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«Nous, les Touaregs, attendons désormais notre autonomie»

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Cinq mois après le lancement de l’Opération Serval pour la libération de leur territoire des islamistes, les Touaregs sont revenus à leur demande initiale : l’autonomie de l’Azawad. Entendue tant par le gouvernement de Bamako que par la communauté internationale, la demande des membres du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) semble avoir fait son chemin et des négociations sont en cours.

L’écrivain Moussa Ag Assarid, un des responsables du MNLA, fait le point sur la situation.

Pouvez-vous me parler de la situation actuelle au nord du Mali. Le territoire est-il libéré des groupes terroristes ?
 

Moussa Ag-AssaridNous qui sommes sur place, nous ne considérons pas que les islamistes soient partis.

 Il y a quelques jours encore, des hommes du Mouvement de libération national de l’Azawad (MNLA) ont été attaqués par le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Et ils continuent de séquestrer les populations de certaines localités.

Nous savons que l’Opération Serval de l’armée française, notamment par ses attaques aériennes, l’armée tchadienne et l’armée du MNLA ont été efficaces sur le terrain mais nous considérons que leurs actions ont également été une grande frappe dans la fourmilière.

Les groupes narco-terroristes sont dispersés, mais leurs récentes attaques notamment à Kidal, Agadez (Niger) montrent qu’ils ont eu le temps et la possibilité de se réorganiser.

Quelle sera la stratégie de ces groupes désormais ?
 

Moussa Ag-AssaridLes narco-terroristes ont tendance aujourd’hui à effectuer un retrait vers certains pays voisins avec des complicités locales dont des capitales. Aves cette stratégie ils infiltrent les Etats et maintiennent de fortes relations avec des hommes d’affaires qui les ont aidés à aller au coeur des systèmes d’Etat des pays voisins voire plus éloignés.

Les groupes comme le MUJAO et AQMI sont financés par des personnes qui sont soutenues au sein même de certaines capitales.

Une autre stratégie consiste à mener des actions terroristes, des attentats suicides réguliers qui visent particulièrement les Français, les Tchadiens et le MNLA – ces derniers ayant le plus souffert de ces actes de terrorisme.

Finalement, ils vont également essayer de se recycler, de se fondre dans dans la population et dans des organisations qui ne portent ni le nom de « djihad » ni celui d’« islam ».

Le MNLA a régulièrement proposé son aide à la France afin de lutter contre les groupes terroristes. Estimez-vous avoir été assez associés à l’Opération Serval ?
 

Moussa Ag-AssaridNous avons les mêmes objectifs que les Français en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et il ressort des déclarations du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, que les hommes du MNLA ont « des relations fonctionnelles » sur le terrain.

Mais notre implication dans la lutte contre le terrorisme n’est pas assez reconnu officiellement par la France.

La reconstruction du Mali est désormais engagée et de nouvelles élections seront bientôt organisées. Le MNLA, après avoir déclaré l’indépendance du territoire historique des Touaregs au nord du Mali, l’Azawad, a réclamé une forme d’autonomie de son territoire. Avez-vous l’impression d’avoir été écoutés et de participer à ce processus de reconstruction ?
 

Moussa Ag-AssaridLe MNLA est en état de belligérance avec le gouvernement du Mali. Il se bat pour le droit du peuple de l’Azawad dans toute sa diversité afin de s’autogérer.

Nous avons mené une guerre dans le respect des droits humains et l’histoire le retiendra. Maintenant, un émissaire chargé par le président par intérim du Mali de ces négociations est désigné et nous sommes actuellement en pourparlers pour trouver une solution et parvenir à un accord-cadre.

Quand cette autonomie sera-t-elle officielle ?
 

Moussa Ag-AssaridLe statut juridique et politique spécifique de l’Azawad sera l’objet de l’accord définitif global prévu après l’élection du futur président par intérim du Mali avec les garanties de la Communauté Internationale.

Nous avons été sollicités par la médiation internationale à Ouagadougou (Burkina-Faso) du 8 au 11 juin 2013 pour négocier et aujourd’hui nous y croyons vraiment. Notre situation est prise en charge par les Nations Unies, par l’Union Européenne, l’Union Africaine, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest.

Beaucoup de personnes s’activent désormais et il n’y a plus de raisons qu’on ne trouve pas une solution.

Qu’en est-il de la réconciliation entre le nord et le sud du Mali. De nombreux experts estiment que la commission pour le dialogue et la réconciliation, mise en place à l’initiative de Bamako, est vouée à l’échec car elle n’est pas représentative de la population du nord du Mali. Il n’y a en effet que deux Touaregs au sein de cette commission. Qu’en pensez-vous ?
 

Moussa Ag-AssaridMalgré tout ce que l’on reproche à cette commission, elle un rôle à jouer dans la cohésion entre les communautés.

Vous avez affirmé, il y a quelques mois, qu’une intervention armée au Mali pourrait se transformer en génocide tant l’armée malienne, du Sud, était revancharde contre les populations du nord. Qu’en est-il aujourd’hui ?
 

Moussa Ag-AssaridC’est vrai ; et même s’il n’y a pas eu de génocide de grande ampleur, nous avons constaté de nombreuses exactions et le massacre de plusieurs milliers de personnes.

Cette terreur a été atténuée par la présence de la France et du Tchad.

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