de l’Europe, donc de la Pologne. »

La Pologne, un puits sans fond ?

Selon un rapport publié le 10 juin par l’Agence gouvernementale américaine de l’énergie (EIA), plus de la moitié des ressources mondiales de pétrole et gaz de schiste se trouvent actuellement concentrées en Russie, aux États-Unis, en Chine, en Argentine et en Libye, et « plusieurs nations ont commencé à évaluer et à tester l’exploitation potentielle » de ces ressources, dont la Pologne « qui a distribué des concessions en vue de prospection et a foré 43 puits d’essais en avril 2013 », explique l’EIA.

Toujours selon le rapport, le pays détiendrait 4,19 milliards de mètres cubes de réserves de gaz de schiste. Dans sa lutte contre la dépendance vis-à-vis du pétrole russe, la Pologne a donc dit « oui » au gaz de schiste. Une opportunité de taille pour l’américain Chevron, qui a investi massivement pour commencer l’exploration du gaz de schiste polonais.

À Zurawlow, l’eau potable ne l’est plus

Pourtant, l’exploitation est loin de faire l’unanimité. Si certains y voient une manne économique de poids et un moyen d’assurer à la Pologne son indépendance énergétique, d’autres dénoncent le manque d’informations sur les risques potentiels de la fracturation hydraulique et de l’extraction du gaz de schiste.

Associations environnementales et agriculteurs ont ainsi repris le combat contre l’installation de Chevron sur leurs terres, dénonçant notamment les anomalies constatées depuis le début des travaux de fracturation. Selon plusieurs habitants de Zurawlow, l’eau courante aurait pris une teinte anormalement foncée et serait devenue non potable.

La malédiction du gaz de schiste

Dans un documentaire diffusé en janvier sur Arte après la première vague de mobilisation des agriculteurs polonais, le réalisateur Lech Kowalski, britannique d’origine polonaise, a filmé le combat contre le gaz de schiste dans un documentaire : La malédiction du gaz de schiste.

Loin du mythe souvent relayé par les médias polonais de la Pologne qui serait le « Koweït du gaz de schiste » en Europe, le réalisateur montre une réalité bien différente. Bien décidé à ne pas lâcher l’affaire, Lech Kowalski a décidé en juin de retourner à Zurawlow, d’où il « tweete » très régulièrement sur la situation. 

« Ne fracturez pas Zurawlow ! »

Des centaines de personnes occupent actuellement le terrain, avec les mots d’ordre « Occupy Chevron » ou « Don’t frack Zurawlow » (« Ne fracturez pas Zurawlow »). « « Occupy Chevron » va au-delà de la question de la fracturation, il s’agit de multinationales qui imposent un certain mode de vie aux citoyens. Les fermiers veulent que le monde sache cela », a récemment déclaré le réalisateur sur Twitter. 

Dans une lettre publiée sur son site, l’écologiste européen José Bové, qui s’était déjà rendu à Zurawlow il y a deux ans, a apporté son soutien aux paysans : « Tous les militants européens anti-fracking vous regardent et vous soutiennent aujourd’hui. Votre lutte est le symbole de la résistance contre une des plus dangereuses entreprises de lobbying pro-gaz de schiste ». 

Une caméra branchée 24h sur 24 sur le terrain occupé a même été mise en place. Aux dernières nouvelles, l’occupation continue.

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