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Paris 2014: NKM et la droite sauront-elles saisir leur chance?

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Un vote sanction contre la politique menée par le gouvernement, c’est bien là-dessus que table la droite parisienne pour reconquérir la capitale. Alors que Bertrand Delanoë a choisi de céder sa place à Anne Hidalgo, la droite se range en ordre de bataille pour gagner. Mais pour cela l’unité doit être parfaite…

JOL Press : Le candidat de droite aux municipales a-t-il des chances de reconquérir Paris, compte tenu du contexte de grande impopularité de la politique de François Hollande ?
 

Philippe Braud : A un an du déroulement des élections il est absolument impossible de prévoir qui sera le vainqueur. On peut simplement relever, que l’impopularité actuelle de François Hollande et du gouvernement socialiste est un élément favorable aux candidats de droite puisqu’à Paris, comme dans les grandes villes, la conjoncture politique nationale influence les consultations locales. Mais jusqu’à un certain point seulement. Dans la capitale, chacun des vingt arrondissements constitue un cas particulier. Il existe des barons de gauche comme de droite solidement implantés dans leurs fiefs. L’issue du scrutin dépend surtout du basculement de deux ou trois arrondissements les plus indécis, comme notamment le XIIe.

JOL Press : Le principal défaut de la droite à Paris ne réside t-il pas dans son incapacité à s’unir et donc à gagner la mairie où le mode de scrutin, extrêmement complexe, exige des alliances ?
 

Philippe Braud : Les alliances jouent en effet un rôle critique, que ce soit sous la forme de listes communes dès le premier tour ou de désistements au second tour. La désunion de la droite ne perturbe pas forcément ces jeux d’alliances puisque ceux-ci se mettent en place au niveau des arrondissements. Deux questions mériteront une grande attention. Si le Modem avec Marielle de Sarnez penche à gauche leurs électeurs suivront-ils ? Ce n’est pas certain. Par ailleurs, les voix du Front national se rallieront-elles massivement au candidat (à la candidate) de la droite, par hostilité à la gauche représentée par Anne Hidalgo ? Cela est bien possible mais demeure incertain.

JOL Press : Nathalie Kosciusko-Morizet subit les critiques des opposants au mariage gay, qui menacent de la faire battre. Croyez-vous que l’abstention d’opposants au Mariage pour tous pourrait-être un danger pour NKM, ou est-ce insignifiant ?
 

Philippe Braud : Dans un an, cet enjeu aura un peu perdu de son importance, sauf au premier tour. Mais on voit mal les sympathisants des « Manifs pour tous » préférer directement (ou indirectement par l’abstention) Anne Hidalgo qui a une position encore plus favorable au « mariage des homosexuels ». (C’est en effet sous ce label que la question se pose à leurs yeux).

JOL Press : Anne Hidalgo a-t-elle les épaules assez solides pour succéder à Bertrand Delanoë ?
 

Philippe Braud : Ce qui compte surtout c’est d’associer une forte notoriété à une image positive dans l’opinion. Les électeurs sont en effet rarement en mesure de juger des réelles capacités d’un candidat avant que celui-ci n’endosse la fonction qu’il brigue. La notoriété d’Anne Hidalgo est relativement limitée en dehors du monde des sympathisants socialistes et des habitants de son arrondissement, le XVe. Mais Bertrand Delanoë était dans une situation assez analogue lorsqu’il l’a emporté contre Philippe Séguin, pourtant un poids lourd de la droite à l’époque.

JOL Press : Quelle est, selon vous, la plus grande qualité à posséder pour séduire les Parisiens ?
 

Philippe Braud : Comme toujours, une grande plasticité associée à un profil apparent de décideur énergique porté par des convictions fermes. Savoir plaire aux écologistes (coulées vertes, voies cyclistes…) sans courroucer les automobilistes (un vrai challenge !). Annoncer des plans ambitieux, notamment en matière de transports, sans augmenter de la pression fiscale etc. En outre, une envergure nationale associée à un enracinement local est un des éléments importants du choix de beaucoup de Parisiens. De ce point de vue Anne Hidalgo comme Nathalie Kosciusko-Morizet ont chacune leur petite vulnérabilité.

JOL Press : En cas d’échec de la droite à Paris, l’UMP sera-t-elle dans l’obligation de se réformer ?
 

Philippe Braud : Elle l’est surtout dans la perspective de 2017. Mais un échec serait un accélérateur de la nécessaire clarification.

JOL Press : La primaire révèle encore une fois les nombreuses divergences qui cohabitent au sein de l’UMP. Ces divers courants sont-ils irréconciliables ?
 

Philippe Braud : Je ne crois pas. Beaucoup plus importante que les différences de sensibilités qui existent dans tous les partis, est la capacité de nuisance d’un baron évincé de la course, vis-à-vis du vainqueur de la compétition pour le contrôle du parti et celui de la primaire présidentielle.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Braud, ancien directeur du Département de Science politique de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et Visiting Professor à l’université de Princeton (WoodrowWilson School).

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