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Les chaînes d’infos en continu : Quels changements, quels fondamentaux à observer…

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A l’heure où les chaînes publiques viennent brutalement d’être interrompue en Grèce, un rappel sur l’utilité sociale des télévisions me semble le bienvenu.

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En matière informationnelle, la télévision a toujours joué un rôle de baromètre sociétal  important.  Les « J.T. » traditionnels des chaînes historiques sont restés, notamment dans nos provinces, villes et villages, toutes ces petites « France » à modèle réduit, des rendez-vous réguliers des Français. Puis, au fur et à mesure, ces principales chaînes ont vu naître les chaînes du Web, une télévision connectée et les chaînes d’infos en continu qui informent à toutes heures du jour et de la nuit. Avec elles, l’information s’est faite également narrative, pédagogique, explicative mais surtout interactive, « à chaud » et elle s’est démultipliée. 

Le P.A.F. de l’info en continu

Précisément, penchons-nous aujourd’hui sur l’exemple de trois chaînes d’info en continu suivantes :

LCI du groupe TF1, BFM TV et BFM Business, ITélé se sont imposées, chacune dans leurs styles. LCI a été la pionnière, fière de cette référence. L’équipe est constituée de femmes et d’hommes d’expérience, qui ont la passion de l’excellence. La devise de LCI : « Mieux que savoir comprendre « . Frédéric Delpech, Michel Field, Philippe Ballard, Valérie Expert, Vincent Hervouet par exemple, sont des signatures qui fidélisent. BFM affiche sa différence par une même recherche de l’info immédiate et a démontré un intérêt tout particulier pour l’économie avec sa filiale BFM-business. Sa devise : « Priorité au direct ». Ses journalistes sont des hommes de terrain, ultra performants, comme sur l’international, Ulysse Gosset ou femme de tempérament tel Ruth Elkrief. La chaîne iTélé revendique être la chaîne du décryptage qui fait intervenir en permanence de nombreux experts. Sa devise : «Au cœur de l’événement ».   iTélé se veut la chaîne de l’info immédiate avec des correspondants un peu partout. Michael Darmon, Christophe Barbier, Laurence Haïm, symbolisent, pour leur part, l’image de la chaîne. Toutes rivalisent dans une course effrénée du direct et de l’actualité.

Et dans le même temps, toutes sont l’objet de critiques. Il leur est notamment reproché d’être responsables :

* d’une fragmentation du PAF et d’une dilution de l’info,

* d’une accélération des informations, voire de fabriquer une obsolescence accélérée de celles-ci,

* d’une simplification caricaturale de l’info,

* d’une manipulation au mieux involontaire au pire complice, lorsque la cadence s’accélère, notamment dans les communications de crise,

* et d’un manque de profondeur d’analyse ou de vérifications factuelles élémentaires. 

La remise en cause de l’offre informative

« La réflexion et la prudence ont-elles disparu du traitement journalistique de masse, en raison de la diversité de l’information et du développement de nouveaux canaux de communication, particulièrement la très large diffusion instantanée qui en résulte ? » interrogent certains.  

«Cela peut-il  générer un nouveau type de désinformation en neutralisant la hiérarchie et la portée des annonces, occultant ainsi des faits plus importants et distillant par ailleurs des informations non vérifiées, voire tronquées ou infondées ?  Et dans ce contexte, l’influence de certains sites dits d’information est-elle neutre ou pas ? » Questionnent encore d’autres observateurs. Nous avons pris acte de toutes ces remarques qui sont parfois fondées, parfois infondées.

Mais aujourd’hui, d’une part, la situation est très évolutive. Et d’autre part, les changements sont nombreux, récents, essentiellement techniques et culturels.

En effet, alors que des Assises audiovisuelles, à Paris, viennent de se terminer, on l’oublie trop souvent, le contexte est nouveau : deux décennies, à peine trois peut être pour la naissance de ces chaînes. C’est très peu en matière d’analyse sociologique des mentalités.

Simultanément, le rythme de vie s’est tellement accéléré que beaucoup ont du mal à s’y retrouver en matière d’informations. Les  infos valsent au son d’une étourdissante symphonie de l’audience. L’information galope, court, se superpose et s’enchevêtre.  A l’évidence, un consumérisme informationnel grandissant règne : une info en chasse une autre. 

Nous sommes les témoins contemporains d’une époque transformée par « le court-termisme » permanent, axé sur l’événement immédiat. 

Les journalistes doivent, depuis les années 1970/80, travailler avec les sanctions des scores d’audience. Ceux ci ont joué un rôle d’arbitre qui a nivelé souvent par le « facile », si ce n’est pas le bas.  

L’émergence de nouveaux acteurs

Le contexte est également inédit par l’arrivée de nouveaux micro-acteurs sociaux, dans le panorama audiovisuel :

Les  hashtags, les Tweets à l’antenne, applications avec contenus spécifiques sur Smartphone, les « conversations-gazouillis » sur Twitter,  les réseaux sociaux ont effectivement envahi les émissions de télé. L’émission « Des paroles et des actes », sur France 2 est parsemée, en constance, de Tweets affichés à l’antenne. Les téléspectateurs commentent, en direct, l’émission de télévision par des Tweets, qui apparaissent à l’antenne et constituent ainsi une nouvelle « audience sociale »… Les techniciens différencient désormais les « audiences télé » des « audiences sociales » et analysent leur signifiant. La nouveauté, c’est que tout cela est visible par tous, palpable. Les changements sont encore d’ordre technique et culturel avec 

« l’Internetisation » de la télévision où l’Internet devient de plus en plus influent. Ils sont culturels avec les différentes appréciations de la télévision, interactions avec la télévision, connections avec la télévision. On évoque aujourd’hui une « télé connectée »… Ces mouvements sociaux impactent sur tous les processus de création et de réalisation des programmes audiovisuels.

Au-delà du rappel de ces changements réels, il m’apparaît aujourd’hui nécessaire de dépasser les « querelles » trop simplistes à l’endroit de ces chaînes et d’interroger sur le présent et futur-présent. Non seulement, il est nécessaire d’afficher un soutien à leur endroit mais également de sensibiliser sur des mesures à prendre.

Un indispensable débat

D’une part, je déplore le manque d’une réflexion sur tous les sujets de fond :

* Quelle  télévision en 2013 ?

* Femmes et hommes de télévision face à l’évolution du panorama,

* Place de la création et du contenu…

Naturellement, des réflexions existent, mais elles ont principalement été d’ordre technique. Chacun se souvient des batailles homériques pour les réseaux, des tristes  duels des audiences ou des rivalités pour la TNT, etc.…

Il manque une réflexion philosophique de la télévision, sur le sens de ce média de masse, sur son évolution dans une époque mondialisée, etc…

De la télévision comme lien social

D’autre part, je veux redire que la création doit toujours primer sur la technique. La télévision doit rester un média de masse de qualité. Les conséquences sur les individus sont grandes. 

En effet, toutes ces chaînes d’infos font plus qu’informer : 

Ensemble, elles tissent un lien social précieux et indispensable, elles fabriquent un imaginaire collectif, elles sensibilisent les individus, et provoquent des indignations des adhésions, brefs des conversations, des implications collectives. 

Au passage, les accusations de manipulation me laissent toujours pensive. En 2013,  pensez-vous que l’on puisse encore et durablement abuser l’opinion ?

Sur le long terme, je ne le pense pas. Existe une maturité informationnelle dans une opinion publique ultra informée. Bouillonnante, réactive, inattendue, l’opinion publique se rassemble, s’exprime. Elle est devenue un acteur. Le débat sur le « Mariage pour tous » est un exemple récent. Ce débat a engendré un clivage profond et mis en exergue une France dichotomisée, une opinion en action …

De surcroît, je crois aussi que la place de toutes ces chaînes est capitale, parce qu’ensemble elles vitalisent aussi, pour leurs part, le pluralisme de l’info. 

Et plus que jamais, ces chaînes d’info en continu ne sont pas des entreprises comme les autres. Pour cela, elles doivent avoir les moyens de travailler compte tenu des nouvelles exigences. 

L’information reste majeure. Il ne faut jamais oublier qu’elle reste fragile.

L’information est  notre reflet démocratique

Les chaînes sensibilisent et ainsi provoquent des indignations ou des adhésions, brefs des conversations, des implications collectives. Ensemble, elles respirent le temps présent…

Notre télévision nous ressemble étrangement. A voyager autour du monde, nous sommes nombreux à rester étonnés de la qualité de nos chaînes quand on regarde les programmes à l’hôtel,  à l’étranger….Et es qualité de spin doctor, utilisant au quotidien, leurs regards, leurs données, elles font plus que m’informer, elles alimentent une réflexion et font gagner du temps. Il en va de même pour chacun.

Au creux de nos médias, toutes ces chaînes d’info en continu contribuent à combattre une certaine déculturation qui reste tapie au coin de la rue. D’autant plus que les jeunes générations sont rivées sur leurs smartphones et tablettes.

En 2013, je crois aussi qu’elles ont une plus grande responsabilité sociale. Tous les journalistes doivent, en constance, en rester conscients. Si nos chaînes d’infos doivent se faire pédagogues, elles doivent avant tout rivaliser d’excellence. Elles doivent mieux hiérarchiser, penser les faits et montrer leurs analyses.

C’est uniquement par ce prisme de l’intelligence, de la vérification des faits, de la recherche de la perfection qu’elles vont réussir à être pérennes et de véritables acteurs démocratiques. A ce prix ces chaînes d’informations continueront de rassembler les individus.

Le prix de l’intelligence

Pour cela, elles doivent avoir les moyens de travailler en profondeur et des dirigeants qui ne soient pas des « comptables dans l’esprit » mais encore plus de grands managers audiovisuels. Eux aussi doivent également s’attacher à marquer leur empreinte dans l’histoire audiovisuelle, en lien direct avec leurs équipes. Ils doivent privilégier la différence, l’intelligence, la fierté d’être des acteurs démocratiques.

C’est pourquoi, il ne me semble pas inutile de plaider encore pour leur place respective. A ce sujet, naturellement,  LCI doit s’installer sur la TNT pour bénéficier des mêmes audiences, de la même diffusion. TF1 n’a pas su appréhender le virage de la TNT. Ce n’est pas une fatalité, une fin en soi comme je le lis trop souvent sur des points de vue linéaires. Cela peut bouger. Il existe des solutions évidentes et rapides à mettre en place.

Il est nécessaire que les chaînes d’info en continu jouent à armes égales…

Ce qui est d’autant plus nécessaire que nous traversons un monde en mouvement, un monde marqué par  une certaine forme de « dépression collective des citoyens du monde ». Crise financière, depuis 2008 à répétition,  crise économique,  crise de confiance et sociétale se superposent à l’infini.

Urgences !

Face à ce climat mouvant et évolutif, il est urgent de mieux réfléchir et d’agir juste. Comme l’a écrit Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas : c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». 

D’ores et déjà, au niveau audiovisuel, média de masse par définition, le savoir est plus que jamais  nécessaire, la pédagogie journalistique, le décryptage des experts aussi.

Je plaide ici et maintenant pour une « nouvelle démarche d’équilibre audiovisuelle » des opérateurs en lien avec nos dirigeants politiques. Nous sommes aussi dans une transformation du paysage audiovisuel qui tend à se globaliser mais nous sommes dans l’obligation d’anticiper. La mondialisation audiovisuelle est là. Plus que jamais encore, nous sommes dans la nécessité de mettre en place une « pensée » renouvelée de notre panorama audiovisuel.

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