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Les survivants disparus, que restera-t-il de la Seconde Guerre mondiale?

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Le Débarquement de Normandie a 69 ans. Les survivants de cette période déterminante de l’histoire ne sont désormais plus nombreux et dans quelques années, la mémoire disparaîtra pour laisser place à l’histoire.

Se posera alors la question de la culture de cette histoire. Comment enseigner la Seconde Guerre mondiale aux jeunes générations ? Faut-il un « memorial day » à la française qui célèbrerait, en une même journée, les nombreux morts pour la France ? Analyse de Jean-Marie Bockel, ancien ministre et secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants.

Peut-on croire que le souvenir de la Seconde Guerre mondiale disparaitra avec l’extinction des générations qui l’ont vécue ?
 

Jean-Marie BockelCette question, nous l’avons déjà abordé avec la guerre de 14-18. Nous avons vu disparaître, à la fin des années 2000, les derniers survivants et nous sommes en train de préparer le centenaire de 1914 qui marquera le passage de la mémoire à l’histoire.

La mémoire, ce sont d’abord les témoins vivants, mais il y a ensuite la mémoire historique qui fait partie du patrimoine de tous.

Comme pour chaque évènement passé, le temps fait disparaître les témoins. C’est à ce moment que se réalise le passage dans l’histoire et c’est ce que nous sommes en train de vivre avec la guerre de 14.

S’agissant de la guerre 39-45, les survivants s’en vont également les uns après les autres et il est important, aujourd’hui comme hier, de recueillir leurs témoignages. Notre responsabilité est de mettre en œuvre ce passage de la mémoire à l’histoire.

Ces deux notions ne sont pas antinomiques mais la mémoire de la Seconde Guerre mondiale ne sera alors plus une mémoire vivante ou directe mais une mémoire partagée à travers une capacité de la faire connaître, notamment aux jeunes générations. C’est ce qui est en train de se jouer.

L’initiative de créer un « memorial day » à la française pourrait-elle participer à ce travail historique ?
 

Jean-Marie BockelL’idée d’aller vers un « memorial day » à la française est une bonne idée. Bien entendu, cela ne doit pas supprimer les commémorations individuelles et tant qu’il y aura des gens qui les feront vivre, elles doivent perdurer.

Mais la question se pose de la mobilisation de la société autour d’une commémoration car si nous souhaitons vraiment donner son sens et son retentissement à une commémoration, si nous souhaitons avoir la possibilité de faire passer des messages dans l’opinion, il serait efficace de concentrer les efforts sur une journée plus importante que d’autres.

Certains disaient à une époque que cela pourrait être le 11 novembre, dans la mesure où la guerre de 14 est la guerre où il y a eu le plus de morts et qu’elle a durablement marqué notre pays.

C’est une date dans laquelle tout le monde se retrouve. Il faut y aller progressivement mais une fois l’anniversaire du centenaire de 1914 achevé, la question se posera réellement.

Dans la mesure où la Seconde Guerre mondiale a été à l’origine de l’ordre mondial tel que nous le connaissons, peut-on dire qu’elle n’a été qu’un évènement historique comme un autre ?
 

Jean-Marie BockelLa Seconde Guerre mondiale comporte de nombreuses caractéristiques en plus de la Shoah, un génocide à nul autre pareil dans l’histoire de l’humanité et un génocide qui a le caractère de ne pouvoir être contesté par personne.

39-45 a également été la plus mondialisée des guerres. Une guerre qui a fortement marqué la carte du monde, tel que nous le connaissons aujourd’hui.

C’est aussi une guerre qui, à travers Hiroshima, a préfiguré ce qui pouvait être, dans le monde moderne, un conflit généralisé avec le risque des armes atomiques et donc les risques de destruction totale.

Peut-on imaginer que la volonté du « plus jamais ça », incarnée par les grandes institutions mondiales n’ait bientôt plus de sens, notamment lorsqu’on regarde les conflits au Moyen Orient. Les deux guerres mondiales n’ont-elles alors servi de leçons qu’à ceux qui les ont vécus directement ?
 

Jean-Marie BockelOn peut l’imaginer et on peut d’ailleurs considérer que c’est, en partie, ce qu’il se passe. D’un autre côté, on peut aussi considérer que c’est après la Seconde Guerre mondiale qu’ont été mis en place un certain nombre d’outils de plus en plus efficaces.

Les Nations Unies, crées dans la foulée de la Société des nations, ont permis de créer des instruments de résolution des conflits, inexistants autrefois. En Afrique, par exemple, il y a encore des conflits mais ils sont bien moins nombreux qu’il y a quelques décennies.

Cette culture de mise en place d’outils internationaux permanents ou ponctuels joue un rôle certain pour éviter l’élargissement, voire même pour faire cesser rapidement  un conflit.

Comment doit-on alors enseigner le souvenir de la Seconde Guerre mondiale aux jeunes générations ?
 

Jean-Marie Bockel : Il faut que les jeunes comprennent qu’au fond, nous n’étions pas plus mauvais à l’époque et que pourtant, nous en sommes arrivés à des horreurs absolues. Il est donc important de bien comprendre les causes de ce conflit afin que l’histoire ne se répète pas.

Il y a d’une part la dimension géopolitique et d’autre part la compréhension des causes de la guerre qui relève de l’enseignement. Beaucoup de choses doivent être expliqué à l’école. En plus de la description des horreurs commisesn à ne doit pas reproduire, il y a les mécanismes qui ont conduit à une telle situation.

Il faut que tout le monde ait une culture de connaissance et de compréhension de son histoire et au fond, cela relève aussi du fondement d’une démocratie. C’est ainsi que sont formés des citoyens éclairés.

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