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«Abenomics»: Shinzo Abe s’inspire-t-il de Carlos Ghosn pour sauver le Japon?

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Croissance en hausse, réduction des déficits, appel aux investissements étrangers: des objectifs clairement affichés

Premièrement, Shinzo Abe mise sur une croissance consolidée en 2013 avec l’objectif de maintenir sur l’année entière le rythme du premier trimestre – +4.1% -, un rythme de croissance équivalent à celui d’un petit pays émergent. Par comparaison, les objectifs de croissance pour les pays de l’Union européenne sont de 2% – objectifs qui apparaissent pour certains membres de l’UE parfaitement inatteignables.  

Deuxièmement, la stratégie repose sur une diminution de moitié du déficit public d’ici à la fin de l’année fiscale 2015,  à un niveau de 5% du PIB japonais. Les déficits importants et récurrents du gouvernement japonais, sous les précédentes administrations, ont provoqué un endettement colossal. En 2012, le Japon affichait une dette publique record dans les pays développés atteignant 238% de son PIB. En comparaison, aux Europe et aux Etats-Unis,  elle tournait autour de 90% en moyenne.

Troisièmement, l’objectif est d’accroître la part des investissements étrangers et d’aboutir à un doublement de la balance des investissements directs d’ici à 2020. Les investissements étrangers sont nécessaires à un pays pour y injecter des capitaux et lui permettre ainsi de financer son développement économique.

Des similitudes indéniables avec le Nissan Revival Plan

Ce plan de redressement assez sévère fait écho à un autre… Celui présenté, le 18 octobre 1999, par Carlos Ghosn et intitulé le « Nissan Revival Plan » – Plan pour la renaissance de Nissan. Un plan qui contenait, lui aussi, trois objectifs clés.

Premièrement, un retour à la rentabilité dès la première année, autrement dit la volonté de renouer avec les bénéfices pour le constructeur automobile après qu’il ait essuyé plusieurs années de pertes lourdes. La croissance de l’entreprise.

Deuxièmement, une diminution de moitié des dettes de Nissan en trois ans. Les années de pertes ayant forcé Nissan à contracter une dette de 22 milliards de Dollars US, l’entreprise était à cette date au bord de la faillite. La réduction du déficit public.

Troisièmement, l’obtention d’une marge opérationnelle supérieure à 4.5 %, la marge opérationnelle se calculant simplement en retranchant les coûts de production au chiffre d’affaire de l’entreprise, le fameux EBITDA qui en fait trembler plus d’un.

Ceci constituait non seulement une annonce difficile à faire passer dans un pays où il était difficile de parler publiquement des échecs économique mais également un plan très sévère pour sauver Nissan de la faillite.

Un plan sévère pour rendre le Japon plus « robuste »

Lors de son discours à Londres, Shinzo Abe a décrit son plan d’action pour que le Japon puisse retrouver une bonne santé économique et tourne le dos ainsi d’une spirale déflationniste. La déflation faisant état d’une baisse de l’indice des prix sur une période prolongée.

Les « Abenomics », règles économiques du premier ministre japonais suivent une toute nouvelle règle de trois : le troisième axe d’un plan de redressement en trois dimensions a été dévoilé à travers ce discours.

Les deux premiers axes étant constitués premièrement d’une politique monétaire des plus souples avec des taux d’intérêts faibles favorisant l’emprunt et donc l’investissement et deuxièmement d’une politique de financement publique « dynamique » qui remet aux goûts du jour un interventionnisme étatique souvent critiqué. Shinzo Abe n’a d’ailleurs pas hésité à rendre au Japon ce qui lui appartient en insistant sur les écrits de Korekiyo Takahashi, Premier ministre du Japon durant la grande Dépression, la crise des années 1920, qui permit au Japon de se défaire de sa déflation en suivant des politiques Keynésiennes cinq ans avant la parution de la Théorie Générale de Keynes.

Le premier ministre Japonais a présenté son troisième axe en trois points : sa stratégie de croissance. Un plan de « renouvellement » sévère destinée à réformer le pays « d’un seul coup » pour le faire repartir sur de nouvelles bases.

Relever des défis, plus d’ouverture et de l’innovation surtout de l’innovation

Le Japon s’engage à relever les défis qui lui sont posés : « s’extraire de la déflation, améliorer la productivité de sa population active et maintenir une fiscalité disciplinée ». N’hésitant pas à reprendre la formule de Margaret Thatcher, le premier ministre insiste sur le fait qu’ « il n’y a pas d’autre alternative ». Plus d’ouverture sur le monde, une participation aux accords d’échanges avec l’Europe et les Etats-Unis. Plus de souplesse dans la circulation des capitaux, des marchandises mais également des hommes avec en particulier des simplifications pour l’accueil de médecins étrangers au Japon.

« Prendre des risques » pour relever le défi de la croissance en se concentrant notamment sur le marché de l’électricité, sur les services destinés aux seniors. Prendre en compte les erreurs du passé pour construire un avenir meilleur. Faire la promotion de la diversité en donnant plus de place aux femmes et aux jeunes dans la société. Tant de bonnes résolutions qui sont censés faire du Japon un « born again » robuste et compétitif.

Ce plan de renouvellement utilise des mots et une façon de penser curieusement similaire à celle de Carlos Ghosn lors de son discours d’introduction du Nissan Revival Plan. Le chef d’un Etat démocratique aura-t-il la même liberté d’action qu’un chef d’entreprise pour mener à bien son plan de restructuration ?

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