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France-Japon: après la visite de Hollande, des conseils à l’export

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Laurence Ghamlouche-Verdière est experte ès-Japon au sein du service international de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Ile-de-France. Noriko Carpentier-Tominaga s’occupe du Centre d’échange franco-japonais. Ces deux structures sont au service des entreprises franciliennes tentées par l’aventure nippone. Leurs conseils.

JOL Press : Le marché japonais est-il un marché important pour les entreprises françaises et franciliennes ?

Laurence Ghamlouche-Verdiere : C’est effectivement un marché important pour les entreprises innovantes, pour le secteur de la création, la mode, le design.

JOL Press : Diriez-vous que l’intérêt des entreprises franciliennes pour le marché japonais est un phénomène en croissance ?

Laurence Ghamlouche-Verdiere : C’est un marché pour lequel les entreprises franciliennes ont toujours fait preuve d’intérêt. Le tsunami catastrophique de 2011 a évidemment eu un impact considérable sur cette activité. Les entreprises se sont rabattues sur d’autres marchés mais cela a été très momentané en raison du rebond auquel on a pu assister au Japon, et les entreprises l’ont constaté.

Compte tenu de la crise en Europe, les PME-TPE se dirige davantage vers du grand export et le marché japonais est un marché très attractif, assurément. Le potentiel y est fort, c’est un marché très mature et les Japonais ont un fort pouvoir d’achat. Ils sont intéressés par tout ce qui est innovant – toutes les nouvelles tendances du moment – et recherchent la qualité.

Pour les entreprises qui travaillent depuis longtemps avec le Japon, cela n’a pas changé grand-chose. Ces entreprises savent bien que la fidélisation et la collaboration sur le long terme sont primordiales quand on travaille avec les Japonais. Lorsqu’une relation est établie, elle est durable.

Noriko Carpentier-Tominaga : La catastrophe de 2011 a permis de développer les relations en matière énergétique et nucléaire. Le marché des énergies renouvelables est également porteur ainsi que toutes les problématiques liées aux économies d’énergie, les smart grids, les smart cities

Enfin, la démographie japonaise, son évolution, le vieillissement de la population, offrent de nouvelles opportunités aux entreprises françaises. Les Japonais ont un pouvoir d’achat élevé, en particulier au-delà de 50 ou 60 ans. Les Japonais prennent grand soin de leurs santés – c’est pourquoi ils vivent vieux – et ils sont demandeurs de services aux personnes âgés. Le marché des séniors est en plein développement – cela va des services de soin aux services de loisirs et jusqu’au tourisme.

JOL Press : Ce marché japonais, tel que vous le décrivez, est-il plutôt réservé aux grandes entreprises ou bien y a-t-il aussi des opportunités à saisir pour les petites entreprises, voire très petites entreprises ?

Laurence Ghamlouche-Verdiere : Il y a un peu plus de 450 entreprises françaises implantées au Japon, et toutes les grandes entreprises y sont. Il est évident que toutes les grandes entreprises y sont car c’est lourd de s’implanter aussi loin – et même pour y exporter il faut bénéficier d’une solide organisation. Tout se passe par partenariat, il faut un partenaire, un importateur-distributeur. Cela ne se passe pas comme ça.

Pourtant, il existe de nombreuses niches pour les PME mais c’est un marché complexe, de long terme. Et, à une époque où on recherche un retour sur investissement rapide, c’est un élément à prendre en compte. En tout cas, si on s’y investit – et ce n’est pas qu’un investissement financier mais aussi un investissement en temps et en homme -, c’est possible. Alors, le retour sur investissement peut être considérable.

JOL Press : De manière très concrète, comment établit-on la confiance avec des aprtenaires japonais lorsqu’on est un entrepreneur français ?

Laurence Ghamlouche-Verdiere : La confiance s’obtient par la qualité de la démarche. Il faut bien se préparer, être en mesure de comprendre un minimum les codes culturels pour adapter sa stratégie sans, pour autant, dénaturer ce que l’on est. Il ne faut pas faire de gaffe et s’adapter au Japon en termes de marketing et de packaging. Le Japon est, en la matière, une école d’excellence.

Il faut être accompagné. Si on y va tout seul, cela ne marche pas. Les Japonais apprécient de savoir que des autorités françaises accompagnent leurs potentiels partenaires. C’est un gage de sécurité essentiel lors de la première mission commerciale de prospection, en particulier. Et ensuite, il faut que les structures comme les nôtres les accompagnent jusqu’à ce qu’une relation étroite soit établie, qu’il y ait les bons interlocuteurs – notamment ceux qui parlent correctement anglais… Ensuite, l’entreprise prend son envol.

JOL Press : Justement, d’un point de vue culturel, est-ce que c’est facile à comprendre un entrepreneur français pour un Japonais ?

Noriko Carpentier-Tominaga : Il faut accepter qu’il y ait des différences et les respecter. Les efforts doivent être réciproques. Les Japonais aiment, par nature, être rassurés.

Par exemple, les entrepreneurs français doivent respecter les engagements qu’ils prennent. Si l’entreprise française ne peut pas répondre immédiatement à une question, il convient qu’elle s’engage sur une date de réponse et, surtout, s’y tienne.

Les différences linguistiques demeurent toujours quoi que l’on fasse. Il faut l’accepter, le prendre en compte. L’interprétation des expressions doivent être précise : si un Japonais dit « oui », cela ne veut pas dire qu’il va agir tout de suite, mais plutôt qu’il va entamer la mise en œuvre de l’engagement pris, et qu’il est d’accord avec vous. Leur « Oui » signifie « Je vous ai compris ».

Cela aide aussi de pouvoir maitriser quelques mots de la langue de l’autre.

JOL Press : Les échanges se font sans difficultés en anglais ?

Noriko Carpentier-Tominaga : Oui, pour l’essentiel, ou avec un interprète.

Laurence Ghamlouche-Verdiere : Ensuite, lorsqu’une relation est bien établie, les Japonais – surtout dans les grandes entreprises – maitrisent l’anglais. Mais, pour les premiers rendez-vous, on conseille toujours une interprète pour dépasser la barrière de la langue mais aussi la barrière culturelle. Une interprète pourra décrypter les gestes, les non-dits…

JOL Press : Comment un entrepreneur français arrive-t-il sur le marché japonais ? Directement ou après avoir déjà fait « escale » dans d’autres marchés extrême-orientaux ?

Laurence Ghamlouche-Verdiere : Les marchés d’Asie peuvent être des marchés de transit vers le Japon. Mais non pensez, pour notre part, que le Japon peut être une plate-forme vers les autres marchés d’Extrême-Orient.

Si une entreprise innovante, qui donne la priorité à la R&D, se trouve un partenariat japonais, elle est alors assurée de se retrouver bien placée sur les marchés de fabrication que sont la Chine ou la Corée.

Au Japon, on est dans un pays sûr, solvable.

JOL Press : Quels sont les services que vous proposez, concrètement, aux entreprises pour les appuyer dans leur volonté d’implantation sur le marché japonais ?

Laurence Ghamlouche-Verdiere : Du côté de la CCIDF, nous accompagnons les entreprises candidates à l’exportation vers le Japon par des séminaires généraux puis plus techniques – sur les questions douanières, juridiques, etc. – en vue de la définition d’une stratégie, d’un plan d’action. J’organise aussi des séminaires interculturels.

Ensuite, lorsque les entreprises sont prêtes, on les emmène dans des missions collectives ou individuelles à la conquête du marché, à la rencontre de leurs potentiels partenaires. On leur organise des rendez-vous, une semaine de rendez-vous ciblés avec nos structures correspondantes sur place.

Enfin, il y a le suivi de la mission, un problème souvent. Sur place, c’est formidable et puis, au retour, on réalise la quantité de travail nécessaire – et c’est là le point faible.

Noriko Carpentier-Tominaga : Le Comité d’Échange Franco-japonais a pour objectif de faciliter la compréhension, préalable à la coopération entre entreprises françaises et japonaises. Nous avons été créés par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris il y a 15 ans.

Nous facilitons les relations entre Français et Japonais mais aussi entre acteurs de différents secteurs, privés ou publics.

Nous œuvrons à une meilleure compréhension entre des individus de cultures différentes. Nous sommes des décodeurs.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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