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Minutes décisives: quand Eisenhower a programmé le D-Day

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Le 6 juin 1944 eut lieu la plus formidable opération militaire de tous les temps. A partir des plages de Normandie, l’opération « Overlord » – le plan de libération de la France par les Alliés – assénait à l’Allemagne nazie un coup dont elle ne se relèverait pas.

Journaliste irlando-américain né en 1920, mort en 1974, Cornelius Ryan a été correspondant de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1950 il devint citoyen américain.

Il est également l’auteur de La dernière bataille, sur la bataille de Berlin, et du célèbre Un pont trop loin.

Il est décoré de la Légion d’honneur.

Extraits de Le Jour le plus Long, de Cornelius Ryan

A neuf heures et demie précises, la porte s’ouvrit. Eisenhower parut, impeccable dans son battle-dress vert foncé. Son célèbre sourire ne passa qu’un instant sur son visage quand il salua ses vieux compagnons, mais le masque soucieux le remplaça bien vite, dès qu’il entama la conférence. Tout préambule était superflu. Chacun connaissait la gravité de la décision qu’il fallait prendre. Aussi, les trois météorologistes de l’opération Overlord entrèrent tout de suite précédés par leur chef, le group-captain (colonel), J.N Stagg, de la Royal Air Force.

Le silence se fit quand Stagg commença son exposé. Il donna un rapide résumé des conditions atmosphériques au cours des dernières vingt-quatre heures, puis dit très calmement :

– Messieurs… la situation se développe très vite… de façon inattendue…

Tous les yeux restaient rivés sur Stagg, qui apportait peut-être à Eisenhower anxieux et à ses officiers un faible rayon d’espoir.

Il expliqua qu’un nouveau front atmosphérique se dirigeait vers la Manche et pouvait, dans quelques heures, éclaircir provisoirement la zone de débarquement. Ces conditions améliorées dureraient toute la journée du lendemain et se poursuivraient dans la matinée du 6 juin. Ensuite, le temps se détériorerait de nouveau. Pendant la courte amélioration, les vents se calmeraient de façon appréciable et le ciel s’éclaircirait – assez pour permettre aux bombardiers d’entrer en action dans la nuit du 5 au 6 et dans la matinée du 6. Vers midi, les bancs de nuages se reformeraient et le ciel se couvrirait encore. En bref, il annonçait à Eisenhower qu’il pourrait compter sur une période de temps relativement beau, bien au-dessous du minimum requis, et ce, pour un peu plus de vingt-quatre heures.

Dès que Stagg eut achevé son exposé, il fut soumis ainsi que ses collaborateurs, à un feu roulant de questions. Etaient-ils sûrs de leurs prévisions ? N’y avait-il aucun risque d’erreur ? S’étaient-ils suffisamment renseignés ? Avaient-ils bien vérifié leurs rapports ? Le temps ne pourrait-il pas continuer de s’améliorer pendant quelques jours, après le 6 ?

[…]

Le moment était venu pour lui de prendre la décision définitive, et seul. Il y eut un long silence, pendant qu’il pesait le pour et le contre. Le général Smith, qui l’observait, fut frappé par « l’isolement et la solitude » du commandant suprême, assis, les mains croisées sur la table, tête basse. Des minutes s’écoulèrent, certains disent deux, d’autres cinq. Enfin Eisenhower leva u visage aux traits tirés, et murmura lentement :

– Je suis persuadé que nous devons donner l’ordre… Je n’aime pas ça mais voilà… Il me semble que nous n’avons pas le choix.

Eisenhower se leva. Il paraissait épuisé, mais la tension avait à peu près disparu de son visage. Six heures plus tard, au cours d’une brève réunion pour examiner les derniers rapports météo, il confirmerait la décision qu’il venait de prendre : mardi 6 juin serait le Jour J.

Le Jour le plus Long, Editions Retrouvées, (15 mai 2013).

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