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Yvon Gattaz, un modèle de patron pour son fils Pierre

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Deux des principaux candidats à la présidence du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux et Patrick Bernasconi, ont décidé, ce jeudi 13 juin, de se retirer de la course pour se rallier à la candidature du troisième favori Pierre Gattaz. « L’équipe que nous constituerons tous les trois s’appuiera sur un conseil exécutif représentatif, notre instance de gouvernance, et sur la mobilisation des branches et des territoires, qui sont les composantes essentielles de notre mouvement », ont indiqué les trois dirigeants dans un communiqué commun, appelant à une « union pour les entreprises de France ».

Pierre Gattaz est le fils d’Yvon Gattaz, président du CNPF (Conseil national du patronat français) entre 1981 et 1986. Retour sur la vie de ce grand patron qui semble avoir su transmettre son savoir-faire à son fils.

Extraits de Du CNPF au Medef : Confidences d’un apparatchik, de Bernard Giroux (Archipel)

Yvon Gattaz est né en 1925 dans l’Isère, à BourgoinJallieu, ville natale de Frédéric Dard, alias San Antonio. Il ne pouvait qu’avoir le goût des bons mots et des aphorismes amusants. L’intéressé lui-même les appelle, sans modestie, des « gattazismes ». Certains observateurs goûtent peu ce qu’ils considèrent comme des plaisanteries de garçon de bain, dignes de l’Almanach Vermot.

Quant à moi, j’assume être friand de « gattazismes ». À leur lecture, vous noterez qu’un zeste de surréalisme peut toucher un cerveau patronal… Voici mes préférés : « CNPF, traduction : ce n’est pas facile. » « Les IAA : irrésistibles avantages acquis. » « Le malheur est dans le prêt. » « Un kilogramme d’abeilles est plus efficace qu’un kilogramme d’éléphant. » « Pour les véritables hommes d’action, l’action est une obligation. » « Le LTS, lumbago du trou de serrure », concept visant ceux qui lorgnaient son fauteuil de président du CNPF.

[image:2,s]Moins heureux : les « saints dicats », expression forgée pour critiquer la propension des syndicats à monopoliser l’expression publique des salariés. Et le plus équivoque : « Je ne suis pas politique, je suis transpolitique. » À quoi nous rétorquions que nous connaissions des transsexuels, mais pas de transpolitiques.

Yvon Gattaz est issu d’une famille d’enseignants, d’où ses talents de pédagogue. Sa grand-mère paternelle était directrice d’école. Son père quitta assez rapidement l’enseignement pour se consacrer à la peinture, sa vraie passion. Bien lui en prit, puisqu’il obtint la médaille d’or du Salon des Beaux-Arts de Lyon et devint conservateur du musée Victor-Charreton de Bourgoin, qui est juste un petit peu moins célèbre que le Met de New York et l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.

Centralien, Yvon Gattaz est ingénieur chez Citroën de 1948 à 1952. Rapidement, la passion d’entreprendre le pousse à créer sa propre entreprise. L’histoire est désormais connue, sinon célèbre. Le 17 juin 1952, au fi n fond d’une cour du 20 rue Oberkampf, dans le XIe arrondissement de Paris, il lance avec son frère Lucien l’entreprise Radiall. Ingénieurs ingénieux, les frères Gattaz inventent la fiche coaxiale de télévision, qui raccorde encore les postes d’aujourd’hui. De l’avis des fondateurs, le local était sordide. Tout juste y trouvèrent-ils un vieux tour, deux perceuses et un lavabo. Quant au nom de Radiall, c’était tout simplement celui du local loué par les Gattaz.

Aujourd’hui, à défaut d’être le plus âgé, Yvon Gattaz se flatte d’être l’un des plus anciens patrons en France. Groupements patronaux en Seine-Saint-Denis, création d’Ethic en 1976, de la fondation Jeunesse et entreprises en 1986, de l’Asmep-Eti (syndicat des entreprises intermédiaires) en 1995 : tout au long de sa carrière, il n’a cessé de s’impliquer dans la vie de la cité. Sans oublier ce temps fort : la présidence du CNPF, de 1981 à 1986.

Cet homme est une boule d’énergie. À bientôt quatre-vingt-huit ans printemps (« plus ça va, plus je m’éloigne de la retraite à soixante ans », comme il le dit avec humour), Gattaz est déconcertant de vitalité. PDG de Radiall jusqu’en 1993, il préside encore le conseil de surveillance de l’entreprise familiale, tandis que Pierre, son fils, pilote désormais le directoire. À ce titre, ils ont accueilli ensemble François Hollande dans leur usine d’Indre-et-Loire, le 18 décembre 2012. Le président de la République a rendu à cette occasion un bel hommage à Yvon Gattaz. Ce dernier devait bicher car, c’est son péché mignon, il est sensible aux honneurs. Il est fi er d’appartenir à l’Académie des sciences morales et politiques, institution qu’il a présidée à la fin des années 1980.

À un journaliste qui préparait le portrait du patron des patrons et lui demandait quelle était sa principale qualité, Gattaz répondait sobrement :

— Mon dynamisme.

Et votre principal défaut ?

— Mon dynamisme !

Tout Gattaz est là, naviguant perpétuellement entre esprit de sérieux et bonne humeur.

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Bernard Giroux a dirigé pendant quinze ans le service de presse du CNPF devenu Medef. Depuis 2003, il a rejoint comme directeur des relations avec la presse l’Assemblée des Chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI). Il enseigne dans les écoles de journalisme et de communication (EFAP, CELSA, ESJ, IEJ…). 

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