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Maillot jaune, précieux tricot, fantasme de générations de coureurs

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En 1919, au départ de la onzième étape du Tour de France, le célèbre coureur Eugène Christophe, surnommé le « Vieux Gaulois », aurait revêtu le premier maillot jaune de l’histoire. C’est alors un simple moyen de distinguer le leader du classement général. Depuis, 254 maillots jaunes ont été décernés. Chacun d’entre eux symbolise désormais une victoire, et chacun a son histoire. Pascal Sergent, journaliste sportif, spécialiste du cyclisme, raconte la merveilleuse histoire de ces forçats de la route qui de tout temps, se sont affrontés pour remporter la récompense suprême. Hinault, Anquetil, Bobet, Indurain mais aussi Robic, Leduc et tous les autres sont mis à l’honneur dans ce livre qui permet, à l’aune du centième anniversaire, de mieux appréhender la grande histoire de la Petite Reine.

Extraits de Maillots jaunes, dictionnaire des grands coureurs du Tour de France, de Pascal Sergent (Jacob Duvernet)

Le maillot jaune a fait fantasmer des générations de coureurs. Au fil des ans, il est devenu l’emblème de la victoire, pas seulement au Tour de France. L’épreuve créée en 1903 par Henri Desgrange sous l’inspiration de son ami de Géo Lefèvre, prend rapidement une ampleur considérable. Maurice Garin, son premier vainqueur, grande vedette de l’époque héroïque, lui offre ses premières lettres de noblesse. Ensuite, pas un coureur ne déparera, ou presque, le Livre d’Or de la plus belle épreuve sportive.

Jusqu’en 1919, le leader de la course n’était distingué par aucun artifice. Selon Jacques Augendre dans « 100 Tours de Légende » (1), et Serge Laget, auteur de « Jours de Fête » (2), spécialistes reconnus, l’idée du maillot jaune aurait pu germer dans l’idée de Desgrange dès 1913. Philippe Thys, triple lauréat du Tour a d’ailleurs souvent affirmé avoir porté un maillot jaune à cette période. Cependant, malgré les allégations du coureur belge, rien n’a jamais pu être confirmé dans les faits. C’est donc en 1919 que le premier maillot jaune fut officiellement attribué à Eugène Christophe.

Les débuts furent compliqués, l’organisation parfois empirique. Ainsi, dans une effervescence non prévue, ne trouvant plus l’original, on remit un maillot jaune de fortune à Philippe Thys, toujours lui, à Nice terme de la neuvième étape du Tour 1920. Ainsi, en 1924, il y eut bien deux maillots jaunes officiels, Théophile Beeckman et Ottavio Bottecchia durant les quatrième et cinquième étapes !  Ainsi, il y eut même trois maillots jaunes, Nicolas Frantz, Victor Fontan et André Leducq, au départ de la huitième étape à Bordeaux en 1929… Cette approximation se prolongera quelques années encore, comme en 1949 où le Belge Norbert Callens prend le départ de Boulogne avec un maillot jaune prêté par un journaliste, le sien étant parti avec les bagages de son soigneur. L’organisation n’en avait alors pas d’autre à disposition !

[image:2,s]Quelques erreurs attribuèrent aussi le précieux tricot pour quelques minutes avant que les juges ne s’aperçoivent de leurs mauvais calculs comme ce fut le cas pour Robert Vanderstockt à l’issue de la cinquième étape, Roubaix-Namur, en 1952. En réalité Nello Laurédi conservait son maillot jaune pour une  seconde ! Ou encore, bien plus tard, en1984, après le succès d’étape de Ferdi Vandenhaute à Béthune. Installé sur le podium, on lui enfila le maillot de leader avant de le remettre au Néerlandais Adri Van der Poel… Le destin est parfois cruel !    

Mais le maillot jaune est parfois aussi la cause de certains débordements. Michel Pollentier, vainqueur à l’Alpe d’Huez et maillot jaune en 1978, vite mis hors-course pour tentative de fraude au contrôle anti-dopage. D’autres l’ont porté en course, tels l’Allemand Stefan Schumacher, ensuite déchu de ses deux succès d’étapes et de son double maillot jaune pour contrôle positif en 2008. Restent aussi les cas Floyd Landis et Lance Armstrong, vainqueurs du Tour à Paris, puis déclassés, le jaune devenant le noir de la honte. Dans ces années de plomb, quelques autres sont passés à travers les mailles du filet comme Bjarne Riis, déclassé de son improbable Tour victorieux en 1996, puis, prescription oblige,  remis au palmarès. Ne soyons pas dupes, ni naïf, il reste quelques imposteurs, y compris dans les pages qui suivent. Cependant, tant que les pouvoirs sportifs ne les basculeront pas du podium, leurs noms sont écrits sur les tablettes…

Malgré ces turpitudes condamnables, le maillot jaune, qui en a terriblement et scandaleusement souffert, mérite le respect. 

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Pascal Sergent est journaliste sportif et spécialiste du cyclisme.

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