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Révision de l’arbitrage: quelles conséquences pour Bernard Tapie?

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Dans le Journal du dimanche daté du 2 juin, Bernard Tapie assure qu’il pourrait faire annuler la décision du tribunal arbitral qui lui a permis de toucher 403 millions d’euros en 2008 : « Si on découvre la moindre entourloupe, le moindre dessous de table ou quoi que ce soit d’anormal, alors dans la seconde, de mon initiative, j’annule l’arbitrage », a-t-il déclaré. Une telle procédure est-elle envisageable et quelles seraient les conséquences pour l’homme d’affaires ?

L’entourage du ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, annonçait, mercredi 29 mai, que l’Etat allait se porter partie civile pour« veiller à ce que les intérêts patrimoniaux de l’Etat ne soient pas lésés » et « avoir accès au dossier. »

Rappel rapide des faits

Quand en 1993, Bernard Tapie décide de mettre en vente Adidas marque acquise trois ans plus tôt, il confie au Crédit lyonnais le soin de s’occuper de la vente de ses parts de la société. Lors de la vente à Robert Louis-Dreyfus, la banque touche secrètement d’importantes plus-values. Bernard Tapie l’apprend et décide d’attaquer le Crédit Lyonnais. Après une dizaine d’années de procédure, le recours à un tribunal arbitral est proposé pour régler l’affaire le plus rapidement possible. C’est ce tribunal qui décidera de verser 403 millions d’euros à Bernard Tapie, en 2008.

Or il semblerait que deux des trois juges qui composaient le tribunal arbitral avaient des liens avec Bernard Tapie : l’ancien magistrat Pierre Estoup et l’avocat Jean-Denis Bredin. Si ce dernier a été relâché après sa garde à vue lundi 27 mai, Pierre Estoup a, quant à lui, été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, mercredi 29 mai.

Bernard Tapie dément toute relation avec Pierre Estoup

L’homme d’affaire ne  s’explique pas la mise en examen de l’arbitre Pierre Estoup et nie toute relation avec lui malgré la présence au domicile du magistrat d’un livre dédicacé de sa main avec la mention « avec toute ma reconnaissance » ; « J’ai peut-être rencontré fortuitement et sans suite Pierre Estoup dans le cadre de ma vie publique », a tenté d’expliqué Bernard Tapie pour justifier la présence de cette dédicace.

« Soit les juges n’ont rien de plus que ce qui est déjà connu et c’est un coup de poker qui se dégonflera, soit ils ont la preuve que M. Estoup a perçu des avantages occultes et cela deviendra une sordide affaire de droit commun », estime de son côté un ancien ministre de Nicolas Sarkozy, au JDD.

Pas de remboursement dans l’immédiat

Pour Christophe Seraglini, professeur à l’université Paris-Sud (université Paris-XI), avocat spécialisé en contentieux et arbitrage international et auteur de Droit de l’arbitrage (Domat Montchrestien, 2013), un remboursement n’est pas envisageable dans l’immédiat : « Pour que Bernard Tapie ait éventuellement quelque chose à rembourser, il faudrait que cette sentence soit remise en cause et annulée, puis que le litige soit à nouveau jugé, au fond cette fois, dans un sens favorable au Crédit Lyonnais », explique-t-il dans un entretien au monde.fr.

Et d’ajouter : « De façon générale, seules deux procédures le permettent : le recours en annulation devant la cour d’appel, qui est le recours de droit commun, et le recours en révision, qui est une voie de recours extraordinaire. » Or dans le cadre d’une procédure d’arbitrage, le recours en annulation n’est possible que dans le mois qui suit la notification de la « sentence arbitrale ». La sentence datant de 2008, l’annulation est inenvisageable.

Un recours en révision possible

Seul le recours en révision pour fraude est donc envisageable. Dans ce cas une cour d’appel serait amenée à remettre en cause la décision d’arbitrage. Pour qu’il y ait fraude, un élément nouveau doit apparaître et c’est pour cette raison que l’arbitre Pierre Estoup a été mis en examen. L’Etat a aujourd’hui bon espoir de mettre à jour des éléments nouveaux dans l’enquête. En effet, ni les liens éventuels existants entre Pierre Estoup et Bernard Tapie ni la perception d’« avantages occultes » ne suffisent pas à justifier une fraude.

Mais cette fraude existe selon Médiapart. Le journal d’investigation indiquait mardi 4 juin, que Pierre Estoup était déjà intervenu au moins deux fois dans des affaires concernant l’homme d’affaires, avant 2008. Pierre Estoup aurait d’abord rendu à un cabinet d’avocats une consultation juridique rémunérée sur une « demande de confusion de peines » déposée par Bernard Tapie après ses condamnations à diverses peines de prison. Il aurait également rédigé une autre consultation pour le compte de Francis Chouraqui, avocat de l’association des petits porteurs de la société Bernard Tapie Finances

Si ces informations sont vérifiées, elles pourraient être suffisantes pour obtenir un recours en vue d’une révision de l’arbitrage pour fraude. Affaire à suivre…

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