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«On ne réduira le chômage qu’en changeant les mentalités»

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Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A est resté stable en mai. Le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) s’élevait à 3,526 millions, soit un millier de plus que le mois précédent. Si l’on prend en compte les chômeurs en activité réduite (catégories B et C), il y a même eu une baisse (–2500 personnes).

« Cette accalmie est cohérente avec certains signaux favorables observés ces dernières semaines : bonne tenue de l’intérim depuis octobre (+4,6% en 6 mois), rebond de la production industrielle en avril, légère reprise des embauches en mai selon l’indicateur ACOSS (+ 6,4% pour les embauches de plus d’1 mois) », explique un communiqué du ministère du Travail. Mais qu’en est-il exactement ? Eléments de réponses avec Albert Batihe, auteur de La solution au chômage, c’est toi (Max Milo Editions). Entretien.

JOL Press : Le chômage s’est quasiment stabilisé en mai sur l’ensemble du territoire, selon les statistiques publiées, mercredi 26 juin, par le ministère du travail. Pour Bernard Accoyer, ces chiffres ne sont pas significatifs car ils prennent en compte les emplois aidés qui ne débouchent pas sur des embauches pérennes. Qu’en est-il vraiment ?
 

Albert Batihe : Ce que Bernard Accoyer explique, tous les gouvernements l’ont fait : on augmente les impôts, ce qui permet de créer des emplois dont on sait d’ores et déjà qu’ils ne seront pas pérennes. En fait, on colmate, on ne cherche pas à regarder le problème en profondeur. C’est comme si après avoir crevé votre roue de vélo, vous ne changez pas la chambre à air, mais vous mettez une rustine. On sait que la rustine ne tiendra pas. C’est exactement ce qu’on est en train de faire avec l’emploi.

Le gouvernement a prévu trois types de contrats aidés : les « contrats uniques d’insertion » créés en décembre 2008, les « emplois d’avenir » entrés en vigueur en novembre 2012 et les « contrats de génération » instaurés en 2013. On crée des emplois qui sont temporaires et on espère que la croissance va repartir. C’est efficace si vous savez que la croissance repartira dans 6 mois ou un an, mais quand on ignore quand arrivera le retour de la croissance, ce n’est pas une vraie solution, même si c’est toujours mieux que rien.

[image:2,s]JOL Press : En France métropolitaine, on constate une baisse pour les chômeurs de moins de 25 ans des trois catégories (–0,4%, la diminution étant encore plus forte pour les jeunes femmes). Comment expliquer cette baisse ?
 

Albert Batihe : Il faut prendre en compte que les emplois saisonniers ont commencé. Ils démarrent en avril. La cible des emplois saisonniers sont en effet les jeunes, en particuliers les jeunes femmes. Ce que les jeunes on compris avant tout le monde, c’est qu’il faut abandonner tout ce qui touche à la sécurité de l’emploi ou à l’immobilité. Les entreprises doivent pouvoir être plus souples. Dans le milieu médical, les aides-soignantes et les infirmières peuvent travailler à la journée, si elles le souhaitent. Elles travaillent et se reposent quand elles veulent. De plus en plus de jeunes veulent travailler comme ils l’entendent.

JOL Press : Et vous pensez que ce travail par intérim est l’avenir de l’emploi ?

Albert Batihe : Je le crois, oui. Demain on capitalisera son emploi et son temps, en fonction des factures, de la fatigue, du contexte familial. Je suis sûr que c’est l’avenir, c’est d’ailleurs en train de se développer de plus en plus.

Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat, a annoncé que les auto-entrepreneurs réalisant 19 000 euros de chiffre d’affaires dans les services (artisanat et professions libérales) et 47 500 euros dans le commerce pendant deux années consécutives devront quitter le régime pour adopter un régime classique d’entrepreneur. C’est complètement idiot car les auto-entrepreneurs, c’est l’avenir. Que les gens se prennent en charge par eux-mêmes, c’est l’avenir.

Je suis, pour ma part, passé par toutes les situations de l’emploi. Je suis même allé jusqu’à me mettre au chômage parce que c’est psychologiquement qu’il faut réfléchir au problème de l’emploi, pas techniquement, ni statistiquement. On ne réduira le chômage qu’en changeant les mentalités. C’est pourquoi je travaille actuellement sur la psychologie de l’emploi.

JOL Press : Comment on change-t-on les mentalités ?
 

Albert Batihe : C’est très long car il faut changer les habitudes. Il faut faire comprendre aux gens que le fait de ne pas avoir de CDI, ce n’est pas grave ; le fait de ne pas travailler pendant 10 jours, ce n’est pas bien grave si on a confiance en soi et si on sait ce dont on est capable. Les Français doivent comprendre qu’on peut parfaitement avoir un emploi temporaire de serveur qui va conduire à un poste de manageur. Certains jeunes en France ne connaissent pas le chômage parce qu’ils savent ce qu’ils doivent faire pour pouvoir subvenir à leurs propres besoins.

La France reste attachée à d’anciennes valeurs mais aujourd’hui avec l’ouverture des frontières, les jeunes voyagent de plus en plus et se rendent compte que notre système est obsolète. C’est d’ailleurs un problème qui touche l’Europe entière, aux Etats-Unis, ils ont une autre façon de fonctionner.

JOL Press : Quand croyez-vous que ce changement de mentalité soit possible ?
 

Albert Batihe : Je pense qu’il faut attendre une génération, une décennie environ. En France, une mutation est en train de se produire : vous avez deux mentalités qui s’affrontent : ceux qui sont considérés comme capitalistes et ceux qui ne le sont pas. Sauf que personnellement je ne suis pas spécialement capitaliste, je suis pour qu’on redistribue certaines valeurs, je n’attends pas qu’on vienne m’aider, je n’attends pas qu’on me dise quelles sont les solutions, mais moi-même je mets tout en œuvre pour trouver les solutions. C’est une mentalité qui est en train de se développer mais qui va prendre du temps.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Après des études de droit, une école de commerce et une formation courte à l’ENA, Albert Batihe cofonde l’association Elandynamica, à travers laquelle il anime des formations à destination des chômeurs de 18 à 25 ans. Il intervient aussi en tant que coach au sein des missions locales et des communes.

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