Site icon La Revue Internationale

Les opposants: «La Canopée n’a aucun intérêt architectural»

dossier_paris_photo_ok.jpgdossier_paris_photo_ok.jpg

[image:1,l]

JOL Press : Selon-vous, quelles sont les grosses erreurs qui ont été commises pour le chantier des Halles ?
 

Gilles Pourbaix: Les erreurs ont été commises très en amont, dès le début de l’opération. Dès les prémices, la ville ne savait du tout où elle allait. Les politiques ne s’intéressaient pas à ce chantier : fin 2002, l’obsession de Bertrand Delanoë était Paris Olympique. Au début, il s’agissait simplement d’une opération de rénovation du quartier Halles et non d’une opération de réaménagement, qui est beaucoup plus importante.

L’association Accomplir reproche également la méthode suivie : au lieu de faire un concours, la ville a fait un marché d’études de définition. Pour faire un concours il fallait que Paris ait un cahier des charges et sache où aller. La procédure n’a pas été pas la bonne.

JOL Press: Que reprochez-vous à la Canopée ?
 

Gilles Pourbaix: Il s’agit d’un toit tout plat, catastrophique au niveau architectural. En tant qu’association Accomplir nous avons participé au jury du concours. Nous avons voté pour ce projet, qui à  l’époque était très aérien : les esquisses présentaient un toit ressemblant à une feuille. Mais au fil des années, nous nous sommes rendus compte qu’avoir une feuille d’arbre au-dessus de la tête ce n’était pas faisable techniquement. Imaginez, il faut 7 000 tonnes de ferraille pour faire tenir le toit en verre, c’est le poids de la Tour Eiffel. Fallait-il un toit pour ce bâtiment ? Le côté un magique de l’ancien forum des halles c’est justement qu’il était à ciel ouvert. Là les passants aurons l’impression d’être enfermés dans une boîte ! 

JOL Press : Ne pensez-vous pas que cela apportera une certaine transparence ?
 

Gilles Pourbaix: Depuis quand le verre et la ferraille sont transparents ? Le prototype du chantier des halles révèle un verre translucide qui laissera légèrement laisser passer la lumière…Un toit est censé protèger des intempéries. En plus, cette espèce de store vénitien que l’on a mis à l’horizontal laissera passer pluie… C’est trop décoratif et cela n’a aucun intérêt architectural. Ce toit ne sert à rien si ce n’est qu’à alourdir le bâtiment. En outre, il est devenu compétemment plat et a pris 2m50 de hauteur, il écrase complètement le quartier. C’est vraiment d’une laideur inimaginable. 

JOL Press : Que pensez-vous de la disparition du Jardin Lalanne ?
 

Gilles Pourbaix: Si des villes comme New York, Londres, Tokyo, Rome avaient un Jardin Lalanne, d’abord elles l’auraient entretenu, déjà, ce que la ville n’a pas fait, et deuxièmement elles ne l’auraient sûrement pas détruit. C’est quand même une œuvre d’art. Qu’on aime ou pas Claude et François-Xavier Lalanne, peu importe, ce sont quand même des artistes reconnus au niveau mondial. Lorsque Paris a détruit le jardin Lalanne, il y avait une exposition des Lalanne sur Park Avenue, à New York, et une rétrospective sur l’œuvre des Lalanne au musée des Arts décoratifs. Malgré cela, Paris a décidé de le détruire pour faire plaisir à Monsieur Mangin. 

JOL Press : La grande allée centrale proposée dans le projet David Mangin va-t-elle enlever l’effet morcelé du jardin ?
 

Gilles Pourbaix: Au départ le jardin Lalanne était d’un seul tenant, mais petit à petit il a été morcelé. La grande allée centrale va évoluer de cette manière. Il y a une incompréhension totale de la part des autorités. Autre point sur lequel nous nous sommes opposés : la grande pelouse est typiquement ce que l’on appelle une « fausse bonne idée ». A Paris, les pelouses sont fermées six mois dans l’année, pour « repos hivernal », donc on ne peut pas marcher dessus. Il pleut également régulièrement… Imaginer l’état de la pelouse lorsqu’elle aura été utilisée par des milliers de personnes. Elle deviendra assez rapidement un « tapis brosse ». 

JOL Press : Il n’y a eu aucun compromis ?
 

Gilles Pourbaix: Toutes les choses que nous avions a réussi à obtenir, nous les avons ensuite perdu. Nous devions avoir un auditorium : il a été supprimé. L’accès du conservatoire devait être accessible depuis le rez de chaussée, mais cela n’a pas été fait… Bibliothèque sans livre, où l’on pourra parler et un  bar. La génération Y ne lisant pas, il ne fallait surtout pas leur mettre de livres… Il a fallu qu’on se batte six mois pour avoir un passage Nord-Sud. A cause du chantier, les enfants du quartier ont été privés pendant plusieurs années de bibliothèque et de jardin. Un conservatoire provisoire a été créé dans des lieux inadaptés. Les grandes victimes de ce chantier ce sont les enfants.

JOL Press : Anne Hidalgo a qualifié la vente du forum à Unibail de « très bonne affaire ». Qu’en pensez-vous ?
 

Gilles Pourbaix: C’est surtout une bonne affaire pour Unibail et Axa qui vont acheter le forum pour une bouchée de pain. C’est un bail complexe… Le bâtiment allait revenir à la ville dans les années 2050. L’assiette, c’est-à-dire le terrain sur lequel est construit le forum, appartient à Paris depuis Haussmann qui avait compris que le centre de Paris était quelque chose de stratégique et de névralgique. Dans les années Tibéri, l’idée de vendre le forum avait été émise. L’opposition socialiste s’y était fermement opposée. Lorsque Bertrand Delanoë est arrivé  la municipalité a fait quelque chose contre quoi elle pleurait.

Les allées du Forum sont des rues de Paris. Etant donné que la ville veut vendre l’assiette, les allées vont désormais appartenir au Forum. La Ville devra payer un droit de passage pour pouvoir se rendre à la piscine, à la médiathèque, à l’intérieur du Forum. 

Propos recueillis par Louise Michel D.

Quitter la version mobile