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Un opposant au mariage gay en prison: les questions que pose le verdict

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Nicolas Bernard-Busse, opposant au mariage gay, a été interpellé dimanche en marge de la manifestation organisée à Neuilly-sur-Seine lors de l’interview de François Hollande sur M6. Il a été condamné mercredi à deux mois de prison ferme. « Il a été condamné pour soi-disant avoir donné une identité imaginaire, pour avoir refusé les tests ADN au cours de sa garde à vue et pour une prétendue rébellion », a réagi Me Benoît Grau, son avocat, sur DirectMatin.fr. Retour sur les faits reprochés avec Me Lionel Béthune, avocat, bâtonnier de la Charente et spécialiste en Droit Pénal. 

JOL Press : Reprenons les faits qui lui sont reprochés. Que définit-on comme de la rébellion ?
 

Lionel Béthune : C’est une infraction assez habituelle auxquelles sont confrontées les forces de l’ordre que je défends habituellement. Pour qu’il y ait rébellion, il faut résistance avec force et violence à l’encontre des forces de l’ordre. Il ne suffit pas de s’opposer à l’interpellation, mais en se débattant, en portant éventuellement des coups même de manière involontaire – il ne s’agit pas là de violences volontaires aggravées sur les forces de l’ordre – on commet une rébellion.

JOL Press : Que risque-t-on pour des faits de rébellion ?
 

Lionel Béthune : Je n’ai pas connaissance des éléments du dossier mais pour quelqu’un qui n’a pas d’antécédents judiciaires particuliers, il est excessivement rare qu’il y ait une peine d’emprisonnement, à fortiori ferme et avec mandat de dépôt, comme cela a été prononcé par le tribunal correctionnel. Rappelons toutefois que cette décision judiciaire n’est pas définitive, puisque l’avocat du prévenu a interjeté appel immédiatement après la condamnation.

Si la peine maximale en cas de rébellion est d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende, dans ces affaires-là, les tribunaux, qui entrent en voie de condamnation à l’égard de prévenus pour des faits de rébellion, adressent un avertissement généralement par des travaux d’intérêt général, par des peines d’emprisonnement avec sursis, par une amende, voire un stage de citoyenneté mais très rarement par une peine d’emprisonnement ferme, et encore moins avec mandat de dépôt.

JOL Press : Comment définit-on l’infraction de refus de prélèvement d’ADN ?
 

Lionel Béthune : Il s’agit d’une possibilité – ouverte depuis la loi du 18 mars 2003 – pour les enquêteurs, sous le contrôle du procureur de la République de prélever à l’encontre d’un certain nombre de personnes – soit mises en cause, soit gardées-à-vue, soit condamnées – leurs empreintes génétiques en vue de les inscrire sur un fichier pour permettre ainsi la résolution d’autres affaires délictuelles ou criminelles. C’est une procédure qui est très mal vécue par les personnes contestant les faits reprochés. On se pose toujours la question de savoir ce que vont devenir ces empreintes génétiques, notamment lorsque les personnes sont simplement entendues puis relâchées, ou entendues, poursuivies mais pas condamnées.

Une commission parlementaire a essayé de recenser la totalité des fichiers dont disposaient les services de police, les services de renseignement et les forces de gendarmerie et a eu beaucoup de mal à savoir quels sont ces fichiers, quel est le droit d’accès à ces fichiers et surtout quelle est la durée de péremption de l’inscription sur ces fichiers.

A partir du moment où vous êtes sur ces fichiers, vous êtes connus même si vous n’avez pas été condamné et les enquêteurs peuvent considérer que si vous apparaissez sur ces fichiers c’est qu’il y a bien une raison. Cela peut générer un a priori, c’est pour cette raison que ce jeune homme a refusé semble-t-il le prélèvement ADN, ce qui, en l’état de notre droit positif, est de toute façon constitutif d’une infraction. Quand on conteste son interpellation, on conteste de devoir être entendu, c’est pourquoi il a refusé cette demande de prélèvement.

JOL Press : Que risque-t-on pour refus de prélèvement d’ADN ?
 

Lionel Béthune : Une peine n’est pas systématiquement prononcée dans le cas d’un refus de prélèvement d’ADN, car très souvent les tribunaux proposent un délai au prévenu. C’est ce qu’on appelle l’ajournement de peine : il permet de se mettre en conformité avec cette obligation, car pendant la garde-à-vue certains prévenus ne comprennent pas la demande qui émane des forces de l’ordre.

Pour un prévenu qui refuse délibérément voire philosophiquement ou idéologiquement le prélèvement d’ADN, les peines d’avertissement peuvent aller du stage de citoyenneté à des amendes. Mais en aucun cas, pour une personne qui n’est pas récidiviste, les tribunaux ne donnent de peines d’emprisonnement ferme pour un refus de prélèvement d’ADN, surtout au vu des débats actuels sur la surpopulation carcérale. La peine maximale en cas de refus de prélèvement d’ADN peut aller cependant jusqu’à un an de prison et de 15 000 euros d’amande.

JOL Press : Que risque un interpellé qui donne une « identité imaginaire » ?
 

Lionel Béthune : Lors d’une interpellation, on vous demande de fournir votre identité. Si vous fournissez une identité imaginaire vous encourrez une peine maximale d’amende de 7500 euros.

JOL Press : La condamnation a été assortie d’un mandat de dépôt. De quoi s’agit-il ?
 

Lionel Béthune : « Le mandat de dépôt est l’ordre donné par un magistrat ou un tribunal, au chef d’un établissement pénitentiaire, de recevoir et de détenir telle personne » (art. 122 C.pr.pén.). Le tribunal correctionnel peut décerner un mandat de dépôt dans certaines circonstances, notamment en matière de récidive, quand la peine de l’infraction entraîne au moins un an d’emprisonnement mais en réalité on décerne un mandat de dépôt quand la personne est placé « sous main de justice », c’est-à-dire soit à cause d’une ordonnance de maintien en détention, soit dans un cas de comparution immédiate.

JOL Press : Quelles infractions peuvent mener à une comparution immédiate ?
 

Lionel Béthune : Il faut que l’affaire soit simple, il ne faut pas qu’elle mérite l’ouverture d’une instruction. Il faut que la personne qui a commis l’infraction soit ciblée par le procureur de la République qui considère qu’il faut une réponse judiciaire excessivement rapide. Les personnes qui passent généralement en comparution immédiate sont des personnes dont le ministère public souhaite solliciter de l’emprisonnement ferme avec un placement en détention après l’audience. Elle est applicable devant les tribunaux correctionnels aux délinquants qui encourent une peine de prison dont la durée est comprise entre 6 mois, en cas de délit flagrant, et dix ans.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Me Benoît Gruau, avocat de Nicolas Bernard-Busse, rappelle les faits :

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