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Retraites: que faire du rapport Moreau?

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Très attendu, un rapport d’experts est remis ce vendredi 14 juin au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, par la présidente de la Commission pour l’avenir des retraites, Yannick Moreau, haut fonctionnaire au Conseil d’Etat et ancienne présidente du Conseil supérieur des retraites (COR). Et c’est le COR justement qui estimait en décembre dernier que si aucun correctif n’était apporté, « le besoin de financement se creuserait, passant de 14 milliards d’euros en 2011 à 18,8 en 2017. » Ces prévisions catastrophiques avaient rendu inévitable une nouvelle réforme des retraites en 2013.

Calcul des pensions des fonctionnaires

Une des principales priorités des experts de la Commission Moreau : s’attaquer aux inégalités entre salariés du privé et fonctionnaires. Aussi proposent-ils que les pensions de ces derniers soient calculées sur leurs salaires des 10 dernières années et non plus des six derniers mois, comme c’est le cas actuellement. La retraite d’un salarié du privé est aujourd’hui calculée sur le salaire des 25 dernières années.

Ce point très sensible risque de faire grincer des dents les syndicats. La CGT fonctionnaires a d’ores et déjà affirmé que toucher aux règles de calcul de la retraite des fonctionnaires serait « un casus belli irrémédiable ». Quant au leader de la CFDT, Laurent Berger, plus mesuré, il s’est déclaré favorable à « un rapprochement des différents régimes » de retraite, « à condition de prendre en compte la spécificité des carrières et des structures de rémunération. »

Cependant rien n’assure que le gouvernement souhaitera intégrer cette proposition dans sa réforme. «  Evidemment, la fonction publique ne restera pas à l’écart d’une réforme. Mais montrer du doigt les fonctionnaires, ça n’est certainement pas une bonne façon d’aborder la réforme des retraites », a estimé dans la semaine la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, sur iTélé.

Allongement de durée de cotisation ou relèvement de l’âge légal ?

Le choix n’est pas encore fait entre l’allongement de durée de cotisation et le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite mais une chose est certaine, il va falloir travailler davantage. La première option semble toutefois plus en phase avec les orientations déjà avancées par le gouvernement. Cette durée, qui est actuellement de 41,5 ans pour les personnes nées en 1955 et 1956, pourrait donc passer à terme à 43 voire 44 ans, selon des sources syndicales.

Une mesure inacceptable pour Jean-Claude Mailly, secrétaire de la Confédération FO : « Pour une génération née en 1989, qui entre sur le marché du travail en moyenne aujourd’hui à 24 ans, ça signifie qu’il faudra attendre 68 ans pour avoir une retraite à taux plein quand l’espérance de vie en bonne santé est à 62 ans pour les hommes et 63 ans pour les femmes », a-t-il estimé.

Aligner le taux de CSG des retraités sur celui des actifs

La commission Moreau propose également d’aligner le taux de CSG (taxe qui participe au financement de la Sécurité sociale) des retraités aisés sur celui des actifs. Ce taux passerait donc à 7,5 %. Le rapport préconise aussi la suppression de l’abattement fiscal de 10% ou encore la fiscalisation de l’avantage pour les ménages d’au moins trois enfants. Des mesures qui ne seraient pas forcément cumulatives.

Meilleure prise en compte de la pénibilité

Face à la sévérité des mesures, les experts ont souhaité tenir compte de la pénibilité dans le calcul des retraites en instaurant soit des congés de fin de carrière, soit un système d’acquisition de suppléments de retraite. N’est considéré en revanche comme pénible qu’un travail de nuit et ou un emploi qui exposerait à des substances cancérigènes. Encore un point sensible sur lequel le gouvernement devra veiller à être prudent.

Le 21 mai dernier sur Public Sénat, le ministre de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation, Benoît Hamon, déclarait : « S’il y a un allongement de la cotisation, ça ne peut pas être de la même manière pour tous parce qu’il doit y avoir une prise en compte de la pénibilité. »

« Je considère qu’on ne peut pas mettre un signe égal entre quelqu’un qui est un cadre, qui n’aura pas eu d’exposition majeure au stress ou en tout cas un travail qui affecte sa santé (…) et celui qui a été exposé à des risques qui vont réduire son espérance de vie », a-t-il expliqué en ajoutant que « pour ceux qui ont eu un métier pénible, ces années de « métier pénible » doivent les amener à cotiser moins. »

Les entreprises mises à contribution

Le rapport propose par ailleurs une hausse de 0,3% de la cotisation patronale déplafonnée. Actuellement, les entreprises cotisent à 8,40% jusqu’au plafond mensuel de la Sécurité sociale (3 068 euros) et à 1,60% sur la totalité du salaire. La cotisation augmenterait ainsi de 1,6% à 1,9%. Une nouvelle qui risque de faire réagir vivement les organisations patronales.

Quoiqu’il en soit c’est en s’inspirant de ces propositions que le gouvernement entamera une large concertation avec les syndicats à partir de la Conférence sociale des 20 et 21 juin et pendant l’été. Il déposera un projet de loi dans la deuxième quinzaine de septembre sera soumis au parlement dès la fin du mois de septembre.

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