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Les Brésiliens prévoient de redescendre en masse dans la rue

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Les manifestants brésiliens sont déterminés à ne pas mettre un terme au mouvement initié en début de semaine. Après les fortes mobilisations de lundi, mardi et mercredi, de nouvelles manifestations sont attendues jeudi, une journée qui pourrait s’avérer particulièrement sensible si les 30 000 personnes ayant signalé leur présence sur Facebook descendent effectivement dans la rue.

Nouvelles manifestations dans tout le pays

Plusieurs villes devraient être visées par ces manifestations et à Rio de Janeiro, la manifestation se déroulera durant le match Espagne-Tahiti, qui compte pour la Coupe des Confédérations.

A un an du mondial 2014, la population brésilienne compte bien défendre avec fermeté ses revendications. Le football, généralement fédérateur dans le pays, est devenu source de tensions.

Car en toile de fond de ces manifestations soudaines, on retrouve l’organisation de cette Coupe du monde qui polarise les Brésiliens.

Trop de dépenses, s’exclament-ils dans la rue. Alors que de gigantesques stades sont construits pour accueillir les centaines de milliers de touristes l’été prochain, le gouvernement vient d’annoncer la hausse du prix des billets de transports en commun.

Une injustice pour de nombreux membres des classes moyennes brésiliennes pour qui les transports représentent le troisième poste budgétaire mensuel.

Une crise inédite

Si tous les éléments semblent réunis pour conduire à une crise sociale, les observateurs ne cessent pourtant pas de s’étonner de ce soulèvement soudain.

Interrogé dans Le Figaro, Stéphane Witkowski, président du conseil de gestion de l’Institut des hautes études d’Amérique latine explique que « l’ampleur du mouvement » est pour le moins « inattendue, pour les observateurs comme pour les autorités brésiliennes ».

« Les manifestations de rue sont rares au Brésil », explique-t-il. « Les violences sont également inhabituelles. D’autant que les manifestants se sont proclamés non violents. Le Brésil a une tradition pacifique, sans épisodes révolutionnaires. »

Une puissance qui a grandi trop vite

Pour ce spécialiste répondant aux questions du Figaro, « cette hausse du prix des transports a servi de révélateur du malaise de toute une classe moyenne. »

Si le Brésil est désormais la sixième puissance mondiale, forte d’une croissance régulière de 5% et où le taux de chômage est également bas, la classe moyenne, hier pauvre, se sent aujourd’hui écartée de la richesse de son pays.

« Au fond, ce qui se passe aujourd’hui, c’est un peu le revers de la médaille, le prix à payer de la croissance », explique encore Stéphane Witkowski.

« Le développement économique du pays a permis ces dernières années à trente millions de Brésiliens de sortir de la grande pauvreté pour intégrer la classe moyenne. Et cette classe moyenne, qui joue un rôle important dans les villes, exprime ses frustrations, ses revendications en matière de pouvoir d’achat, de transports, de logement, d’infrastructures insuffisantes, etc. »

Quel avenir pour ce « printemps tropical » ?

Mais ce n’est pas tout. Pour l’expert du Brésil, cette révolte populaire exprime également les ressentiments de toute une partie de la jeunesse brésilienne. « C’est le printemps tropical ! » peut-on entendre dans les rangs des manifestations. Prix du billet de transport en commun et dépenses du Mondial 2014 ne seraient en fait que des prétextes pour la jeunesse afin de demander plus au gouvernement.

« De grandes parties de la population, principalement urbaine, sont mécontents de l’état pitoyable des transports collectifs, du système de santé désastreux et de la grande violence, une situation compensée pendant des années par une amélioration des salaires et de l’emploi » qui atteint ses limites aujourd’hui, explique Ricardo Antunes, sociologue à l’université de Campinas, à l’AFP.

Avec la croissance fulgurante du Brésil, « ont surgi des citoyens qui réclament plus et ont droit à plus », analyse de son côté la présidente Dilma Rousseff.

Une chose est sûre, pour Stéphane Witkowski, cette révolte, « c’est aussi la révolte de la jeunesse ». Une jeunesse « qui exprime son impatience en dénonçant le montant de la facture de la Coupe du monde de football, la marchandisation du sport, la corruption des élites. »

Ce que deviendra ce mouvement ? Difficile à dire pour le moment et peu d’observateurs et d’experts s’avancent pour se prononcer. Les jours qui viennent seront décisifs tant du côté de la mobilisation populaire, qui montrera si l’élan des premiers jours tient dans la durée, que du côté des autorités, qui seront attendues pour engager le dialogue avec les manifestants.

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