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Affaire Snowden: tout le monde sait que tout le monde s’espionne

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Nouveau rebondissement dans l’affaire Snowden. Les Etats-Unis espionneraient les ambassades étrangères sur leur territoire, et notamment celle de la France.

Si cette révélation a soulevé une vague de protestation parmi la classe politique européenne, ce type de pratiques n’est pourtant pas nouveau. Il est même très courant. Explications avec Alain Rodier, ancien officier supérieur des services de renseignement français et directeur de recherche chargé du terrorisme et de la criminalité organisée pour le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).

JOL Press : Les Etats-Unis espionnent les ambassades étrangères et notamment la représentation diplomatique française, sur leur territoire. Est-ce vraiment une surprise ?
 

Alain Rodier : Absolument pas. Tous les bons ouvrages qui traitent du renseignement et de l’espionnage en sont témoins, la France a toujours été l’objet d’une attention particulière des services de renseignements étrangers.

Nous savons par exemple que, lors de sa réfection, l’ambassade de France à Cuba avait été préalablement munie de micros. La même chose s’est produite en Libye il y a plusieurs années. Il n’y a donc rien d’étonnant dans cette information.

Depuis la découverte du Réseau Echelon, nom de code utilisé pour qualifier l’interception des satellites de télécommunications par les services de renseignements américains, tout le monde sait que la NSA intercepte de nombreuses communications.

La France intéresse donc les Etats-Unis, ce qui est d’ailleurs valorisant. Ce phénomène n’est pas nouveau, la politique française intéresse les Etats-Unis depuis le général de Gaulle.

Les Américains ont toujours voulu connaître en avance les dessous des cartes françaises et l’activité politique parisienne.

JOL Press : L’espionnage fait donc partie intégrante des relations qu’entretiennent les pays dans le monde ?
 

Alain Rodier : Oui, et cela a toujours été ainsi. Aujourd’hui, on semble redécouvrir le fil à couper le beurre, mais on sait par exemple que la Grande Bretagne abrite de nombreux centres d’écoute qui couvrent toute l’Europe.

Nous avons, dans l’histoire, de nombreux exemples qui illustrent ces méthodes. A la suite des attentats du 11 septembre, on peut supposer que les Etats-Unis savaient, en avance, que Jacques Chirac refuserait d’engager la France dans le conflit en Irak.

Autre exemple, l’interception de ces communications a déjà été utile dans le cadre de la guerre commerciale qui oppose Boeing à Airbus. Il y a quelques années, un de nos Premiers ministres s’est rendu à Riyad, en Arabie Saoudite, avec pour mission de vendre des avions aux Saoudiens. Dans l’avion qui l’a transporté à destination, il a utilisé le téléphone de bord pour communiquer. Lorsqu’il est arrivé sur place, et à la surprise générale, les Saoudiens décidaient finalement d’acheter des Boeing. On peut aisément supposer que les Etats-Unis ont eu le temps, à partir des informations qu’ils ont interceptées, de faire une proposition plus intéressante à l’Arabie Saoudite.

Il y a encore plus longtemps, pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands interceptaient tout ce qui provenait du Royaume-Uni et avaient obtenu l’information qui confirmait la date et le lieu du débarquement de Normandie.

Bien entendu, les Alliés étaient prudents et ont tout fait pour noyer l’ennemi sous un flot d’informations. On estime d’ailleurs que sur 100 informations envoyées depuis le Royaume-Uni, seules 18 étaient vraies, 30 étaient douteuses tandis que le reste n’était que de la désinformation.

JOL Press : Qu’en est-il de la France ? Pratique-t-elle également ce type de méthodes ?
 

Alain Rodier : Par souci de déontologie, je ne peux pas répondre à cette question.

Cependant, nous avons toujours tendance à croire que l’espionnage n’existe pas mais il est courant. Il y a un mois, un diplomate américain a d’ailleurs été interpellé à Moscou, alors qu’il tentait d’acheter du contre-espionnage en Russie.

De temps en temps, les médias se font les échos de cet espionnage mais la plupart du temps il reste dans l’ombre. C’est une guerre secrète qui n’a plus lieu d’être si elle n’est pas secrète et c’est un domaine où les Etats n’ont pas d’amis, mais uniquement des ennemis et des concurrents.

JOL Press : Dans l’enceinte de l’ambassade de France à Washington, les Etats-Unis ont mis en place un vaste système d’écoute. Quels sont les autres moyens utilisés par les autorités pour se renseigner ?
 

Alain Rodier : Il y a divers moyens techniques, qui ont été largement améliorés depuis l’arrivée d’Internet. L’interception, qui se pratique de différentes manières et dans différents endroits est une méthode très classique.

Il faut savoir également qu’intercepter les informations transmises par satellite n’est pas illégal. En revanche, l’espionnage des locaux est bien entendu interdit.

Enfin, l’espionnage par le biais de moyens humains, de recrutement est également une technique fréquente, très utilisée notamment chez les Soviétiques et remise au goût du jour par la Russie actuelle – une bonne quinzaine d’espions ont déjà été retrouvés sur le territoire américain et en Europe Occidentale.

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