Site icon La Revue Internationale

Comme Edward Snowden, ils sont des millions… Qui sont les apatrides?

anonymous_apatride.jpganonymous_apatride.jpg

[image:1,l]

Karl Marx, Daniel Cohn-Bendit, Adolph Hitler, Albert Einstein ou encore Oussama Ben Laden, des destins différents, mais un point commun : le statut d’apatride. Cela peut durer toute une vie, comme pour le philosophe allemand, ou bien sur une certaine période donnée, comme l’actuel co-président des Verts. Ces hommes se sont donc retrouvés sans patrie, mais que signifie ce terme ?

Pas de nationalité, pas de droits

L’apatride est déchu de sa citoyenneté, il perd un statut et ne peut s’en reconnaître un autre. Il est un hors-la-loi par définition puisque, comme l’explique Sophie de Mijolla-Mellor dans un article de la revue Topique, « privé du droit de résidence et de travail, il est perpétuellement en situation de transgresser la loi, en même temps qu’il vit hors de sa sphère d’application puisqu’il n’est pas citoyen. » Une situation extrêmement compliquée à vivre, puisque la nationalité constitue un lien juridique entre le citoyen et l’Etat. Or dépourvu de celle-ci, l’individu ne peut plus participer à la société et voit ses droits se tasser dans un flou.

« L’aspect le plus préoccupant est qu’en pratique de nombreux autres droits des apatrides sont violés- ils sont souvent incapables d’obtenir des documents d’identité ; ils peuvent être détenus parce qu’ils sont apatrides et ils pourraient se voir privés d’accès aux services d’éducation et de santé ou empêchés d’obtenir un emploi », s’inquiète ainsi l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), qui précise que « les apatrides sont confrontés à de nombreuses difficultés dans leur vie quotidienne : ils peuvent être privés d’accès aux soins de santé, à l’éducation, aux droits de propriété et à la liberté de circulation. Ils risquent également de subir des traitements arbitraires et des crimes comme la traite d’êtres humains. »

Environ 12 millions d’apatrides dans le monde

Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Antonio Guterres s’indignait il y a deux ans, lors d’une campagne pour lutter contre ce fléau, que ce droit humain fondamental qu’est d’appartenir à une nation ne soit pas respecté : « Ces personnes ont désespérément besoin d’aide car vivre dans un vide juridique relève du cauchemar. Cela en fait des populations parmi les plus exclues au monde. Au-delà des souffrances causées aux apatrides eux-mêmes, la marginalisation de groupes entiers à travers plusieurs générations crée de fortes tensions dans les sociétés où ils vivent et c’est parfois une source de conflit. »

L’article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 le précise bien, « Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité. » Or, un apatride n’est pas une personne qui ne revendique pas un pays d’appartenance, mais quelqu’un qui n’est pas reconnue par les pays. Ces orphelins de nations vivent un calvaire, la philosophe Hannah Arendt l’avait très bien perçu dans ses écrits : « Etre déchu de sa citoyenneté, c’est être privé de son appartenance au monde ». C’est être privé du droit de ses droits.

L’enjeu politique plus fort que l’humanitaire ?

L’apatridie peut découler de diverses causes, comme des cessions de territoires, des déplacements forcés, des erreurs administratives, une déchéance de la part d’un Etat, etc. Devenu enjeu important dans la seconde moitié du vingtième siècle, des Conventions ont été formulées afin que les apatrides puissent jouir d’une protection et de droits.

Comme l’expliquait Danièle Lochak, professeure émérite de droit à l’université Paris X, « la Convention de 1954 sur le statut des apatrides leur confère une certaine protection et demande aux Etats de faciliter leur naturalisation. La Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie demande aux Etats d’intégrer dans leur législation des dispositions visant à éviter qu’une personne ne se trouve privée de nationalité. Cela étant, chaque Etat est libre de déterminer comme il l’entend les lois sur la nationalité et de déterminer qui est ou n’est pas son ressortissant. Il s’agit là d’une prérogative souveraine. D’autant plus qu’il n’y a pas véritablement de contrôle de l’application par les Etats de ces conventions. » La France a ratifié la Convention de New York de 1964.

Demandeur d’asile, Edward Snowden a contacté les pouvoirs français afin d’obtenir un refuge et vivre normalement. Ils pourraient le lui accorder au motif de « combattant pour la liberté », étant donné qu’il est considéré ainsi par certains soutiens. Mais nul ne doute que la France répondra par la négative à la demande, ne voulant certainement pas compliquer ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis, pour une décision qui prendrait un sens politique. Tant pis pour l’humain.

Ci-dessous, le témoignage d’un réfugié, obligé de fuir la République Démocratique du Congo à cause de persécutions, venu trouver asile en France. À Amnesty International, il raconte ce qu’il a enduré :

Quitter la version mobile