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Génération Y: quand ils seront parents…

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JOL Press : En quelques mots, comment définiriez-vous la génération Y ?
 

Olivier Rollot : Avant tout, elle est hyper-connectée, c’est sa caractéristique principale. Ses membres ont souvent connu le divorce de leurs parents et appartiennent, pour beaucoup, à des familles recomposées. Ils viennent aussi de familles qui ont connu le chômage et ont donc une approche de la précarité assez particulière par rapport aux autres générations.

Sinon elle connaît le monde, voyage beaucoup et reste, malgré tout, assez confiante dans son avenir. C’est le portrait d’une génération qui a des problèmes, comme toutes les générations, mais qui sait qu’elle a des problèmes et qui les envisage différemment.

Alors, on dit qu’ils sont narcissiques, qu’ils ne pensent qu’à eux, qu’ils se mettent en avant, qu’ils bloguent, qu’ils ramènent tout à eux… mais ils le font avec une grande solidarité, tous ensemble.

C’est une génération qui sait travailler en équipe, qui sait prendre les devants quand c’est intéressant pour elle, mais qui sait aussi passer le relais quand c’est nécessaire.

JOL Press : Quelles autres générations la génération Y fréquente-t-elle au quotidien ?
 

Olivier Rollot : Il y a toujours les Baby-boomers et les Soixante-huitards qui sont vivants, mais elle fréquente davantage la génération qui la précède directement, qu’on a appelée X, c’est-à-dire ceux qui ont aujourd’hui entre 35 et 55 ans. Ces personnes de la génération X ont une approche du monde qui est très différente : elles acceptent beaucoup plus les coutumes, la hiérarchie et se trouvent remises en question dans leurs façons de faire par les plus jeunes.

Sans vouloir être négatif sur la génération plus âgée, elle a parfois du mal à percevoir ce qu’est devenu le monde, et c’est sans doute l’un des éléments de fracture les plus importants entre les deux générations.

JOL Press : Entretient-elle de bonnes relations avec cette génération précédente, dans la famille ou l’entreprise ?
 

Olivier Rollot : Il me semble que, dans la famille, on n’a jamais eu des générations qui s’entendaient aussi bien. Les parents et les enfants d’aujourd’hui vivent dans une symbiose qu’on n’a jamais connue, notamment parce qu’avec mai 68 et le mouvement de François Dolto, tous les parents font très attention à élever leurs enfants dans un grand respect, à faire en sorte qu’ils aient tous les atouts pour réussir.

Ça se passe beaucoup moins bien dans l’entreprise : ces mêmes parents supportent moins bien que ces enfants, qui ne sont pas les leurs mais ont été élevés comme les leurs, remettent en cause des hiérarchies auxquelles ils sont finalement très attachées. La génération Y veut en effet comprendre pourquoi on lui demande d’effectuer des tâches et refuse souvent d’appliquer bêtement les consignes, d’où certaines incompréhensions.

JOL Press : On parle déjà de la génération Z ou C, qui succèdera à la génération Y. Peut-on déjà lui trouver quelques caractéristiques ?
 

Olivier Rollot : Disons que, pour l’instant, ils ont une dizaine d’années, donc c’est assez compliqué. Le fait est qu’ils sont nés avec Internet, voire avec les tablettes tactiles depuis trois ou quatre ans, donc ils seront forcément différents.

Une tendance qui pourrait se dégager est le renforcement d’une nouvelle façon de travailler, à travers, par exemple, un travail bien plus communautaire, dans lequel chacun amène sa pierre à l’édifice. Je pense que c’est le grand bouleversement des années à venir.

Ces générations suivantes seront aussi probablement plus aptes à parler et à échanger avec des profils de plus en plus différents, dans des langues différentes, sur des sujets différents…

JOL Press : Les générations Y et Z s’entendront-elles bien ?
 

Olivier Rollot : Selon moi, il y aura tout de même une énorme différence : je pense que les Y ne sont qu’une génération de transition ; Ils ne sont pas nés avec Internet, ils l’ont acquis. Donc les suivants qui sont nés avec vont considérer les Y comme des ringards ! On considère toujours les plus âgés comme des ringards, je ne vois pourquoi il en serait autrement.

JOL Press : A-t-on une idée de ce à quoi ressemblera la génération qui sera éduquée par la génération Y ?
 

Olivier Rollot : J’ai le sentiment qu’ils seront plus dirigistes et, peut-être, moins laxistes que n’ont pu l’être leurs parents. Il y a quelques années – et encore aujourd’hui – beaucoup considéraient que l’éducation était le leg le plus important qu’on pouvait laisser à ses enfants.

Cela a généré une pression assez forte sur ces enfants Y, avec l’idée que la réussite scolaire amène la réussite sociale. Il y a tellement peu de travail qu’on a le sentiment que ceux qui vont réussir seront la petite minorité de jeunes qui auront fait des grandes études.

On perçoit donc une génération de parents très angoissés vis-à-vis du marché de l’emploi pour leurs propres enfants, peut-être plus encore que la génération précédente. C’est le paradoxe du retour de ces codes de réussite : eux-mêmes élevés dans la crise, les nouveaux parents ne cherchent plus l’épanouissement de leurs enfants, mais peut-être davantage leur réussite.

Mais, encore une fois, c’est une perception, il est très difficile de savoir.

Propos recueillis par Antonin Marot pour JOL Press

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